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Chili : 50 ans d’un coup d’Etat qui divise toujours la société

par Carlos Quenan le 13 septembre 2023
Le 11 septembre 2023, le Chili a commémoré les cinquante ans du coup d'Etat militaire du général Pinochet, qui fut suivi d'une longue et sanglante dictature, un événement qui continue de diviser les Chiliens. Sans avoir jamais été jugé, Augusto Pinochet est mort d'une crise cardiaque en 2006 à l'âge de 91 ans. Les heurts apparus dimanche montrent un Chili divisé entre les défenseurs et les détracteurs de la dictature. Perspectives sociétales et historiques avec Carlos Quenan, professeur à l'Institut des Hautes Etudes de l’Amérique latine (IHEAL), à la Sorbonne Nouvelle et vice-président de l'Institut des Amériques.
Le Laboratoire de la République : Comment le coup d'Etat de 1973 est aujourd'hui perçu par la société chilienne ? Quelle influence sur la politique nationale ? Carlos Quenan : Le coup d’Etat de 1973 était une rupture du point de vue de l’évolution démocratique de ce pays, dans une société chilienne très polarisée et dans un contexte international également polarisé à cause de la Guerre froide et de la rivalité entre les Etats-Unis et l’URSS. La perception des Chiliens sur le coup d’Etat est passée par différentes étapes. A l’heure actuelle, la société chilienne est encore polarisée avec un climat politique très volatil. A la fin de la dictature de Pinochet en 1990, le pays était davantage prospère qu’en 1973 à la suite des réformes économiques libérales mises en place par un groupe d’économistes connus comme les « Chicago boys ». Le Chili était dynamique du point de vue économique et caractérisé par une diminution de la pauvreté mais beaucoup plus inégalitaire que par le passé.  Le retour à la démocratie s’est produit grâce à un référendum gagné par l’opposition à la fin des années 1980. Dès lors, le pays a connu une transition démocratique sous contrôle militaire (ex : la présence de représentants des Forces Armées au Sénat). On assiste entre 1991 et 2008 à une longue période de gouvernements dite de la « Concertation », un groupement des forces de centre-gauche, où, toujours dans le cadre de la constitution de 1980 héritée de la dictature militaire, l’économie continue à être très dynamique mais toujours fort dépendante des exportations primaires. Entre la fin des années 2000 et le début des années 2020, on assiste à une double alternance où se succèdent à deux reprises les gouvernements dites de la « Concertation » de la Présidente Bachelet (centre gauche) et du Président Piñera (droite). L'année 2019 marque un point d’inflexion avec l’émergence de manifestations massives exprimant un rejet de la hausse du coût de la vie et en faveur de reformes démocratiques. Ce mouvement a débouché sur la proposition d’une réforme de la constitution qui semblait s’orienter vers la prise en compte, notamment, de la préservation de l’environnement et la réduction des inégalités. La prospérité connue par le pays pendant plusieurs décennies a eu des effets tangibles : alors qu’au milieu des années 1970, le PIB par habitant du Chili représentait 15% du PIB par habitant des Etats-Unis, au début des années 2020, le PIB par habitant du Chili constituait presque 50% de celui des Etats-Unis. Toutefois, les manifestations de 2019 ont exprimé une considérable insatisfaction à l’égard de la répartition des fruits de la croissance économique. Ainsi, en 2020, par une consultation populaire, près de 80 % de la population ont souhaité la formation d’une assemblée constituante. Cependant, deux ans après, 62 % des Chiliens n’ont pas soutenu le texte qui devait remplacer celui hérité de la dictature de Pinochet. En outre, la dernière élection présidentielle a vu le candidat de gauche gagner – Gabriel Boric, très jeune, ex-dirigeant étudiant très actif dans les mouvements de contestation évoqués précédemment- mais 45% des voix sont allées vers le candidat d’extrême droite, José Antonio Kast, qui exprime une nostalgie de la période de Pinochet. En somme, le coup d’Etat de 1973 est critiqué par une partie importante de la société, néanmoins, une autre partie reste nostalgique de cette période qui avait marqué le début d’une période d’« ordre » et de prospérité économique. Dans le cadre de la post-pandémie et d’un affaiblissement de la croissance économique, cette nostalgie est renouvelée et nourrie par un courant qui gagne du terrain dans les opinions publiques et qui exprime une perspective de droite extrême dans la région latino-américaine voire dans le monde occidental. Dans ce sens, le cas le plus paradigmatique a été celui au Brésil avec l’arrivée au gouvernement de Bolsonaro. La démocratie n’est pas en danger au Chili. Depuis la fin de la dictature de Pinochet, il y a un rejet des violences pour résoudre les conflits politiques. Cependant, les mesures de l’opinion publique dans ce pays et dans l’ensemble de la région latino-américaine montrent un recul de l’adhésion de la démocratie, ce qui est inquiétant. Le Laboratoire de la République : Le Chili a-t-il marqué un changement dans la politique interventionniste américaine ? Quel héritage aujourd'hui dans la politique des Etats-Unis ? Carlos Quenan : A la différence d’autres cas que nous avons connu au XXème siècle, notamment en Amérique centrale, où les Etats-Unis étaient impliqués directement dans les coups d’Etat et le renversement de gouvernements en place, dans le cas du Chili il n’y a pas eu de participation directe des Etats-Unis. Certes, dans le contexte de la Guerre froide, les Etats-Unis ont soutenu les Forces Armées chiliennes lors du coup d’Etat de 1973. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, une ingérence directe « à l’ancienne » des Etats-Unis semble révolue même si ce pays exerce, toujours, une influence très importante dans la région latino-américaine et caribéenne dans laquelle on constate, comme dans d’autres continents, une présence croissante de la Chine. Mais, même dans le cas de gouvernements se montrant clairement hostiles aux Etats-Unis – par exemple, le Nicaragua ou le Venezuela –, le recours à la force semble exclu. Le Laboratoire de la République : Le peuple chilien a relevé pacifiquement sa démocratie après la période Pinochet. Quel enseignement peut-on tirer de l'exemple chilien alors que des coups d'Etat se multiplient en Afrique ? Carlos Quenan : Les situations de ces deux continents sont difficilement comparables. La région latino-américaine, constituée majoritairement par des pays à revenu intermédiaire, est bien plus développée que l’Afrique. Les sociétés civiles y sont assez actives même si la polarisation s’installant dans des nombreux pays dégrade le débat public. En Afrique, il y a une grande instabilité politique dont on a la preuve avec les évènements récents et une intensification ouverte des rivalités hégémoniques sur le plan géopolitique avec une présence croissante de la Russie et de la Chine. En revanche, en Amérique latine, le cycle des coups d’Etat militaires semble révolu même s’il y a une certaine désaffection vis-à-vis de la démocratie. L’apparition de mouvements et forces prenant appui sur cette situation constituent des menaces qu’il faut prendre au sérieux. Les expériences du passé au Chili et dans d’autres pays latino-américains qui ont subi des dictatures militaires entre les années 1960 et 1980 ont conduit à un considérable degré de maturité démocratique. Cinquante ans après le coup d’Etat au Chili, l’émotion des exilés politiques installés en France (lemonde.fr)

La laïcité : principe républicain pour émanciper les élèves de toutes influences extérieures et protéger les professeurs

par Caroline Yadan le 8 septembre 2023 Caroline Yadan
Dimanche 26 août, le ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal a annoncé que le port de l’abaya et des qamis serait désormais interdit à l’école. Une note et un protocole publiés le 31 août ont permis aux chefs d’établissements de mettre en œuvre le dispositif avec succès lors de la rentrée scolaire, lundi dernier, 4 septembre. Caroline Yadan, députée de Paris, nous fait part de son regard sur la laïcité et l'interdiction de ces tenues.
Les chefs d’établissements ont globalement salué un texte clair et sécurisant. Pourquoi était-il essentiel de préciser l’application de la loi de 2004 pour ces deux tenues vestimentaires ? Le procès en « islamophobie » n’a pas manqué de ressurgir, venant en majorité d’influenceurs fréristes, mais aussi de LFI. Pourquoi est-il infondé ? Que dire aux jeunes qui revendiquent sincèrement leur liberté de porter des signes religieux ostentatoires ? Selon un sondage IFOP pour Charlie Hebdo publié le 4 septembre, 70% des Français (48% des sympathisants LFI, 71% des sympathisants PS) associent l’abaya à des tenues ayant un caractère religieux. Comment comprendre l’entêtement de certaines figures de gauche alors que le consensus paraît solide ? Comment s’assurer de l’application de la loi dans les prochains mois ? Comment contrer les minorités religieuses qui vont essayer d’en contourner la lettre ? Toutes ces questions ont été posées à Caroline Yadan, députée de Paris. Entretien complet sur notre chaîne Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=DTdDhtUatSE&list=PLnuatIJNLTZWAbN4pAsF9KCsAqUX9Bn9F&index=6

« Ne plus considérer l’eau comme une ressource illimitée »

par Nicolas Roche le 1 septembre 2023
Cet été 2023, 62 % des nappes phréatiques sont toujours sous leur niveau normal. De nombreux départements ont ainsi été placés en état de « crise », limitant drastiquement l’usage de l’eau par les particuliers et professionnels. Nicolas Roche, professeur en Génie des Procédés à Aix-Marseille Université et chercheur au CEREGE, nous apporte un éclairage sur ces épisodes de sécheresses.
Le Laboratoire de la République : La France ne réagit-elle pas trop tard en ce qui concerne la sécurisation de ses ressources hydriques ? Nicolas Roche : La sécurisation des ressources hydriques n’est pas principalement liée à des mesures à court terme mais sur une vision à moyen et long terme de l’évolution des ressources et des besoins en eau tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif. Les tensions sur les usages, du fait notamment des impacts importants du changement climatique sur le cycle de l’eau, s’intensifient au fil des années, il est donc urgent de ne plus considérer l’eau comme une ressource illimitée et d’investir fortement dès à présent sur ce changement de paradigme, en 2030 il sera sûrement trop tard. Le Laboratoire de la République : Est-elle suffisamment consciente du degré de risque encouru ces prochaines années ? Nicolas Roche : Si l’on regarde l’augmentation des épisodes de sécheresses en France sur les 30 dernières années, il est clair que les scientifiques observent une accélération continue de l’ampleur de ces phénomènes, au même titre que la fréquence accrue des épisodes de pluies diluviennes. L’effet combiné de ces deux phénomènes diminue de fait les quantités d’eau douce disponible, dites eaux conventionnelles ou eau bleue[1]. De ce point de vue, si l’on regarde les cinq dernières années, à part pour l’année 2021, toutes les autres années ont été marquées par des arrêtés sècheresses pris dans plus de 75 % des départements français. Il est clair que l’été 2022, avec une sécheresse plus généralisée en France, a été un marqueur fort de la prise de conscience politique et de la société dans son ensemble de l’impact du CC sur le cycle de l’eau et c’est tant mieux. Le Laboratoire de la République : Quelle est l’efficacité des restrictions mises en place par le gouvernement ? Un changement des usages permettra-t-il d’atténuer visiblement les effets des épisodes de sécheresse ? Nicolas Roche : Dans les mesures annoncées, il est important de distinguer celles à court terme, qui reposent essentiellement sur des aspects de sobriété (diminution des prélèvements), nécessaires sur les territoires en tensions, car il n’y pas d’autres choix actuels que de mettre en place des restrictions temporelles d’usages. Par contre, il est urgent de mettre en place, dans une vision à moyen et long terme, des actions de préservation des ressources et des usages dans un contexte de raréfaction des ressources en eau. C’est une équation complexe à résoudre, où il faut absolument, à l’échelle de chaque territoire, intégrer simultanément quatre piliers, (i) la restauration et la préservation des écosystèmes (désimperméabilisassions des zones urbanisées, nature en ville, solutions fondées sur la nature, biodiversité, ...), (ii) la sobriété d’usage (réduire les consommations), (iii) l’efficacité d’usage (réduire les pertes) de l’eau ainsi que (iv) la complémentarité des usages avec, dans ce cadre, l’étude systématique, par territoire, de l’intérêt ou non et de l’ampleur nécessaire de la réutilisation des eaux usées traitées (REUT).  Si les mesures annoncées dans le plan eau national, en mars dernier, sont en adéquation avec ces enjeux majeurs, il est important que leurs mises en œuvre rapides le soient aussi, pour ne surtout pas rester sur des effets d’annonces qui seraient catastrophiques pour l’avenir. Le Laboratoire de la République : Plus particulièrement, l’approvisionnement en eau potable est crucial. Comment assurer ce dernier tandis que la pollution des eaux accroît le risque de pénurie engendré par les épisodes de sécheresse ? L’eau est utile et nécessaire pour toutes les activités humaines, qu’elles soient liées à l’alimentation, à l’hygiène, à la production agricole, à la production énergétique et industrielle, à des besoins urbains mais aussi à des usages de confort, d’agrément ou de loisirs. Dans les régions en stress, il est donc crucial de bien hiérarchiser tous les usages et leurs intérêts, de bien quantifier tous les besoins, et de les mettre en regard des ressources dans une vision et une gestion temporelle essentielle (les problèmes ne sont pas les mêmes en hiver et en été). Il est important aussi, de ce point de vue, de se préserver de la politique du bouc émissaire, qui si elle donne une impression d’action reste souvent, sur ces problématiques complexes très limitées en termes de résultats et d’efficacité. Le Laboratoire de la République : Quelles solutions techniques apporter pour sécuriser la disponibilité en eau douce, tout en assurant sa répartition équitable ? Un mécanisme économique, tel que la mise en place de quotas de consommation d’eau, symétrique à la mise en place d’un marché du carbone, serait-il efficace ? Nicolas Roche : Globalement, les solutions techniques existent et ont même été la plupart du temps déjà expérimentées ailleurs sur la planète et même dans l’espace où 100 % des eaux sont en permanence recyclées. Il s’agit surtout de le mettre en œuvre sur une vision territoriale globale et partagée, et en y associant tous les acteurs, qu’ils soient politiques, tant au niveau national que local, étatiques (agences, directions territoriales, ...), industriels, citoyens, associatifs, ou encore scientifiques. Il est important aussi de revoir complètement le modèle économique des usages de l’eau afin d’y intégrer une valeur environnementale de la ressource en eau qui sera différente selon les usages, les territoires et les saisons. Le temps de la ressource gratuite[2] est sûrement un temps révolu même si pour les usages liés à l’alimentation et à l’hygiène il est important qu’elle le reste partout et pour tous. La mise en place de cette nouvelle approche nécessite donc de revoir complètement notre rapport à l’eau et la manière dont nous l’utilisons, notamment et surtout dans les zones urbaines où cette question est absolument essentielle. Cela passe notamment par une connaissance et une comptabilisation précises et continues, les plus individualisées possible, de tous les usages tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif. Il faut ensuite intégrer, à l’échelle de chaque territoire, systématiquement les quatre piliers cités précédemment (ressources, sobriété, efficacité et complémentarité) et s’approprier localement les modes de gestion de la ressource et des usages. Cela nécessite de décider rapidement et de prioriser des investissements importants avec des échéanciers, des indicateurs et des objectifs clairs. Si le temps de l’évolution de la planète reste un temps long, le temps de l’action est quant à lui très court car la réversibilité du système est tout aussi lente que son évolution. [1] Sur un volume de précipitations, il est important de distinguer l’eau qui va alimenter les réservoirs naturels (rivières, lacs et nappes), dite eau bleue et celle qui va être utilisée directement par la nature et les végétaux, dite eau verte. En moyenne sur la planète, l’eau verte va mobiliser 62% des précipitations avec des variations saisonnières très importantes. [2] en France on ne paye essentiellement que les services liés à l’eau sans y intégrer sa valeur

Intelligence artificielle : la culture numérique est cruciale pour relever les défis de l’IA

par Thierry Taboy le 28 août 2023
L’apparition, depuis un an et demi environ, de modules d’intelligence artificielle générative destinés au grand public, a eu un retentissement important dans la sphère publique, entre projections utopiques et dystopiques. Alors que la révolution est encore devant nous, Thierry Taboy, directeur Droits Humains au sein du groupe Orange et coordinateur de la task force Santé du collectif Impact AI, souligne l’importance de l’acculturation au numérique pour favoriser le développement d’une IA européenne et circonscrire les risques démocratiques liés à son usage.
Le Laboratoire de la République : Dix mois après l’apparition de ChatGPT, en sait-on davantage sur les usages qui sont faits de cet outil ? La révolution annoncée n’est-elle pas encore devant nous ? Thierry Taboy : Les applications supportées par un moteur d’intelligence artificielle sont loin d’être nouvelles mais peu de gens jusqu’à présent se rendaient compte qu’ils s’en servaient dans leur quotidien. A la manière d’un monsieur Jourdain de la technologie, ils entraînaient des IAs sans le savoir. En offrant une interface très accessible, ChatGPT d’OpenAI a créé une rupture radicale, permettant au plus grand nombre de se confronter en conscience aux potentialités offertes par l’outil. Et c’est devenu une folie, entre déferlante d’usages, engouement médiatique et discours plus ou moins délirants (« les IAs génératives vont faire disparaître les cadres »… ). ChatGPT est une intelligence artificielle qui répond à toutes vos questions même parfois quand elle ne sait pas, écrit des articles, des chansons, des recettes de cuisine ou des lignes de code à la demande et bien plus encore. Si elle repose sur des banques de données immenses et propose un mode de langage naturel, elle n’en reste pas moins imparfaite. Pour résumer, elle « ne comprend pas » ce qu’elle écrit, elle ne fait que prédire les mots qui sont les plus cohérents pour continuer sa phrase. Mais elle le fait plutôt bien, ce qui donne l’impression qu’elle est vraiment intelligente, ou consciente. Cela dit, il est indéniable que la qualité des réponses proposées par les IAs génératives ne cesse de progresser, avec comme facteurs déterminants une performance algorithmique croissante, de nouvelles fonctionnalités, l’intégration de banques de données de plus en plus larges et l’explosion du nombre d’utilisateurs qui « l’entraînent » toujours plus. Assistance à la rédaction, support client, campagnes de communication, conditions juridiques, éducation, création de contenus multimédia, traduction, programmation… les champs recouverts par les Midjourney, ChatGPT, Lamma-2 (open source) et consorts sont toujours plus nombreux, aussi bien du côté professionnel que grand public. Selon l’IFOP, 18% des salariés en Entreprise l’utiliseraient d’ailleurs déjà, le plus souvent sans le dire. Si l’on veut résumer, ChatGPT est un excellent outil pour générer un premier jet, de gagner du temps, quand nous sommes confrontés à toute forme de rédaction. Cette nouvelle donne oblige à repenser la manière dont nous abordons l’éducation et la formation. Il faut apprivoiser la bête, l’encadrer. On le sait, usage n’est pas maîtrise et ces technologies demandent de revoir les modes d’apprentissage. Profiter du meilleur de ces technologies et en faire un allié de la créativité humaine demande une bonne connaissance de leurs forces et limites, la capacité à générer des contextes propices à une réponse adaptée. Comme le note très bien le Conseil National du Numérique (Livre "civilisation numérique"), "(toute nouvelle technologie doit être) accompagnée de la formation d'un nouvel esprit critique et d'une culture technique permettant à chacun de préserver sa capacité de discernement". Le Laboratoire de la République : Ces technologies ont suscité un mélange de peur et d’enthousiasme sans précédent. Quels espoirs et quelles inquiétudes peut-on raisonnablement avoir vis-à-vis de ces modules ? Thierry Taboy : Il est d’abord urgent de sortir des discours manichéens qui fleurissent un peu partout et savoir raison garder. Les IAs génératives entraînent de nouveaux risques mais peuvent également être considérées comme une véritable opportunité pour celles et ceux qui gagneront en "capacitation" comme aimait à le rappeler Bernard Stiegler. Une récente étude du MIT tend d’ailleurs à montrer que l'usage de ChatGPT serait certes facteur de productivité mais surtout de réduction des inégalités une fois les personnes formées. (Experimental evidence on the productivity effects of generative artificial intelligence | Science). S’il est vrai que certains métiers sont vraiment plus à risque que d’autres, nous allons surtout devoir faire face à une transformation radicale de leurs contours. Ce qui sous-tend que plutôt qu’un remplacement de ceux-ci, ce sont les profils qui maitriseront le mieux ces nouveaux outils qui seront en situation de force en termes d’attractivité employeur. Si nous devons nous concentrer concrètement sur les risques structurels induits par ces IAs, c’est du côté des biais, de l’éthique, de la lutte contre les stratégies de désinformation (deepfake) comme du respect de la vie privée qu’il faut se pencher. C’est tout le sens du débat qui s’est tenu le 18 juillet dernier au sein du Conseil de Sécurité de l’ONU et dont le thème était « conséquences pour la paix de l’intelligence artificielle, entre « risques existentiels » et immenses promesse ». Avec les droits humains en première ligne. Pour résumer, plutôt que de lutter contre une vague inexorable, il va falloir apprendre à surfer. Le Laboratoire de la République : La levée de fonds record conclue par Mistral AI en juin a démontré que des technologies européennes ou françaises étaient en cours de développement. Est-ce suffisant ? Comment assurer la souveraineté européenne en la matière ? Thierry Taboy : Face aux montants astronomiques des investissements déployés aux Etats-Unis ou en Chine, l’Europe, malgré un retard évident, a encore une véritable carte à jouer si elle s’en donne les moyens et offre un cadre propice, une juste balance entre innovation et réglementation. De par son histoire, sa culture, la « vieille » Europe porte en elle des valeurs propices au déploiement d’IAs responsables « by design », respectueuses des droits humains, une condition essentielle à sa souveraineté. Avec des industries d’excellence à portée mondiale dans les domaines IT et une propension à s’appuyer sur leurs écosystèmes et ainsi déployer des stratégies d’innovation ouverte, l’Europe possède de réels atouts pour se démarquer. Et cela peut faire toute la différence en matière d’accessibilité, de confiance utilisateur et de différenciation marché. Le règlement européen sur les services numériques (DSA) comme le futur « AI Act » sont et seront à ce titre déterminants. Les dernières versions de l’AI Act peuvent à ce titre légitimement inquiéter par leur portée trop restrictive et des améliorations sensibles sont attendues pour réellement promouvoir l’équilibre innovation-réglementation. N’en reste pas moins vrai que la souveraineté est au cœur de l’agenda européen. Le Laboratoire de la République : De nombreuses universités ont décidé d’interdire l’usage de ChatGPT. Est-ce une stratégie tenable et intéressante ? Thierry Taboy : Selon moi, cela n’a aucun sens sauf si de telles décisions sont dictées par la nécessité de marquer une courte pause et d’en profiter pour permettre au corps enseignant de se former, de se repenser pour intégrer cette nouvelle donne dans les parcours d’apprentissage. Prenons l’exemple des écoles qui forment les futurs développeurs et développeuses. Intégrer dans leurs parcours d’apprentissage l’appropriation des IAs génératives permettra de s’appuyer sur celles-ci afin de rapidement créer les briques de bases (frameworks) et se concentrer sur des tâches plus complexes et ainsi libérer leur créativité. Cet exemple vaut également pour les étudiants ou les communicants qui auront la capacité à générer les premières ébauches de réponse, se faire surprendre par des points de vue inédits. Pour autant, il leur faudra connaître comment affiner leurs requêtes (prompts), se confronter à d’autres sources et, sur cette base, proposer leur propre vision. Comme l'écrit Jérémy Lamri, "pour résoudre efficacement les inégalités liées à la capacité de prompter les IA génératives, il est crucial d’adopter des approches interdisciplinaires. Cela signifie associer les compétences et perspectives de la sociologie, la philosophie et les sciences techniques pour mieux comprendre les attentes et les besoins spécifiques des utilisateurs." L’intégration de ces technologies demande donc aux enseignants comme aux professionnels de se réinventer pour faire en sorte que ces technologies soient au service de l’ingéniosité humaine. Le travail à mener est conséquent.  Au final, les universités et autres structures de formation qui feront la différence dans le futur seront celles qui auront privilégié l’intelligence collective tout en puisant dans ce qu’apporte ces technologies nouvelles. Refuser le train ne sauvera pas la calèche.

Émeutes et réseaux sociaux

par Benoît Raphaël le 25 juillet 2023
La mort de Nahel Merzouk à la suite d’un tir d'un policier lors d'un contrôle routier le 27 juin dernier a déclenché une vague d'émeutes et de violences dans les quartiers populaires. La diffusion sur les réseaux sociaux de la vidéo de l'événement a notamment entraîné une mobilisation sans précédent des communautés digitales, soulevant des interrogations sur l'impact de ces plateformes sur la paix sociale. Benoît Raphaël, journaliste, auteur et entrepreneur spécialisé dans l'intelligence artificielle, évoque pour le Laboratoire de la République cette question.
Laboratoire de la République : Quel rôle ont joué les réseaux sociaux dans les émeutes des derniers jours ? Quelle est leur part de responsabilité dans l'emballement et la libération de la violence ? Benoît Raphaël : Je pense tout d'abord qu'il faudrait reformuler la question : avant d'interroger la responsabilité des réseaux sociaux, il faudrait d'abord se questionner sur l'usage qui a été fait des réseaux sociaux par les émeutiers pour maintenir la pression. Les réseaux sociaux sont avant tout des médias, mais dont les « rédacteurs en chef » sont tout un chacun. De la même manière, on devrait aussi s'interroger sur le rôle des médias et en particulier des chaînes d'info en continu dans la mécanique de l'emballement. Plus généralement, on retrouve ce rôle des réseaux sociaux dans la plupart des phénomènes de révolte et de radicalisation. Les règles sont détournées par quelques-uns pour amplifier ou accélérer des phénomènes de violence ou de mobilisation. Sans porter de jugement sur le fond des revendications, on l'a vu lors des épisodes des gilets jaunes (via les groupes Facebook) mais aussi lors des émeutes anti-racistes pendant le mouvement #LiveBlackMatters aux États-Unis en 2020, puis lors de l'invasion du Capitole en janvier 2021 par les supporters radicalisés de Donald Trump (via les réseaux et messageries d'extrême droite). Et, plus récemment, lors des révoltes en Iran. Depuis le printemps arabe dans les années 2010-2011, le rôle des réseaux sociaux a toujours fait débat parmi les spécialistes : ils ont été utilisés pour mobiliser les foules et diffuser des informations en temps réel. Les militants utilisent les réseaux sociaux pour organiser des manifestations et coordonner leurs actions. Cependant, certains analystes estiment que le rôle des réseaux sociaux a été exagéré et que les mouvements de révolte étaient avant tout le résultat de facteurs politiques et économiques. Les réseaux sociaux sont utilisés pour diffuser des informations erronées et des rumeurs, ce qui contribue à la tension et à l'escalade de la violence. En fin de compte, le rôle des réseaux sociaux dans les mouvements de révolte dépend de nombreux facteurs, tels que le contexte politique et social, la technologie disponible et les compétences des militants. Laboratoire de la République : Le Président de la République a évoqué l’idée de limiter l'accès aux réseaux sociaux pendant des épisodes de violences urbaines. Est-ce la solution ? L'État en a-t-il les moyens ? Benoît Raphaël : Le problème avec ce genre d'approche, c'est qu'elle est similaire à celles qu'ont eues les dictatures pour réprimer leurs propres révoltes. Donc c'est une question à aborder avec beaucoup de prudence. En revanche, on pourrait tourner le problème différemment : les autorités pourraient utiliser les réseaux sociaux pour prévenir les émeutes en surveillant les conversations sur les plateformes et en identifiant les messages qui incitent à la violence. Les autorités peuvent également utiliser les réseaux sociaux pour diffuser des messages de prévention et de sensibilisation, en particulier auprès des jeunes. Les réseaux sociaux peuvent également être utilisés pour appuyer des initiatives d'appel à la raison ou pour saper des mouvements de panique ou de défiance à l'égard des autorités. Cependant, les autorités doivent être prudentes dans leur utilisation des réseaux sociaux, car une mauvaise utilisation peut contribuer à l'escalade de la violence. En fin de compte, les réseaux sociaux ne sont qu'un outil et ne peuvent pas remplacer une approche globale et coordonnée pour prévenir les émeutes. Laboratoire de la République : La diffusion de certaines vidéos sur les réseaux sociaux permet de soulever des débats structurants. En l'espèce, elle permet de porter un regard critique sur les méthodes de la police dans les banlieues. Ne faut-il pas aussi reconnaître l'intérêt démocratique des plateformes ? Benoît Raphaël : Oui, si vous vous souvenez, lors des mouvements des Gilets Jaunes, il a fallu attendre plusieurs mois avant que la question des violences policières soit abordée par les médias. Les signaux faibles étaient déjà très présents sur les réseaux sociaux. Laboratoire de la République : Plus spécifiquement, ce durcissement souhaité du cadre légal, s'il devait être acté, ne risquerait-il pas de créer une forme de jurisprudence susceptible de créer les conditions d'un élargissement progressif vers l'ensemble des mouvements citoyens, bridant ainsi la démocratie participative ? Benoît Raphaël : La tentation que peuvent avoir les autorités face à ces mouvements radicaux me fait penser à l'idée de la « Stratégie de la mouche » théorisée par Yuval Noah Harari, dans un article diffusé en 2016, suite aux attaques terroristes en France. La théorie est la suivante : comment détruire un magasin de porcelaine (la démocratie) quand vous êtes une mouche (le terroriste) et pas un éléphant (le peuple). Eh bien, vous adoptez la stratégie de la mouche. Vous tournez autour de l'éléphant jusqu'à le rendre fou et lui faire prendre des mesures destructrices pour la démocratie, comme par exemple monter les populations les unes contre les autres ou prendre des mesures anti-démocratiques. Il faut être très prudent et nuancé dans nos réponses à la radicalisation des mouvements, car c'est justement ce que cherchent à obtenir les extrémistes de tout bord : déstabiliser le système démocratique. On observe un phénomène similaire avec les fake news : 80 % des fake news sont partagées par 4 % des internautes (selon les observations de Frances Haugen, ex-Facebook, devant le Sénat français). Les fake news renforcent le pouvoir déstabilisant des personnes les plus radicalisées, mais cela ne concerne qu'une minorité, et cela ne veut pas dire que tout le monde est touché. Par ailleurs, la violence de certains mouvements ne doit pas permettre aux autorités de se déresponsabiliser en se bornant à pointer du doigt les plateformes numériques, et à faire oublier la profondeur du malaise social, qui nécessite qu'on la prenne en compte de façon globale et qui nourrit les mouvements les plus radicaux. Mort de Nahel : comment les images diffusées sur les réseaux sociaux ont changé le traitement judiciaire des violences policières (francetvinfo.fr)

Émeutes : réponse ou réaction judiciaire ?

par Thierry Froment le 24 juillet 2023
Thierry Froment est ancien magistrat du parquet et juge d’instruction, ancien Co-directeur de l’Institut de Sciences Criminelles de Montpellier, membre de l’ARPC (Association de recherche en politique criminelle de Montpellier) et responsable de la sécurité ainsi que de la politique de la ville d’une grande station balnéaires du sud de la France. Aujourd’hui consultant spécialisé notamment en politique pénale, co-construction de diagnostics et de projets de contrats locaux de prévention de la délinquance et de sécurité, il évoque pour le Laboratoire de la République, la situation judiciaire des émeutes résultant de la mort de Nahel, 17 ans, à Nanterre.
Le Laboratoire de la République : A la suite du décès de Nahel le 27 juin 2023 à Nanterre et des troubles graves qui en ont résulté, le Garde des Sceaux a émis une circulaire prescrivant une « réponse pénale ferme », privilégiant notamment le défèremment. Ce souci de démonstration d’autorité est-il pertinent ou excessivement corrélé à l’actualité ? Thierry Froment : Les émeutes qui ont suivi le décès du jeune Nahel ont été en quelque sorte un amplificateur des difficultés, parfois des malentendus que connaît notre police républicaine. D’abord parce que la police est devenue trop souvent l’instrument d'une stratégie politique de certains pour toucher un pouvoir à qui on veut l'assimiler. On se plaît à la dire alors inféodée, raciste, violente et tout passer sous cette lunette déformante pour contester l’autorité du gouvernement. Mais aussi, cette affirmation récurrente des policiers devenue adage populaire : « on les attrape et ils sont remis en liberté avant que l’on soit rentré au commissariat », traduit, plus qu’une incompréhension des décisions judiciaires, une forme d’impuissance à traiter une délinquance jeune, complexe et redondante. La circulaire du Garde des Sceaux du 30 juin dernier a eu l’effet bénéfique de mobiliser les parquets sur l’objectif d’une réponse judiciaire immédiate en rappelant les moyens de procédure à disposition : comparution immédiate pour les majeurs, présentation immédiate pour les mineurs facilitée par la réforme récente du Code de Justice Pénale des mineurs, mise en jeu de la responsabilité civile voire pénale des parents et l’interopérabilité entre les parquets pour prêter main forte aux juridictions les plus saturées. Donner une capacité de réponse judiciaire rapide aux délits constatés, exige des services de police des procédures de flagrance de très bonne qualité, argumentées en termes de preuve des faits constatés et de respect des droits. C’est une réelle difficulté dans un contexte de comportements violents et de délinquance de foule. Sur ce point, l’expérience, tant sur le fait générateur de ces événements que sur la gestion même des émeutes, plaide pour une généralisation de l’usage des caméras piéton conformément aux dispositions de l’article L242-1 du Code de la Sécurité Intérieure. Enfin une réponse judiciaire rapide demande en contrepartie une capacité à diligenter en urgence des enquêtes sociales et des enquêtes de personnalité de qualité, ce qui a été rendu possible par les récentes réformes et notamment la loi du 26 février 2021 facilitant les mesures d’enquête éducative pour les mineurs. Réagir vite, oui, mais en gardant la pleine maîtrise de l’individualité de la peine, principe majeur de notre droit pénal. La circulaire du Garde des Sceaux a donc eu l’effet mobilisateur, rassurant et qualitatif recherché, sans être dans la réaction mais en privilégiant l’efficacité, la lisibilité et la cohérence de l’action publique. Le Laboratoire de la République : Quelle est, selon vous, la place de la réponse judiciaire face à un problème largement sociétal témoignant d’une défiance démocratique ? Thierry Froment : La réponse judiciaire est essentielle à la vitalité de notre démocratie. D’abord parce qu’elle est indépendante du pouvoir exécutif et qu’elle est rendue en notre nom à tous, au nom du peuple français. Parce qu’elle est le verbe et l’autorité de la Loi qui protège, sanctionne et apaise. Mais aussi parce qu’elle est l’autorité qui prend le temps d’écouter, de comprendre et de décider. Elle est aussi l’autorité capable de pardonner avec un arsenal de mesures qui vont de la dispense d’inscription au casier judiciaire, jusqu’à l’exemption de peine. Sur ce point, j’ai la conviction que notre justice doit s’adapter à l’évolution de la société et disposer de plus d’outils de « pardon judiciaire » en facilitant et raccourcissant les procédures de désinscription du casier judiciaire ou en prononçant des peines automatiquement effaçable au terme d’un délai sans récidive. Il faut parfois pouvoir casser cette fatalité de l’engrenage dans la délinquance par un casier judiciaire qui désigne et marque définitivement des jeunes au sceau de l’infamie, sans permettre réellement une nouvelle chance. En exigeant de la Justice une plus grande sévérité, ne doit-on pas aussi permettre d’équilibrer la réponse par une faculté de pardonner et ramener ainsi plus de citoyens au cœur de notre contrat social républicain. A côté de cela, il est urgent de créer un vrai réseau d'agents en capacité de réaliser en temps réel des enquêtes de personnalité également pour les majeurs, des agents assermentés avec l’autorité de représentants de l'État, qui soient des antennes dans des quartiers pour repérer, suivre et intervenir auprès des jeunes comme des majeurs. Des personnes de référence aussi pour faciliter les relations avec les administrations et les autorités et qui concilient les deux missions essentielles et parfois concurrentes : celle de la « prévention-intégration » incarnée par les éducateurs de rue, et celle de la « médiation-sécurité » représentée par les médiateurs sociaux. Des référents avec l’autorité suffisante pour ne pas avoir la complaisance des anciens « grands frères » ni la suspicion répressive prêtée dans les quartiers à la police de proximité. Cette Justice moderne avance avec un budget enfin à la hauteur des enjeux de société et des mesures qui commencent à porter leur fruits en matière de délais, d’accessibilité et de simplification des procédures. Le Laboratoire de la République : Dans ce contexte impliquant deux policiers, l’Inspection Générale de la Police Nationale (IGPN) a été saisie. Composé d’une grande majorité d’officiers ou de commissaires, cet organe devrait-il évoluer sur le même modèle que celui du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) étant constitué majoritairement de personnalités extérieures ? Thierry Froment : CSM et IGPN ou IGGN (Inspection Générale de la Gendarmerie Nationale) ne peuvent être placés sous le même plan. Le Conseil Supérieur de la Magistrature est un organe constitutionnel, chargé de garantir l’indépendance de la Magistrature (Article 65 de la Constitution du 4 octobre 1958). C’est pour éviter toute pression sur les juges qu’il est à la fois instance disciplinaire et gestionnaire objectif de la carrière des magistrats. Il n’est pas un service d’enquêtes judiciaires. L’IGPN au contraire est un service d’enquêtes disciplinaires et judiciaires sous l’autorité du ministère de l’intérieur dans le premier cas, et de la Justice dans le second. Les enjeux et les missions ne sont donc pas les mêmes. Certains Pays européens ouvrent davantage ce service spécialisé à des personnalités qui ne sont pas des fonctionnaires de police, mais aucune statistique ne permet de dire que cela aurait une influence quelconque sur le nombre de procédures impliquant des policiers, révélées ou conduites à leur terme. Permettre un contrôle et un regard extérieur plus complet sur l’IGPN peut être débattu, ce n’est pas un sujet tabou, la défenseure des Droits ayant déjà un regard sur les difficultés dont elle peut être saisie par les justiciables dans ce domaine.

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