Rubrique : République laïque

Charlie Hebdo : « la République doit rester vigilante face aux menaces contre ses valeurs fondamentales »

par Marika Bret le 7 janvier 2025 Charlie Hebdo - 10 ans après
Dix ans après l’attentat contre Charlie Hebdo, Marika Bret, ancienne DRH du journal, revient sur cet événement tragique et les défis toujours actuels autour de la laïcité, de la liberté d’expression et de l’unité républicaine.
Laboratoire de la République : Dix ans après l'attentat contre Charlie Hebdo, pourquoi est-il encore essentiel d'en parler aujourd'hui ? Marika Bret : Ces commémorations sont primordiales. Elles servent à rendre hommage aux talents extraordinaires que nous avons perdus et à rappeler pourquoi ces tragédies ont eu lieu. Si nous ne comprenons pas les causes de ces événements, nous n'avancerons pas. Le 7 janvier 2015, c'était la conséquence d'une longue période de refus collectif de voir que nos valeurs et principes démocratiques étaient menacés. Charlie Hebdo avait alerté à maintes reprises sur la remise en cause de la laïcité et sur les attaques contre la liberté d'expression. Ces principes ne sont pas des évidences ; ils doivent être défendus constamment. Laboratoire de la République : Quels éléments ont précédé et conduit à ces attentats ? Marika Bret : Avant même les attaques, le journal était dans une grande solitude. Les locaux ont été incendiés avec deux cocktails Molotov en 2011 et le site du journal a été piraté, et notre critique de l’islam comme dogme religieux suscitait une hostilité intense. Charlie Hebdo a toujours critiqué les religions, qu’il s’agisse du catholicisme ou de l’islam. Mais la montée de l’islamisme, une idéologie totalitaire et mortifère, a conduit à une incompréhension et à des accusations infondées d’islamophobie. L'usage abusif de ce terme a façonné un climat où la critique des dogmes religieux était assimilée à du racisme, alors que le journal s’est toujours battu contre toute forme de discrimination. Si, en 2006, lors des procès des caricatures de Mahomet, tous les médias avaient publié ces dessins, cela les aurait rendus banals. Malheureusement, Charlie Hebdo était seul, et cette solitude a contribué à l’escalade qui a culminé avec l’attentat. Laboratoire de la République : Depuis ces événements, le niveau d’alerte a-t-il changé ? Marika Bret : Sur le plan militaire, des avancées ont été réalisées contre des organisations comme Daesh. Mais l’idéologie reste présente, notamment dans les têtes. Les attentats de masse ont diminué, mais la menace s’exprime différemment, par un travail de sape identitaire et antirépublicain. Ces discours, bien que minoritaires, sont souvent les plus bruyants. Il est essentiel de réaffirmer nos valeurs pour les contrer. Laboratoire de la République : Quel message souhaitez-vous transmettre à la jeunesse sur la laïcité ? Marika Bret : Il est crucial de rappeler que la laïcité garantit l’égalité entre tous, quelle que soit la religion. Malheureusement, certains jeunes sont persuadés qu’elle les stigmatise ou les empêche de pratiquer leur culte. Ce malentendu les place en opposition avec la République. Lorsqu’on explique clairement la laïcité, la liberté d’expression et l’égalité, la majorité comprend et adhère. Mais il reste une minorité influencée par des discours extrémistes. Les enseignants ont un rôle clé, mais ils doivent être soutenus. Quand des professeurs sont menacés ou insultés pour avoir respecté la loi, cela traduit un problème profond. Samuel Paty et Dominique Bernard ont payé de leur vie pour avoir transmis ces principes républicains. Il faut renforcer la protection fonctionnelle et offrir un appui clair et solide à nos enseignants. Laboratoire de la République : Vous parlez souvent de la « liberté de rire ». Peut-on rire de tout ? Marika Bret : Oui, on peut rire de tout, mais il faut se demander pourquoi. Le rire peut briser les tabous, éclairer des sujets graves et provoquer la réflexion. Par exemple, on peut traiter de la Shoah dans un dessin humoristique si cela vise à dénoncer l’horreur ou à combattre les discours négationnistes. Mais si le but est de banaliser ou de soutenir ces atrocités, cela devient inacceptable. Le dessin de presse a ce pouvoir unique de nous heurter, de nous faire rire et de nous faire réfléchir. C’est une arme puissante, mais elle n’est pas acceptée partout. Dans de nombreux endroits du monde, le rire est strictement limité par des interdits. Laboratoire de la République : Un dernier message ? Marika Bret : Ces commémorations suscitent en moi un mélange de chagrin et de colère. Nous avons perdu des êtres exceptionnels, et certaines trahisons politiques n’ont fait qu’accentuer ce sentiment. Pour lutter contre les extrémismes et réaffirmer nos principes républicains, il faut être précis, cultivé et intransigeant.

La Laïcité plus que jamais au cœur de l’actualité de la République

par Michel Lalande le 15 mars 2024 Michel_Lalande
Vingt ans se sont écoulés depuis la promulgation de la loi encadrant le port de signes religieux dans les établissements publics d'enseignement, un moment décisif dans l'histoire de la laïcité en France. Alors que nous célébrons cet anniversaire, il est essentiel de rappeler les principes fondamentaux qui sous-tendent cette législation et de rester vigilants face aux menaces qui pèsent sur la laïcité aujourd'hui. En tant que responsable de la commission République laïque, Michel Lalande tient à souligner l'importance de préserver cet héritage précieux, garant de l'émancipation de l'individu et de l'égalité des hommes et des femmes.
Le 15 mars 2004 le Président de la République, Jacques CHIRAC, promulgue la loi encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. Cette loi insère dans le code de l’éducation un article L 145-5-1 qui dispose que « dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou de tenues pour lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. » Ce texte rencontre une très large adhésion au Parlement puisqu’il est adopté par 297 voix pour et 20 contre au Sénat et par 494 pour et 36 contre à l’Assemblé nationale. Seules quelques milliers de personnes principalement à Paris avaient tenu à manifester leur opposition à ce texte au nom de la liberté de conscience. Ce texte marque un aboutissement en même temps qu’un nouveau point de départ pour la défense de la laïcité en France. L’aboutissement est celui d’une histoire qui éclate au grand jour en 1989 à Creil : le refus de trois jeunes collégiennes d’enlever leur voile en entrant au collège. Dans la polémique savamment orchestrée et médiatisée qui en suivit, le corps politique s’est déchiré et la gauche en particulier. La question du port du voile n’a cessé de prendre de l’ampleur au cours des années qui suivront à mesure que la réponse était laissée aux seuls chefs d’établissement, selon les conclusions de l’avis du 27 novembre 1989 du conseil d’État, après que le pouvoir politique de l’époque ait choisi, en pleine année du Bicentenaire de la Révolution, de se défausser.  La laïcité, affaiblie par cette épreuve, ne cessera d’être attaquée par les mouvements islamistes et il faudra attendre la loi du 15 mars 2004 pour qu’elle se retrouve réaffirmée, dans le système éducatif, de manière éclatante. Pour autant après cette victoire politique de la laïcité, les opposants ne désarmeront pas comme en témoignent les incidents qui ne cessent d’émailler la vie des services publics confrontés à des usagers, voire à certains de leurs propres salariés, qui chercheront par tout moyen à imposer la primauté du droit de chacun sur celui de l’une des valeurs constitutionnelles de la République. 20 ans suivant la loi du 15 mars 2004, le débat sur la laïcité est plus que jamais présent dans notre actualité comme l’a rappelé, par exemple, la question du port de l’abaya dans les établissement scolaires l’été dernier. La réponse politique forte a balayé la provocation. Il reste que toutes les embuscades seront bonnes pour diviser l’opinion et pour tenter de susciter la réprobation de telle ou telle comitologie onusienne. La laïcité est plus que jamais un défi pour notre pays mais aussi pour les États européens qui ont choisi, chacun selon leur histoire, la primauté du temporel sur le spirituel, le temporel étant le seul garant de la liberté de conscience. Dans la campagne des prochaines élections européennes, la laïcité associée à l’émancipation de l’individu, à l’égalité des hommes et des femmes, au refus des déterminismes sociaux et à la Fraternité, doit être plus que jamais promue en ayant présent à l’esprit cette phrase prophétique de Jean Jaurès : « la République doit être laïque et sociale mais restera laïque parce qu’elle aura su être sociale. »

« Pour le fondamentalisme islamiste, l’école est une zone de guerre »

par Pierre-Henri Tavoillot le 6 novembre 2023
Vendredi 13 octobre 2023, trois jours avant l’hommage à Samuel Paty, Dominique Bernard, professeur de français, était assassiné devant son collège-lycée à Arras par un terroriste de nationalité russe, ayant fait allégeance à l’État islamique quelques minutes avant les faits. Dans ce contexte de tensions et d'attaques des valeurs et principes de la République française, le Laboratoire de la République interroge Pierre-Henri Tavoillot, maître de conférences en philosophie et responsable du DU "référent Laïcité" à la faculté des lettres de Sorbonne Université.
Le Laboratoire de la République : L’assaillant, Mohammed M., a revendiqué un combat contre la République lors de l’attentat. Il aurait par exemple crié à une personne qui tentait de joindre les secours : "Appelle Marianne, appelle ta République". Pourquoi ce combat spécifique ? A quoi s’attaque l’islamisme en ciblant l’école ? Pierre-Henri Tavoillot : Toute l’idéologie du fondamentalisme islamiste le conduit à la contestation et à la destruction de l’école républicaine. En Afrique, ce mouvement a un nom : Boko Haram, soit littéralement « livre (book) impur » ou encore « l’éducation occidentale est un péché ». L’école est donc une cible, voire une zone de guerre, pour cette idéologie totalitaire. Voilà pourquoi des professeurs sont tués ; voilà pourquoi des étudiants et particulièrement des étudiantes sont enlevés ; voilà pourquoi des établissements scolaires sont brûlés. Voilà aussi pourquoi on note soudain, dans le courant de l’année 2021, une arrivée massive du port des abayas et des qamis. Elle est téléguidée par des influenceurs sur les réseaux sociaux, qui fournissent aux jeunes élèves les éléments de langage que l’on retrouvera partout en France. Au nom de la liberté de s’habiller pudiquement, on n’hésite pas à exhiber son appartenance religieuse : la pudeur corporelle prétexte à l’impudeur et à la pression spirituelle.Ce qu’il faut comprendre, c’est que le fondamentalisme ne prône pas une religion au sens occidental et moderne du terme car nous nous sommes habitués à considérer que la religion, c’est beaucoup de foi et un peu de pratique. Pour le fondamentalisme, la religion régit et dicte tout, du matin au soir, du berceau à la tombe dans tous les domaines de l’existence privé, public et civil. Il est donc normal que l’école, lieu de construction de la personne, soit visée, car il s’agit bien de conquérir les jeunes esprits et de les protéger des impuretés et des mensonges. Le Laboratoire de la République : Mardi 17 octobre, Gabriel Attal a haussé le ton à l’Assemblée nationale. "Le pas de vague, c’est fini", a-t-il promis, à la fin d’une prise de parole pour évoquer les 179 élèves qui ont perturbé la minute de silence d’hommage à Samuel Paty et Dominique Bernard. A quelles conditions cette promesse peut-elle être tenue ? Pierre-Henri Tavoillot : Une seule condition : il faut être ferme contre tout espèce de comportement « manifestant de manière ostensible une appartenance religieuse ». Le texte de la loi de 2004 est — c’est assez rare pour le noter à propos d’une loi — bref, clair et net. Je suis ébahi que l’on ait eu, à propos des abayas et qamis, exactement les mêmes controverses (heureusement en moins développées) qu’en 2004 à propos du voile. Or cette loi a été particulièrement efficace ; il faut donc l’appliquer. La difficulté est que notre école républicaine est affaiblie de l’intérieur par une forme de mauvaise conscience structurelle. C’est là, où l’ennemi fondamentaliste rencontre un précieux allié : l’hyperinvidualisme woke. Celui-ci dit aux élèves : « Venez comme vous êtes, vos identités sont remarquables ; n’en changez surtout pas. Nous autres adultes, coupables par nature, avons trop peur de vous discriminer pour pouvoir encore vous éduquer. Nous autres adultes avons trop de doutes sur nos savoirs pour espérer vous instruire. Nous autres adultes avons trop honte de notre histoire pour oser vous la transmettre ». Et voici l’autre message qu’il adresse à la jeunesse : « la France d’aujourd’hui est patriarcale, raciste, néocoloniale, indifférente au sort de la planète, inégalitaire, islamophobe, homophobe, transphobe, anti-jeune et oublieuse des vieux, inhospitalière, discriminatoire, immorale, égoïste, rance…» On pourrait sans peine continuer la liste (où l’antisémitisme est « étrangement » absent) de cette auto-détestation qui dépasse de très loin les limites d’une légitime autocritique. Car il ne s’agit pas non plus de s’adorer sans réserve ; mais à force de se haïr, on en vient à se détruire. Aucune école, nulle transmission n’ont de sens dès lors qu’une culture commence à avoir honte d’elle-même. Le Laboratoire de la République : Mohammed M. résidait en France depuis l’âge de 5 ans et était fiché S. Cet attentat a donné lieu à une polémique sur les modalités d’expulsion du territoire des ressortissants étrangers. Les questions soulevées sont-elles selon vous légitimes ? Pierre-Henri Tavoillot : C’est une évidence et même une exigence démocratique : un peuple doit pouvoir être maître de son destin. L’Etat de droit doit certes protéger les droits des individus, mais sans mettre en péril la collectivité. Pourtant la gestion de l’immigration n’est pas seule en cause, puisqu’à côté des flux, il y a, si je puis dire, le stock ; c’est-à-dire une part notable de la population française qui n’accepte pas le cadre de la laïcité et qui, pour une autre part, plus réduite, mais non négligeable, aspire à le détruire. Le défi est donc immense. Le Laboratoire de la République : Cet attentat intervient dans un contexte marqué par l’attaque terroriste du Hamas en Israël et sa résurgence dans le débat politique national. La période est-elle révélatrice de nos fragilités ? Pierre-Henri Tavoillot : La montée des actes antisémites, les prises de position irresponsables de trop nombreux courants et organisations qui continuent de qualifier le Hamas de « mouvement de résistance » et non d’organisation terroriste, totalitaire et génocidaire, … tout cela en effet est très inquiétant. La République aujourd’hui doit faire face non seulement à des ennemis redoutables, mais à tous ceux qui, en son sein, que ce soit par déni, par peur ou par cynisme, n’hésitent pas à leur faciliter la tâche.

Un an après la mort de Mahsa Amini, où en est la Révolution iranienne ?

par Shaparak Saleh le 16 septembre 2023
Le 16 septembre 2022, Mahsa Jina Amini décède dans un hôpital de Téhéran des suites de mauvais traitements subis pendant sa détention. Elle avait été arrêtée, trois jours avant, par la police des mœurs pour avoir prétendument enfreint les lois strictes sur le voile. Sa mort a provoqué des manifestations à travers le pays qui ont été violemment réprimées par les autorités. Un an après, la Révolution iranienne continue le combat pour renverser la République islamique d’Iran. Shaparak Saleh, co-fondatrice et Secrétaire générale de « Femme Azadi », association sensibilisant l'opinion publique à cette cause et voulant porter la voix du peuple iranien, a accepté de présenter la situation et les enjeux de cette révolution pour le Laboratoire de la République.
Le Laboratoire de la République : Qu’y-a-t-il d’inédit dans la révolution en cours en Iran depuis le 16 septembre 2022 ? Shaparak Saleh : La révolution en cours depuis le meurtre de Mahsa Jina Amini par la police des mœurs, le 16 septembre 2022, est inédite à plusieurs égards. Elle l’est déjà si l’on se situe au niveau de l’Iran. En effet, pour la première fois, les manifestations ne sont pas régionales. Elles ont envahi tout le pays, c’est-à-dire aussi bien les villes que les villages. La révolution gronde même dans les villes réputées pour être les plus croyantes, à l’instar de la ville sainte de Qom, ville natale du guide suprême iranien Ali Khamenei. Ensuite, cette révolution n’est pas comparable aux précédents mouvements de révolte. Ainsi, contrairement au mouvement vert de 2019 pendant lequel les jeunes scandaient : « Où est mon vote ? » en arborant la couleur verte – symbole de Mir Hossein Moussavi, candidat floué prônant un islam réformé et plus ouvert – c’est aujourd’hui le principe même d’une république islamique qui est contesté. Les Iraniens ont compris que les conservateurs et les modérés faisaient partie d’un même système visant à maintenir sur pied une théocratie. Ils souhaitent la mise en place d’un état de droit et d’une démocratie, laquelle ne sera possible que si le régime des mollahs chute. Enfin et surtout, pour la première fois, la peur a changé de camp. Malgré la répression féroce, le mouvement ne s’est pas éteint. Tandis que les mollahs n’osent plus porter leur tenue dans la rue, de crainte de subir des agressions, de nombreuses femmes refusent de porter le voile. Pour ne plus qu’on leur dicte ce qu’elles doivent porter, elles refusent de courber l’échine devant la redoutable police des mœurs, risquant arrestation, coups de fouet, viol ou mise à mort. Cependant, ces femmes n’ont plus peur. Elles préfèrent prendre ce risque que de vivre éternellement sans être libres. Mais ce n’est pas qu’en Iran que cette révolution est inédite : une révolution menée par des femmes, pour tout un peuple, c’est une première mondiale. C’est notamment pour cela qu’elle ne peut pas échouer. Un échec serait un revers pour toutes les femmes. La chute du régime des mollahs serait aussi la défaite de la première république islamique au monde et, par conséquent, l’échec de l’islamisme politique. Le Laboratoire de la République : A quoi ressemblerait le monde si la révolution aboutit et conduit à la chute du régime des mollahs ? Shaparak Saleh : C’est une évidence : le monde serait bien meilleur sans la République islamique d’Iran. Toute une partie du globe retrouverait la paix. Il s’agit avant tout d’une théocratie qui rêve d’exporter son modèle dans le monde. Soutien aux mouvements radicaux dans le Moyen-Orient, la République islamique n’hésite pas à utiliser le terrorisme pour régner. Prises d’otages, attentats, répressions, massacres sont autant d’armes utilisées pour dominer le monde. La République islamique déploie une énergie sans limite pour augmenter son influence et sa politique de déstabilisation de la région : elle parraine le Hezbollah, soutient le Hamas, livre des drones à la Russie pour l’aider à dominer l’Ukraine, aide les milices en Irak, tout en appelant à la destruction d’Israël. La liste n’est pas exhaustive. Si on se situe au niveau de la France, l’aboutissement de la révolution et la chute du régime des mollahs présenteraient de nombreux avantages. Du point de vue des droits humains, la chute du régime tyrannique et sanguinaire qui pratique l’apartheid des genres ne peut qu’être accueillie favorablement par la France, pays des droits de l’Homme. Ce serait la fin d’un régime qui autorise les mariages des fillettes dès l’âge de huit ans ou pour qui la parole d’une femme dans un procès vaut quatre fois moins que celle d’un homme (si une femme dépose une plainte pour viol, quatre autres femmes devront témoigner avec elle pour qu'on lui accorde plus de crédit face à son agresseur présumé). Il s’agirait également d’une bonne nouvelle pour le quai d’Orsay puisqu’à l’heure actuelle, on compte quatre otages français. Cette politique des otages a été mise en œuvre par le régime dès son accession au pouvoir en 1979 avec « la crise des otages américains en Iran ». Enfin, un Iran libre et démocratique où règnerait l’état de droit serait seul à même d’attirer des investisseurs étrangers. On entend des rumeurs selon lesquelles des négociations seraient en cours entre les pays occidentaux et la République islamique d’Iran pour raviver le Plan d’action global commun (dit JCPOA). Pense-t-on sérieusement que des investisseurs ne mesureraient pas le risque financier et réputationnel d’un accord avec l’Iran ? Les pays occidentaux ont tout à gagner à la liberté de l’Iran. C’est un pays stratégique en raison de ses réserves de pétrole, mais également un marché à gros potentiel pour les industriels français dans tous les domaines : aéronautique, agroalimentaire, automobile, construction, hôtellerie, luxe ou encore télécommunications. En effet, après quarante-trois années de privations générées par l’isolement de la République islamique d’Iran sur la scène internationale, le succès serait nécessairement au rendez-vous. Les démocraties du monde libre ont tout intérêt à abandonner les efforts visant à pactiser avec un régime à l’agonie qui n’a rien à leur apporter. Elles doivent se concentrer à la réussite d’une révolution qui comporte en elle l’assurance de nombreux débouchés. Pour l’heure, tant que le régime sera en place, aucune négociation ne peut et ne doit avoir lieu. En attendant, la République islamique d’Iran a adhéré au BRICS, ce qui va lui permettre de développer son réseau commercial avec les autres membres de ce club des puissances anti-démocratiques. Le Laboratoire de la République : Quel soutien peut-on apporter ? Shaparak Saleh : Le peuple iranien et la diaspora iranienne ont du mal à se faire entendre. En Iran, l’accès à internet est souvent coupé afin que le régime puisse commettre ses exactions à huis-clos. En dehors du pays, nous avons aussi du mal à nous faire entendre. Nous avons besoin que notre combat soit visible. Dans l’ensemble, les médias ne font pas bien leur travail sur ce sujet. La recherche du scoop ou du clic les conduit à traiter en priorité les faits divers nationaux au détriment des sujets de fonds internationaux qui ont du mal à rester visibles avec pour seule exception l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Alors mon premier message s’adresse aux journalistes : nous avons besoin de vous ! Rendez visible cette révolution. Chaque information relayée dans la presse internationale suscite tant d’espoir en Iran. Mais, me direz-vous, comment soutenir quand on n’est pas journaliste mais simple citoyen ? Personne ne doit minimiser son pouvoir. Il faut s’abonner aux pages Instagram, Twitter et LinkedIn des associations qui font un formidable travail d’investigation. Vous pouvez suivre les comptes de Femme Azadi ou de This is a Revolution pour avoir des informations traduites en français. S’informer, c’est déjà bien. Partager, c’est encore mieux. Notre première vidéo de sensibilisation a atteint 10 millions de vues sur les différents réseaux sociaux. La dernière dans laquelle nous annoncions avoir porté plainte contre un dignitaire du régime lors de son déplacement à Paris à l’occasion de la préparation des JO a atteint 130.000 vues. Enfin, vous pouvez soutenir des associations comme la nôtre en faisant par exemple des dons. Pour prendre notre exemple, les montant des dons récoltés par notre collectif nous permettent d’apporter un soutien financier, juridique et administratif aux réfugiés, d’organiser des évènements en France pour amplifier la voix du peuple iranien, d’aider les activistes sur place à continuer de mener le combat, et de financer VPN et Starlinks afin que le peuple iranien puisse nous envoyer des images de cette révolution, malgré les efforts du régime pour couper internet et massacrer en toute discrétion. Pour nous soutenir, vous pouvez également participer à la marche, aujourd'hui samedi 16 septembre, date anniversaire de la révolution (l'emplacement exact est communiqué sur nos réseaux).

La laïcité : principe républicain pour émanciper les élèves de toutes influences extérieures et protéger les professeurs

par Caroline Yadan le 8 septembre 2023 Caroline Yadan
Dimanche 26 août, le ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal a annoncé que le port de l’abaya et des qamis serait désormais interdit à l’école. Une note et un protocole publiés le 31 août ont permis aux chefs d’établissements de mettre en œuvre le dispositif avec succès lors de la rentrée scolaire, lundi dernier, 4 septembre. Caroline Yadan, députée de Paris, nous fait part de son regard sur la laïcité et l'interdiction de ces tenues.
Les chefs d’établissements ont globalement salué un texte clair et sécurisant. Pourquoi était-il essentiel de préciser l’application de la loi de 2004 pour ces deux tenues vestimentaires ? Le procès en « islamophobie » n’a pas manqué de ressurgir, venant en majorité d’influenceurs fréristes, mais aussi de LFI. Pourquoi est-il infondé ? Que dire aux jeunes qui revendiquent sincèrement leur liberté de porter des signes religieux ostentatoires ? Selon un sondage IFOP pour Charlie Hebdo publié le 4 septembre, 70% des Français (48% des sympathisants LFI, 71% des sympathisants PS) associent l’abaya à des tenues ayant un caractère religieux. Comment comprendre l’entêtement de certaines figures de gauche alors que le consensus paraît solide ? Comment s’assurer de l’application de la loi dans les prochains mois ? Comment contrer les minorités religieuses qui vont essayer d’en contourner la lettre ? Toutes ces questions ont été posées à Caroline Yadan, députée de Paris. Entretien complet sur notre chaîne Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=DTdDhtUatSE&list=PLnuatIJNLTZWAbN4pAsF9KCsAqUX9Bn9F&index=6

Synthèse des travaux préparatoires à la conférence « laïcité pour aujourd’hui et demain »

le 7 juillet 2023
Alors même qu’elle a été pensée et concrétisée comme le meilleur moyen de libérer les individus, la laïcité est désormais perçue, notamment chez les jeunes, comme un instrument de coercition qu’exerceraient sur eux les pouvoirs publics. La hiérarchisation entre lois républicaines et préceptes religieux, l’émancipation de l’individu des emprises communautaires, l’égalité hommes-femmes, autant de principes auxquels la laïcité donne des fondements théoriques et des réponses concrètes, qui sont aujourd’hui remis en question. Depuis la Troisième République jusqu’à la Constitution de 1958, instituée sur la base d’un solide corpus juridique initial (lois de 1880 à 1906) la laïcité comme vivre-ensemble, accorde pourtant à chaque citoyens des libertés individuelles et collectives, dans le respect de l’égalité de tous les individus, et bénéficie à ce titre d’une cohésion sociale d’un consensus qui assure la paix civile. L’Église catholique, dont la domination morale sur les esprits et les corps était à l’origine la première visée par les lois laïques, étant rentrée dans le cadre républicain avec la sécularisation du pays, on a pu estimer que le combat laïque était achevé.  Oubliant le caractère éminemment subversif de l’esprit laïque, on n'a par ailleurs pas envisagé les possibles résurgences, sous d’autres formes, de l’hostilité à la laïcité. Aujourd’hui encore, à travers l’acquisition de connaissances et par la combinaison de l’exercice du raisonnement et de la sensibilité, l’École laïque, a un rôle majeur pour valoriser la construction de l’autonomie individuelle de chacun, dans l’assimilation des règles de vie communes.  Lieu essentiel de socialisation et de la formation des esprits des enfants et des jeunes-gens, le cadre scolaire doit avoir le courage de redevenir le lieu primordial de l’affranchissement des dogmes, des préjugés et de certains interdits, parfois imposés par le milieu social et familial. Car si l’École a constitué l’enjeu central du combat laïque passé, elle se trouve aujourd’hui au cœur de nouveaux affrontements autour du rapport au religieux, de la séparation de la sphère privée et de la sphère publique, sommée de poser à nouveau la question de la vérité et de la science. Il est urgent de ne pas se complaire dans le déni, afin de regarder nos sociétés démocratiques avec lucidité pour retrouver courageusement les voies de la cohésion sociale et de l’engagement pour une unité toute républicaine. Si la tolérance demeure une exigence éthique, elle ne doit pourtant pas dériver dans une tolérance de l’intolérable. Si le dialogue entre les pouvoirs publics et les autorités religieuses s’impose, son objectif demeure l’acclimatation des religions au cadre laïque français et non pas la faillite de la laïcité face aux idées religieuses et/ou traditionnelles. Notre engagement en faveur de la laïcité doit nous conduire, d’une part à un réarmement intellectuel et moral pour revivifier les fondements de l’esprit laïque et sa défense des trois Libertés, de conscience, de pensée et d’expression, et d’autre part, pour dire et mettre en œuvre la laïcité dans des termes actuels, afin de promouvoir une nouvelle dynamique laïque, un réenchantement et un réarmement de la laïcité. Il s’agit-là d’une vaste mobilisation citoyenne dans laquelle les acteurs de terrain (enseignants personnels de santé, agents des services publics) et les élus sont en première ligne, et où les intellectuels jouent un rôle fondamental. Par ailleurs, si la laïcité a trouvé son origine autant dans la philosophie du libertinage que dans la philosophie humaniste du siècle des Lumières, et si elle doit sa mise en forme juridique dans le cadre de la formation de l’État-nation, de 1789 à la Troisième république, elle n’est pas qu’une spécificité française. Aujourd’hui, la laïcité est explicitement défendue comme modèle libérateur notamment dans les régions que les islamistes considèrent comme Dar al Islam (« Terre d’Islam ») que ce soit en Iran, en Algérie ou au Kurdistan syrien. La solidarité laïque internationale est donc une dimension importante du renouveau laïque auquel nous travaillons. Afin de réarmer nos esprits et agir, cette première rencontre de la Commission laïcité du Laboratoire de la République, marque le lancement de notre action et propose de réfléchir autour de trois tables rondes conviant des praticiens de terrains, des élus, des grands témoins et des acteurs de la laïcité.

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