Rubrique : Défi environnemental

Équilibre fragile de la biodiversité : un appel à l’action !

par Tatiana Giraud le 26 mars 2024 Tatiana Giraud
Entretien avec Tatiana Giraud, membre de l’Académie des sciences, écologiste et biologiste reconnue pour ses recherches sur la biodiversité et les interactions entre espèces. Elle est actuellement directrice de recherche au CNRS et autrice de l'ouvrage "L'attention au vivant" (ed. de l'Observatoire, collection Laboratoire de la République). Face à l'effondrement de la biodiversité, elle explore le rôle crucial de toutes les espèces sur Terre et de l'équilibre de tout notre écosystème pour notre propre existence.
Dans un monde où la biodiversité est menacée par des pressions croissantes, le livre "L'attention au vivant" de Tatiana Giraud offre une lueur d'espoir et un appel à l'action. À travers cet ouvrage percutant, elle explore les intrications complexes de l'effondrement de la biodiversité et souligne le rôle essentiel que celle-ci joue dans le maintien de l'équilibre écologique de notre planète. "L'attention au vivant" n'est pas seulement un appel à l'action, c'est aussi un plaidoyer passionné pour la préservation de la vie sous toutes ses formes. Cet entretien avec Tatiana Giraud nous invite à réfléchir sur notre rapport à la biodiversité et nous inspire à devenir des acteurs du changement pour un avenir où la vie prospère dans toute sa splendeur. https://youtu.be/aIREfWj5BXI?feature=shared

Agriculture durable en Europe : entre défis, innovations et réalités

par Fanny Barthelemy le 27 février 2024
L'impact du dérèglement climatique sur la production agricole et viticole en Europe est devenu une préoccupation majeure. Des initiatives européennes telles que le Green Deal visent à rendre l'agriculture plus respectueuse de l'environnement et à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Cependant, cette transition vers une agriculture plus durable n'est pas sans susciter des critiques, notamment de la part des agriculteurs. Certains estiment que les normes environnementales imposées par l'Union européenne entraînent une accumulation de contraintes et de normes jugées excessives. Alors que la préservation de l'environnement est cruciale, il devient impératif de trouver un équilibre entre les objectifs environnementaux ambitieux et la viabilité économique des exploitations agricoles. Fanny Barthelemy, fondatrice d’OWA Learning, formatrice et consultante sur les enjeux du développement et de la transformation durable, nous fait part de son expertise.
Le Laboratoire de la République : Quels sont les impacts concrets du dérèglement climatique sur la production agricole et viticole en Europe ? Comment le secteur s'adapte-t-il à ces changements ? Fanny Barthelemy : Le dérèglement climatique, avec son cortège de phénomènes météorologiques extrêmes, représente une menace croissante pour l'agriculture et la viticulture européennes et bouleverse les écosystèmes agricoles européens. Les agriculteurs et viticulteurs sont confrontés à des défis croissants, notamment l'altération des cycles des cultures, la fréquence accrue des événements extrêmes comme les vagues de chaleur ou les gelées tardives, qui compromettent la floraison et la fructification. Les changements dans la distribution des précipitations entraînent soit des périodes de sécheresse prolongées, soit des inondations, affectant ainsi la qualité et la quantité des récoltes. Ces dérèglements perturbent également les cycles de croissance et augmentent la prévalence des maladies et des ravageurs. En réponse à ces dérèglements, le secteur agricole fait face et innove avec l'adoption de méthodes telles que l'agriculture biologique, en biodynamie, de conservation des sols, agriculture régénératrice qui renforcent notamment la résilience des sols. L’innovation variétale est un des éléments techniques de réponse à ces enjeux. Les organismes de défense et de gestion (ODG) ont désormais la possibilité d’intégrer de nouvelles variétés dans leur cahier des charges, une possibilité encadrée par la réglementation française et européenne. Ces nouvelles variétés sont dénommées Variétés d’intérêt à des fins d’adaptation (VIFA) pour les ODG d’AOP (directive INAO). Afin d’aider les viticulteurs, InterLoire a par exemple publié un guide sur les variétés d’intérêt à fin d’adaptation. Le cépage « Voltis » a été agréé, en phase de test, pour la production de Champagne AOC. Il s'agit d'un essai d'un cépage à « résistance durable » (ResDur1) qui permet de réduire drastiquement les traitements phytosanitaires contre les maladies fongiques (mildiou et oïdium) dans le domaine de l'appellation. Ceci dans le cadre des "Variétés d'Intérêt à Fin d'Adaptation" (VIFA), soit jusqu'à 5 % des surfaces cultivées d'une exploitation et jusqu'à 10 % des mélanges sur une durée de 5 ans (renouvelable une fois que). L'ajustement des périodes de semis et de récolte, la diversification des altitudes de plantation sont quelques-unes des autres stratégies adoptées. Les nouvelles technologies, telles que les satellites et les capteurs de sol, permettent un suivi en temps réel des besoins des cultures, contribuant ainsi à une gestion plus efficace des ressources. La télédétection par satellite, par exemple, a permis aux agriculteurs de réduire l'usage des engrais en ajustant l'apport aux besoins réels des plantes. Ces innovations représentent des étapes importantes vers une agriculture européenne plus résiliente et adaptative, capable de répondre aux exigences d'un climat en mutation. Le Laboratoire de la République : Quelles sont les principales initiatives de l'Union européenne en matière d'agriculture durable pour faire face aux défis du dérèglement climatique ? Fanny Barthelemy : L'Union européenne (UE) est attachée à promouvoir des pratiques agricoles durables, consciente des défis environnementaux et sociaux auxquels le secteur est confronté. Dans un contexte de changement climatique et de diminution de la biodiversité, l'UE a redoublé d'efforts pour assurer la pérennité de l'agriculture tout en préservant les ressources naturelles. Face à ces défis, l'Union européenne a lancé plusieurs initiatives clés. La stratégie "De la ferme à la fourchette" s'inscrit dans le cadre du Green Deal européen et vise à rendre les systèmes alimentaires durables et résilients. Son objectif est de tendre vers « un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement », tout en limitant les émissions de CO2 et en minimisant les atteintes à la biodiversité. L'accent est mis sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l'agroécologie, la protection de la biodiversité et le renforcement de la chaîne d'approvisionnement alimentaire. Elle comprend donc des mesures pour promouvoir des aliments sains et durables, réduire l'empreinte environnementale et sociale de la production alimentaire, et renforcer la résilience des producteurs. Un des objectifs spécifiques est d'atteindre 25% de terres agricoles consacrées à l'agriculture biologique d'ici 2030. Exemples d’initiative : Le projet "LIFE Agriadapt" avait pour but d'adapter l'agriculture européenne au changement climatique en développant des pratiques agricoles durables adaptées à différentes régions. Face aux enjeux climatiques pour l'agriculture française et européenne, le projet européen LIFE AgriAdapt a élaboré diverses ressources, outils et méthodes pour l'adaptation durable des exploitations agricoles de grandes cultures, élevage, cultures permanentes. 4 organisations situées en France (Solagro), Allemagne (LCF), Espagne (FGN) et Estonie (EMU) se sont associées dans le cadre de ce projet (sur la période allant de septembre 2016 à avril 2020). La singularité de Life AgriAdapt est d'avoir développé et appliqué une méthodologie commune permettant de caractériser la vulnérabilité climatique à l'échelle de l'exploitation agricole sur un réseau de 126 fermes pilotes en Europe, dont 34 suivies par Solagro en régions Occitanie et Grand Est1. "Horizon Europe" est l'initiative phare de l'UE dans le domaine de la recherche et du développement, décomposée en différents clusters. Le mandat d'Horizon Europe pour le Cluster 6 (alimentation, bioéconomie, ressources naturelles, agriculture et environnement) est de fournir des opportunités pour renforcer et équilibrer les objectifs environnementaux, sociaux et économiques et de mettre les activités économiques humaines sur la voie de la durabilité. Par conséquent, le paradigme sous-jacent du Cluster 6 est la nécessité d'un changement transformateur de l'économie et de la société de l'UE pour réduire la dégradation de l'environnement, stopper et inverser le déclin de la biodiversité et mieux gérer les ressources naturelles tout en répondant aux objectifs climatiques de l'UE et en assurant la sécurité alimentaire et hydrique. Il prend en compte le contexte géopolitique en évolution et les nouvelles priorités de recherche et d'innovation axées sur le renforcement de l'autonomie stratégique ouverte de l'UE, en particulier dans les secteurs de l'énergie et de l'alimentation. Un de ses orientations stratégiques clés est de restaurer les écosystèmes de l'Europe et la biodiversité, et gérer de manière durable les ressources naturelles pour assurer la sécurité alimentaire et un environnement propre et sain2. Le Laboratoire de la République : Les agriculteurs dénoncent les normes environnementales de l’Union européenne et notamment le Green Deal qui imposeraient un empilement de normes et de contraintes. Les agriculteurs sont-ils excessivement impactés par la politique environnementale de l'Union européenne ? Fanny Barthelemy : Bien que la transition vers une agriculture plus durable soit essentielle, elle n'est pas sans défis pour les agriculteurs. Certains estiment que le Green Deal et les réformes de la Politique Agricole Commune (PAC) introduisent une multiplicité de normes qui pèsent lourdement sur leur compétitivité, de plus l'application uniforme de ces normes sur l'hétérogénéité des pratiques agricoles européennes soulève des questions d'équité et d'efficacité. L'adoption de pratiques agricoles plus respectueuses de l'environnement nécessite des investissements importants et une période d'ajustement, et il est crucial que l'UE accompagne les agriculteurs à travers des aides financières et techniques, ainsi qu'une transition équitable et graduelle. L'enjeu est de taille : il s'agit de préserver la sécurité alimentaire de l'Europe tout en répondant aux exigences de la lutte contre le changement climatique et la préservation de la biodiversité.

Empreinte environnementale du numérique : comment la réduire ?

par Jean-Benoît Besset le 17 janvier 2024
L'empreinte environnementale du numérique fait référence à l'impact écologique de l'utilisation croissante des technologies de l'information et de la communication sur l'environnement. L’obsolescence rapide des équipements, l’utilisation des ressources naturelles, la gestion des déchets électroniques, le recyclage sont des enjeux associés à cette empreinte environnementale. Réduire l'empreinte environnementale du numérique implique la sensibilisation des consommateurs, le développement de technologies plus durables, des pratiques commerciales responsables et des politiques gouvernementales appropriées. Entretien avec Jean-Benoît Besset, Directeur RSE et de la Transition Environnement et Énergie du Groupe Orange, pour nous éclairer sur ces enjeux.
Jean-Benoît Besset, Directeur RSE et de la Transition Environnement et Énergie du Groupe Orange, commence par définir l'empreinte environnementale du numérique, soulignant comment nos activités en ligne, de la navigation sur Internet à l'utilisation des réseaux sociaux, contribuent à cette empreinte souvent invisible. Il aborde ensuite les principales sources d'émissions de carbone dans le domaine numérique, mettant en lumière l'importance de prendre en compte les centres de données, la fabrication d'appareils électroniques et d'autres éléments essentiels de l'infrastructure numérique. Le discours se tourne également vers des solutions potentielles pour réduire l'empreinte environnementale du numérique. Il explore des stratégies individuelles et collectives, ainsi que des initiatives technologiques et industrielles visant à rendre le numérique plus durable. https://youtu.be/coMjhZMBAvQ

La protection de la biodiversité, défi du siècle et enjeu de cohésion nationale

par Sarah El Haïry le 24 novembre 2023
Dans cet entretien exclusif, Sarah El Haïry, Secrétaire d'État chargée de la Biodiversité, nous livre sa vision passionnée et engagée sur l'importance cruciale de la protection de la biodiversité. Elle met en lumière le caractère fondamental de ce défi, soulignant son rôle dans la préservation de notre planète et son impact direct sur la vie des citoyens.
Sarah El Haïry expose son point de vue sur la protection de la biodiversité en tant que défi majeur du XXIe siècle. Elle souligne que cette question transcende les frontières nationales et représente un enjeu mondial qui nécessite une action immédiate et concertée. Elle insiste sur la responsabilité collective de l'humanité à préserver la diversité des espèces et des écosystèmes pour garantir un avenir durable. Interrogée sur la place accordée à la biodiversité dans le débat public, la Secrétaire d'État partage son constat sur les progrès réalisés, tout en soulignant le chemin à parcourir. Elle estime que la question de la biodiversité gagne progressivement en visibilité, mais insiste sur l'importance de sensibiliser davantage le public et les décideurs politiques pour susciter une mobilisation plus large. Elle explique comment la préservation de la nature et la biodiversité peuvent transcender les clivages politiques et sociaux, offrant ainsi une opportunité de mobilisation collective autour d'un objectif commun. Elle voit dans cette cause une source de fierté nationale et un moyen de construire un avenir durable et solidaire. Enfin, Sarah El Haïry détaille les ambitions de la stratégie nationale de la biodiversité à l'horizon 2030. https://youtu.be/Uf4Du3jrThg Remaniement : la composition du nouveau gouvernement d'Élisabeth Borne | vie-publique.fr

La transmission de l’information scientifique face à sa dégradation et au climatoscepticisme

par François-Marie Bréon le 15 novembre 2023
A l'heure où les rapports du GIEC sont remis en cause et les débats sur l'environnement font face à des menaces et des actions de blocage, le Laboratoire de la République interroge François-Marie Bréon, président de l'Association française pour l'information scientifique pour qu'il nous donne son éclairage.
Dans cet entretien, François-Marie Bréon, président de l'Association française pour l'information scientifique, offre un éclairage expert sur les défis contemporains liés à la communication de l'information environnementale. Il aborde des sujets brûlants tels que le climatoscepticisme, les blocages des conférences sur l'environnement, et la propagation de la mésinformation. M. Bréon partage ses réflexions sur la manière dont la société peut mieux faire face à la diffusion de fausses informations et promouvoir une compréhension fondée sur des faits scientifiques. Il met en lumière les obstacles actuels et les nouvelles dynamiques qui influent sur la perception publique des enjeux environnementaux. https://youtu.be/GyLGfoawEqc

« Ne plus considérer l’eau comme une ressource illimitée »

par Nicolas Roche le 1 septembre 2023
Cet été 2023, 62 % des nappes phréatiques sont toujours sous leur niveau normal. De nombreux départements ont ainsi été placés en état de « crise », limitant drastiquement l’usage de l’eau par les particuliers et professionnels. Nicolas Roche, professeur en Génie des Procédés à Aix-Marseille Université et chercheur au CEREGE, nous apporte un éclairage sur ces épisodes de sécheresses.
Le Laboratoire de la République : La France ne réagit-elle pas trop tard en ce qui concerne la sécurisation de ses ressources hydriques ? Nicolas Roche : La sécurisation des ressources hydriques n’est pas principalement liée à des mesures à court terme mais sur une vision à moyen et long terme de l’évolution des ressources et des besoins en eau tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif. Les tensions sur les usages, du fait notamment des impacts importants du changement climatique sur le cycle de l’eau, s’intensifient au fil des années, il est donc urgent de ne plus considérer l’eau comme une ressource illimitée et d’investir fortement dès à présent sur ce changement de paradigme, en 2030 il sera sûrement trop tard. Le Laboratoire de la République : Est-elle suffisamment consciente du degré de risque encouru ces prochaines années ? Nicolas Roche : Si l’on regarde l’augmentation des épisodes de sécheresses en France sur les 30 dernières années, il est clair que les scientifiques observent une accélération continue de l’ampleur de ces phénomènes, au même titre que la fréquence accrue des épisodes de pluies diluviennes. L’effet combiné de ces deux phénomènes diminue de fait les quantités d’eau douce disponible, dites eaux conventionnelles ou eau bleue[1]. De ce point de vue, si l’on regarde les cinq dernières années, à part pour l’année 2021, toutes les autres années ont été marquées par des arrêtés sècheresses pris dans plus de 75 % des départements français. Il est clair que l’été 2022, avec une sécheresse plus généralisée en France, a été un marqueur fort de la prise de conscience politique et de la société dans son ensemble de l’impact du CC sur le cycle de l’eau et c’est tant mieux. Le Laboratoire de la République : Quelle est l’efficacité des restrictions mises en place par le gouvernement ? Un changement des usages permettra-t-il d’atténuer visiblement les effets des épisodes de sécheresse ? Nicolas Roche : Dans les mesures annoncées, il est important de distinguer celles à court terme, qui reposent essentiellement sur des aspects de sobriété (diminution des prélèvements), nécessaires sur les territoires en tensions, car il n’y pas d’autres choix actuels que de mettre en place des restrictions temporelles d’usages. Par contre, il est urgent de mettre en place, dans une vision à moyen et long terme, des actions de préservation des ressources et des usages dans un contexte de raréfaction des ressources en eau. C’est une équation complexe à résoudre, où il faut absolument, à l’échelle de chaque territoire, intégrer simultanément quatre piliers, (i) la restauration et la préservation des écosystèmes (désimperméabilisassions des zones urbanisées, nature en ville, solutions fondées sur la nature, biodiversité, ...), (ii) la sobriété d’usage (réduire les consommations), (iii) l’efficacité d’usage (réduire les pertes) de l’eau ainsi que (iv) la complémentarité des usages avec, dans ce cadre, l’étude systématique, par territoire, de l’intérêt ou non et de l’ampleur nécessaire de la réutilisation des eaux usées traitées (REUT).  Si les mesures annoncées dans le plan eau national, en mars dernier, sont en adéquation avec ces enjeux majeurs, il est important que leurs mises en œuvre rapides le soient aussi, pour ne surtout pas rester sur des effets d’annonces qui seraient catastrophiques pour l’avenir. Le Laboratoire de la République : Plus particulièrement, l’approvisionnement en eau potable est crucial. Comment assurer ce dernier tandis que la pollution des eaux accroît le risque de pénurie engendré par les épisodes de sécheresse ? L’eau est utile et nécessaire pour toutes les activités humaines, qu’elles soient liées à l’alimentation, à l’hygiène, à la production agricole, à la production énergétique et industrielle, à des besoins urbains mais aussi à des usages de confort, d’agrément ou de loisirs. Dans les régions en stress, il est donc crucial de bien hiérarchiser tous les usages et leurs intérêts, de bien quantifier tous les besoins, et de les mettre en regard des ressources dans une vision et une gestion temporelle essentielle (les problèmes ne sont pas les mêmes en hiver et en été). Il est important aussi, de ce point de vue, de se préserver de la politique du bouc émissaire, qui si elle donne une impression d’action reste souvent, sur ces problématiques complexes très limitées en termes de résultats et d’efficacité. Le Laboratoire de la République : Quelles solutions techniques apporter pour sécuriser la disponibilité en eau douce, tout en assurant sa répartition équitable ? Un mécanisme économique, tel que la mise en place de quotas de consommation d’eau, symétrique à la mise en place d’un marché du carbone, serait-il efficace ? Nicolas Roche : Globalement, les solutions techniques existent et ont même été la plupart du temps déjà expérimentées ailleurs sur la planète et même dans l’espace où 100 % des eaux sont en permanence recyclées. Il s’agit surtout de le mettre en œuvre sur une vision territoriale globale et partagée, et en y associant tous les acteurs, qu’ils soient politiques, tant au niveau national que local, étatiques (agences, directions territoriales, ...), industriels, citoyens, associatifs, ou encore scientifiques. Il est important aussi de revoir complètement le modèle économique des usages de l’eau afin d’y intégrer une valeur environnementale de la ressource en eau qui sera différente selon les usages, les territoires et les saisons. Le temps de la ressource gratuite[2] est sûrement un temps révolu même si pour les usages liés à l’alimentation et à l’hygiène il est important qu’elle le reste partout et pour tous. La mise en place de cette nouvelle approche nécessite donc de revoir complètement notre rapport à l’eau et la manière dont nous l’utilisons, notamment et surtout dans les zones urbaines où cette question est absolument essentielle. Cela passe notamment par une connaissance et une comptabilisation précises et continues, les plus individualisées possible, de tous les usages tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif. Il faut ensuite intégrer, à l’échelle de chaque territoire, systématiquement les quatre piliers cités précédemment (ressources, sobriété, efficacité et complémentarité) et s’approprier localement les modes de gestion de la ressource et des usages. Cela nécessite de décider rapidement et de prioriser des investissements importants avec des échéanciers, des indicateurs et des objectifs clairs. Si le temps de l’évolution de la planète reste un temps long, le temps de l’action est quant à lui très court car la réversibilité du système est tout aussi lente que son évolution. [1] Sur un volume de précipitations, il est important de distinguer l’eau qui va alimenter les réservoirs naturels (rivières, lacs et nappes), dite eau bleue et celle qui va être utilisée directement par la nature et les végétaux, dite eau verte. En moyenne sur la planète, l’eau verte va mobiliser 62% des précipitations avec des variations saisonnières très importantes. [2] en France on ne paye essentiellement que les services liés à l’eau sans y intégrer sa valeur

Le Laboratoire
de la République

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