Compte-rendu de la conférence « Santé et désinformation »

le 3 juillet 2025 Desinaformation_Sante_Sonnac_Smadja
Dans le cadre de ses travaux sur la restauration de la confiance en la santé publique, le Laboratoire de la République a organisé le 2 juillet une conférence réunissant deux experts engagés sur ces sujets : Nathalie Sonnac, professeure en sciences de l'information et de la communication à l’université Paris-Panthéon-Assas et présidente du comité d’orientation d’éducation aux médias et à l’information, et David Smadja, professeur d’hématologie à l’Université Paris-Cité et à l’Hôpital européen Georges Pompidou, spécialiste des mécanismes vasculaires liés au Covid-19. Cette rencontre s’inscrit dans la continuité des travaux du Laboratoire, notamment de la note publiée fin décembre 2024 sur l’encadrement des dérives de la désinformation en santé, ainsi que de l’éditorial commun paru en mars dernier dans Stem Cell Reviews and Reports. Elle marque une nouvelle étape dans la réflexion collective en amont de l’Université d’été d’Autun.
La pandémie comme révélateur de la fragilité du lien entre science et société David Smadja a ouvert la discussion en dressant un diagnostic des causes de la crise de confiance envers la science révélée par la pandémie de Covid-19. Il a insisté sur l’absence de culture scientifique du grand public, en particulier dans le domaine de la santé, et sur l’ampleur inédite des fausses informations qui ont circulé, nourries par des peurs légitimes mais instrumentalisées. Les médias, souvent débordés, ont peiné à apporter une réponse efficace, en partie à cause d’un manque de formation scientifique de certains journalistes et de l'absence d'une rhétorique construite face à la désinformation. Le rôle central des plateformes et des mécanismes de désinformation Nathalie Sonnac a ensuite analysé le rôle des réseaux sociaux et des médias dans la propagation de la désinformation. Elle a décrit un système où les algorithmes favorisent la viralité de contenus sensationnalistes, souvent faux, au détriment d’une information vérifiée qui circule plus lentement. La logique des bulles de filtres et la polarisation des opinions qu’elle engendre contribuent à l’effondrement d’un espace public fondé sur des repères partagés. Elle a illustré ce phénomène par des exemples concrets d’implosion de fake news typiques, montrant comment certaines fausses informations peuvent rapidement s’imposer dans le débat public. La nécessaire présence des scientifiques dans l’espace public Face à un espace médiatique saturé de contre-vérités, les scientifiques sont de plus en plus tentés de se retirer des réseaux sociaux. Pour Nathalie Sonnac, cette stratégie est une erreur : se retirer reviendrait à abandonner le terrain aux discours non fondés. Elle a plaidé pour une régulation plus efficace des plateformes, en particulier via les règlements européens DSA (Digital Services Act) et DMA (Digital Markets Act), qui imposent des obligations de transparence et de modération aux grandes plateformes. David Smadja a quant à lui insisté sur l’importance de renforcer la présence d’experts scientifiques dans tous les espaces d’expression, qu’il s’agisse des médias traditionnels, des réseaux sociaux ou des instances de régulation comme l’Arcom. Il a également défendu une participation plus active des scientifiques aux décisions publiques, que ce soit auprès des ministères, du Parlement ou dans les instances locales. Éduquer toute la société à l’esprit critique et à la santé Les deux intervenants ont insisté sur l’urgence de repenser l’éducation aux médias et à l’information, non seulement pour les jeunes, mais aussi pour les adultes, souvent plus exposés et plus vulnérables aux fausses informations. Nathalie Sonnac a plaidé pour une éducation à la citoyenneté numérique qui ne se limite pas à l’école, mais qui engage aussi les parents, les enseignants, les associations et les institutions. Elle a évoqué la création d’un Conseil national de l’éducation aux médias, afin de coordonner une action ambitieuse et transversale à l’échelle nationale. Sur le terrain scolaire, David Smadja a souligné la nécessité de repenser l’enseignement des sciences, en insistant davantage sur l’éthique scientifique, l’éducation à la santé, mais aussi les enjeux écologiques et environnementaux. Il a rappelé que l’esprit critique ne s’improvise pas : il se construit, dès le plus jeune âge, à partir d’un rapport rationnel aux faits et d’un apprentissage des méthodes scientifiques. En conclusion, cette conférence a permis de remettre au cœur du débat public un enjeu majeur pour la démocratie contemporaine : la confiance dans la santé publique. En croisant les regards d’un spécialiste du système de santé et d’une experte en communication et médias, elle a mis en lumière l’ampleur des défis à relever pour réconcilier la société avec la science. Un combat qui exige des moyens, de la pédagogie et une mobilisation collective à toutes les échelles. Lire la note : Santé et médias : comment lutter contre la désinformation ? – Laboratoire de la République https://youtu.be/EMsG5HmSSdw

Conversation éclairée : pourquoi la guerre mondiale n’est pas pour demain pour Frédéric Encel

le 17 juin 2025 Conversations éclairées de Frédéric Encel
Dans un contexte international marqué par la montée des tensions, la peur d’un embrasement généralisé semble s’être installée dans l’imaginaire collectif. Guerre en Ukraine, conflits au Proche-Orient, rivalités entre grandes puissances, course aux armements : autant de foyers d’inquiétude qui alimentent l’idée d’un monde au bord du gouffre. C’est précisément contre cette lecture pessimiste que s’est élevé Frédéric Encel, invité du Laboratoire de la République pour une Conversation éclairée animée par Brice Couturier, ce lundi soir. À l’occasion de la parution de son dernier ouvrage, "La Guerre mondiale n’aura pas lieu" (éditions Odile Jacob), le géopolitologue a proposé un regard nuancé, fondé sur l’analyse des faits et des équilibres internationaux.
Le lundi 16 juin s’est tenue une nouvelle Conversation éclairée autour du dix-huitième ouvrage du géopolitologue Frédéric Encel, « La Guerre mondiale n’aura pas lieu », publié aux éditions Odile Jacob.  La discussion, animée par Brice Couturier, intervient quelques jours après l’offensive lancée par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu contre l’Iran. Ces récents événements permettent d’étayer les propos de Frédéric Encel qui expose clairement pourquoi l’éventualité d’une guerre à l’échelle mondiale n’a pas de sens. Frédéric Encel introduit la conversation en insistant sur la définition du mot « guerre » et le contre-sens fait sur la notion d’alliance. Une alliance entre deux pays implique l’intervention militaire en cas d’attaque sur le territoire de l’un des deux contractants. Or, ni l’Iran, ni Israël, n’ont contracté d’alliance militaire, une des conditions nécessaires au déclenchement d’une guerre mondiale.  L’échange se poursuit sur les alternatives possibles à l’offensive armée. Le gouvernement israélien pouvait-il réagir différemment et miser sur des négociations ? Face à la menace que représente l’obtention de l’arme nucléaire par l’Iran, le géopolitologue estime que l’objectif militaire du gouvernement israélien de casser « l’épée de Damoclès » qui pèse sur son territoire est légitime. La question de l’avenir du Moyen-Orient se pose. Est-ce que B. Netanyahu redessine le paysage de la région ? L’auteur constate un renversement des rapports de force à la suite des attaques du 7 octobre 2023 perpétrées par le Hamas. Néanmoins, il ne faut pas confondre cela avec un changement de paradigme. Les grands fondamentaux demeurent : instrumentalisation du religieux au profit du politique, faiblesse de la représentation conceptuelle de la nation et la géographie n’est pas abolie (les ressources naturelles commercialisables restent les mêmes). Pour conclure, Frédéric Encel s’interroge sur la possibilité d’un embrasement de la situation au Cachemire, en Europe orientale et à Taïwan, zones qui apparaissent objectivement extrêmement tendues. Devant ce risque, « l’avenir est entre les mains des Occidentaux » achève-t-il.  Retrouvez sur Youtube l’intégralité de la conversation : (insérer lien) https://youtu.be/JeRO33xArTw

Compte-rendu de la conférence « Soudan : une tragédie oubliée »

le 3 juin 2025 Soudan-2juin
Alors que les projecteurs médiatiques se détournent, le Soudan sombre dans une guerre civile aux conséquences dévastatrices. Le 15 avril 2023 a marqué le début d’un conflit opposant deux factions militaires, précipitant le pays dans une crise humanitaire majeure, peu relayée dans l’espace public français. Face à ce silence, le Laboratoire de la République a organisé une conférence intitulée « Soudan, une tragédie oubliée » afin de redonner de la visibilité à ce drame. Cette rencontre visait à analyser les causes du conflit, ses répercussions régionales et internationales, ainsi que les perspectives d'une amélioration des aides humanitaires.
Lire l'article de Marianne : "Il s’agit aujourd’hui de la plus grande crise humanitaire au monde" : pourquoi personne ne parle du Soudan ? Modérée par Jean-Michel Blanquer, cette conférence visait à donner de la profondeur et de la visibilité à un conflit largement absent de l’agenda médiatique, alors même qu’il déchire un pays clé du continent africain : le Soudan. Trois intervenants sont venus croiser leurs regards : Clément Deshayes, anthropologue et chercheur à l’IRD (Laboratoire Prodig), a évoqué la complexité historique et territoriale du pays. Il a insisté sur les dynamiques de fragmentation sociale et les héritages coloniaux, qui nourrissent les conflits actuels. Caroline Bouvard, directrice pays de Solidarités International, a livré un témoignage poignant sur la catastrophe humanitaire en cours, avec des millions de déplacés, des populations en proie à la famine, et l’effondrement des services de base. François Sennesael, doctorant à Oxford, a exploré les dimensions politiques et géopolitiques du conflit, en soulignant notamment la compétition entre puissances régionales et les enjeux liés. Plutôt qu’une simple addition d’expertises, la conférence a permis de faire émerger les différentes strates du drame soudanais : historique, politique, humanitaire, symbolique. Depuis le 15 avril 2023, le Soudan est en proie à une guerre civile dévastatrice entre l’armée régulière dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhan et les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdan Dogolo (surnommé « Hemetti »). Le conflit trouve racine dans les dysfonctionnements structurels de l’État soudanais depuis l’indépendance en 1956, marquée par une alternance de régimes militaires, de guerres civiles, et d’exclusions ethniques ou régionales. La chute d’Omar el-Béchir en 2019, après 30 ans de dictature, a donné lieu à un espoir démocratique, vite trahi par un nouveau coup d’État militaire en octobre 2021, où al-Burhan et Hemetti ont pris le pouvoir. Rapidement, leurs alliances se transforment en rivalité politique, économique et militaire. En avril 2023, les tensions éclatent lorsque les FSR refusent leur intégration dans l’armée nationale. Des combats violents s’engagent à Khartoum et au Darfour, avec des affrontements à l’arme lourde, des bombardements, et des massacres. En 18 mois, le conflit a provoqué : Des dizaines de milliers de morts ; Le déplacement de plus de 10 millions de personnes ; Un risque de famine généralisée, déjà présent au Darfour (camp de Zamzam) ; L’effondrement des infrastructures de base (eau, nourriture, soins), affectant plus de 25 millions de Soudanais, soit plus de la moitié de la population. Le Soudan est devenu le théâtre d’une guerre par procuration entre puissances étrangères (Émirats arabes unis, Arabie Saoudite, Russie, Israël…). Pendant que les généraux cherchent à s’imposer, le peuple soudanais est pris en otage, victime de luttes de pouvoir cyniques, et du désintérêt croissant de la communauté internationale. https://youtu.be/mEgyGqWZcyI

21 MAI : COMPTE-RENDU DE LA CONFÉRENCE DE LILLE « NEUTRALITÉ EN ENTREPRISE »

le 28 mai 2025
Mercredi 21 mai 2025, l'antenne de Lille et la commission République laïque du Laboratoire de la République se sont réunis au Conseil régional des Hauts-de-France. En présence de Xavier Bertrand (président du Conseil régional des Hauts-de-France) et de Jean-Michel Blanquer (président du Laboratoire de la République), des experts et praticiens du monde économique ont apporté leur éclairage sur cette question essentielle qu'est la neutralité en entreprise.
Éric Clairefond, délégué général du Laboratoire de la République, a ouvert la conférence en présentant les objectifs de l’association et en invitant les participants à la prochaine Université d’été du Laboratoire de la République prévue les 28, 29 et 30 août 2025 à Autun. Jean-Michel Blanquer a lancé la conférence en affirmant la nécessité de défendre les principes républicains, en particulier la laïcité, contre les dérives idéologiques des extrêmes. Il a insisté sur l’importance de clarifier la notion de neutralité dans des espaces particuliers comme le sport et l’entreprise, aujourd’hui insuffisamment encadrés sur le plan juridique. Xavier Bertrand a rappelé que la loi de 1905 s’applique à tous les agents publics et que la loi du 24 août 2021 contre le séparatisme a élargi cette exigence aux entreprises délégataires de service public. Il a plaidé pour que cette neutralité s’applique aussi aux collaborateurs occasionnels du service public comme les accompagnants de sorties scolaires. Xavier Bertrand a enfin souligné la vulnérabilité des chefs d’entreprise face à la radicalisation, analogue à celle des proviseurs avant la loi de 2004 sur les signes religieux dans les écoles publiques. Olivier Bavière (DREETS adjoint Hauts-de-France) a présenté l’arsenal juridique existant en matière de neutralité. Il a rappelé qu’un règlement intérieur peut être instauré dans toutes les entreprises, même de moins de 50 salariés, et que celui-ci doit être soumis à l’inspecteur du travail qui peut statuer sur la clause de neutralité. Le salarié ne peut pas invoquer de conviction religieuse pour refuser une application du droit : il lui est interdit de refuser la médecine du travail ou un ordre d’un supérieur au motif que celui-ci soit du sexe opposé. Peggy Brione (Caisse d’Épargne Hauts-de-France) a évoqué les difficultés d’application dans le secteur privé, où l’enjeu majeur demeure le vivre-ensemble, au-delà de la neutralité. Bien que le règlement intérieur interdise les signes politiques ou religieux ostentatoires, la solidité juridique d’une telle disposition lui parait parfois incertaine s’il devait faire face à une contestation en justice. Éric Charpentier (Crédit Mutuel Nord Europe) a souligné que, son entreprise disposant d’un règlement intérieur, le prosélytisme est interdit et les employés ne peuvent porter de signes ostentatoires en situation de contact avec la clientèle et le prosélytisme. Un principe de lancement d’alerte anonyme (whistleblowing) auprès de la DRH a été mis en place pour ouvrir le sujet le cas échéant. Le sujet n’est pas tant la neutralité mais plutôt l’accompagnement de la diversité pour vivre ensemble. Rodolphe Delaunay (Toyota Motor Manufacturing France) a mis en avant une culture d’entreprise forte et inclusive dans son entreprise, appuyée sur le développement personnel et l’implication des salariés. La méthode de Toyota implique des responsables RH de proximité pour coller aux réalités vécues par les salariés. Aucun signe ostentatoire n’est autorisé, mais l’accent est mis sur la cohésion du collectif : les salariés sont par exemple impliqués dans le changement des tenues de travail afin de développer leur sentiment d’appartenance à l’entreprise. Frédéric Boiron (CHU de Lille) a insisté sur la responsabilité des services publics à être garants des principes de la République. Si les patients peuvent porter des signes religieux, les personnels, eux, doivent se conformer à la neutralité. L’hôpital emploie des aumôniers des trois grandes religions, tout en maintenant des lieux de culte œcuméniques. Les établissements privés, eux, ne sont pas soumis à la même obligation. Claire Louf (Dalkia) a insisté sur l’importance des normes d’hygiène, de sécurité et de santé qui peuvent également être des outils pour faire respecter la neutralité. Le port de signes religieux ostentatoires est interdit dans le règlement intérieur pour les personnels au contact des clients. Marc Telliez, proviseur d’un lycée professionnel à Hénin-Beaumont, a illustré comment la laïcité est appliquée dans un établissement mêlant éducation et monde professionnel. Une charte de la laïcité régule les comportements et, malgré une population considérée comme majoritairement défavorisée à Hénin-Beaumont, les cas difficiles sont rares. Il a également souligné que les règles de neutralité s’étendent aux stages et sorties scolaires. Sophie Béjean, rectrice de la région académique Hauts-de-France et rectrice de l’académie de Lille, a rappelé que le cadre réglementaire est clair, accompagné de guides et de formations pour les équipes éducatives. Marie-Claude Afarian, formatrice et coach professionnelle, a souligné l’importance du besoin de formation pour les managers, notamment dans les PME, autour des enjeux de communication interne, des aspects juridiques et de gestion émotionnelle face au prosélytisme politique et religieux. Enfin, plusieurs intervenants ont souligné que la mixité sociale constitue un facteur clé de régulation de la neutralité au quotidien. La neutralité ne se décrète pas uniquement par la loi, mais se construit aussi par la culture d’entreprise, l’exemplarité et l’accompagnement des équipes. Frédéric Danel, directeur régional de France Travail Hauts-de-France, confirme le besoin d’un cadre dans les entreprises à partir du règlement intérieur. Des formations sur ces enjeux sont mises à disposition dans la formation de rentrée à France Travail. Démystifier le sujet est essentiel pour mieux épauler les équipes. Michel Lalande, préfet honoraire, conclut la table ronde en rappelant que des mots comme « émancipation » et « vivre-ensemble » l’ont guidé tout au long de son parcours. Pour lui, l’émancipation suppose l’adhésion active aux valeurs de la République, qu’il faut sans cesse interroger, nourrir et faire vivre. Il a insisté sur la nécessité de dépasser les déterminismes sociaux. Le vivre-ensemble, quant à lui, repose sur le respect des règles communes. Face aux atteintes à la neutralité, il appelle à rompre le silence et à devenir des pratiquants de la République. Le Laboratoire de la République tient à remercier Philippe Lamblin, dirigeant sportif et d’entreprise, délégué aux emplois en Hauts-de-France, pour sa contribution déterminante à la préparation et à l’animation de cette table ronde. https://www.youtube.com/watch?v=YI9UPI_Wtx0

Retour sur la « Conversation éclairée » de Renée Fregosi

le 14 mai 2025
C’est dans le cadre feutré et intellectuellement stimulant de la Maison de l’Amérique latine qu’a eu lieu, le 12 mai, une nouvelle édition des "Conversations éclairées", autour de Renée Fregosi, philosophe et politologue, ancienne maître de conférences à la Sorbonne Nouvelle. Elle y présentait son dernier essai "Le Sud global à la dérive. Entre décolonialisme et antisémitisme", paru aux éditions Intervalles.
Un concept flou, une réalité préoccupante Animée par Brice Couturier, journaliste et essayiste, et Chloé Morin, politologue, la discussion a permis d’éclairer un terme désormais omniprésent dans les discours politiques et militants : le "Sud global". Loin d’un simple substitut post-colonial aux "pays du tiers-monde", ce concept agrège aujourd’hui des pays aux trajectoires historiques, politiques et culturelles très différentes — de l’Amérique latine à l’Afrique subsaharienne, du Proche-Orient à l’Asie du Sud-Est — autour d’un discours de ressentiment à l’égard de l’Occident. Mais que recouvre réellement cette notion ? Pour Renée Fregosi, le Sud global n’est pas tant une réalité géopolitique qu’une fiction idéologique, forgée sur des bases émotionnelles et identitaires, où s’opèrent des glissements sémantiques dangereux. Ce conglomérat mouvant, en apparence uni dans la dénonciation des puissances occidentales, masque en réalité des allégeances autoritaires et des contradictions profondes, notamment autour de la liberté, de la démocratie, des droits humains ou de l’universalisme. Une dérive politique et morale Au cœur de l’ouvrage et de la discussion, la critique du discours décolonial, qui tend à essentialiser les peuples et à opposer systématiquement l’"opprimé" du Sud au "colonisateur" du Nord. Ce renversement moral, explique R. Fregosi, conduit parfois à réhabiliter des régimes autoritaires ou à excuser l’intolérable, au nom d’un anti-occidentalisme radical. Elle pointe ainsi les convergences de certains États du Sud global avec l’axe Moscou-Ankara-Téhéran, qui se présente aujourd’hui comme une alternative à l’ordre libéral international. Plus troublant encore, selon R. Fregosi : la manière dont certains segments du Sud global et de ses soutiens dans les sociétés occidentales reprennent ou tolèrent des discours antisémites, dissimulés sous des postures "antisionistes". Une confusion lourde de conséquences, où l’hostilité envers Israël sert souvent de paravent à une haine plus ancienne et plus profonde. Un appel à la vigilance et à la lucidité Renée Fregosi a plaidé pour une lecture lucide et critique des nouvelles alliances géopolitiques, des discours idéologiques qui les accompagnent, et des effets délétères de l’importation dans les sociétés démocratiques de conflits et de logiques identitaires exogènes. Elle appelle à ne pas céder à l’illusion d’un Sud global uni et progressiste, là où dominent parfois autoritarisme, cléricalisme et rejet des valeurs universalistes. https://youtu.be/zKWhBYmT8_s

L’antenne lyonnaise au cœur de la Fraternité le 7 mai dernier

par L'antenne de Lyon le 10 mai 2025 lyon-7mai-fraternite
Sous le signe de l’échange avec le format table ronde et de l’engagement citoyen, l’évènement de l’antenne lyonnaise du Laboratoire de la République a exploré une notion souvent délaissée ou mal comprise du triptyque républicain : la fraternité. Jean-Michel Blanquer, Président du Laboratoire, a ouvert les débats en interrogeant la place réelle de la fraternité dans une société française de plus en plus fragmentée.
Trois regards sur la fraternité : économique, générationnelle, éducation : Notre table ronde composé de 3 intervenants riches de leurs diversité a permis de saisir les contours de la fraternité et de comment celle-ci peut se vivre concrètement dans notre société. Cathy Simon (Centaure, sécurité routière – élue locale) a illustré la fraternité en entreprise par des initiatives concrètes : entraide entre collaborateurs, soutien aux publics fragiles et partenariats territoriaux. Pour elle, la fraternité économique passe par l’inclusion active : emploi des personnes handicapées, l’insertion des jeunes, la reconversion des seniors. Philippe Albanel (Chez Daddy) par son intervention a mis en lumière la dimension intergénérationnelle de la fraternité. Ses cafés, conçus comme des « secondes familles », créent des espaces d’accueil et de lien social. Il appelle à un modèle hybride pour promouvoir la fraternité : un soutien public mais toujours fondé sur l’engagement citoyen local. Olivier Dugrip (ancien recteur) a défendu une fraternité passant par l’éducation pour la rendre aussi concrète que les autres piliers républicains. De son enseignement théorique à sa promotion en dehors des temps de classe, l’école doit jouer un rôle majeur chez les jeunes à ce sujet. Des grands défis pour la fraternité : La fraternité dans le numérique : Le numérique peut-il rapprocher plutôt que diviser ? Les intervenants ont débattu de la fracture générationnelle et de la nécessité de former à la citoyenneté numérique dès l’école. La fraternité dans les territoires : Comment tisser du lien dans une France marquée par des déséquilibres géographiques ? Les zones rurales ont leurs propres défis et la solution passe par des initiatives locales ancrées. Tous ont souligné que la fraternité n’est pas qu’une vertu morale : elle doit être une obligation structurelle dans la République comme le sont la liberté et l’égalité. Le Laboratoire de la République et plus particulièrement son antenne lyonnaise a rappelé son ambition : travailler précisément sur la fraternité dans toutes ses acceptions pour permettre d’en faire une réalité tangible à l’école, en entreprise et au cœur des politiques publiques en général. Les prochains travaux de l’antenne lyonnaise iront dans ce sens : faire vivre cet idéal républicain qu’est la fraternité. Voir la captation : https://youtu.be/vtFMpf_RQe4

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