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120 ans de la loi de 1905 : « Les nouvelles frontières de la laïcité » 

le 9 décembre 2025 IMG_loi1905_event_6dec
À l’occasion du 120ᵉ anniversaire de la loi de 1905, le Laboratoire de la République et le Parti radical ont réuni, le 6 décembre 2025, universitaires, acteurs associatifs et praticiens pour interroger « les nouvelles frontières de la laïcité ». Entre héritage historique et défis contemporains, les intervenants ont rappelé que la laïcité demeure au cœur du pacte républicain. De l’école à l’espace public, du sport aux entreprises, les débats ont mis en lumière l’urgence de sortir de la défensive et de réaffirmer un projet commun capable de réunir tous les citoyens autour de l’idéal républicain.
Le 6 décembre 2025, le Laboratoire de la République et le Parti radical ont organisé, avec l’appui de la LICRA et du Comité Laicité République, un colloque consacré aux 120 ans de la loi de 1905. La présidente du Parti Radical, Nathalie Delattre a introduit la matinée en rappelant les mots d’Aristide Briand, « La laïcité n’est pas une arme, c’est une prudence » et en insistant sur l’importance de bien définir la laïcité. Pour elle, la laïcité n’est pas contre les religions mais contre les privilèges, elle n’est pas contre les croyants mais contre les ingérences, elle n’est pas contre la diversité, mais au service de la liberté de tous. La loi de 1905, une loi de libertés Jacqueline Lalouette, historienne, a rappelé que l'article 1er de la loi de 1905 proclame la liberté de conscience, donnant l'impression qu'elle n'existait pas auparavant, et démontre qu’elle existait bien avant 1905 en s’appuyant notamment sur le discours du 30 juillet 1904 de Jean Jaurès à Castres. Cependant, des failles subsistaient sur le budget des cultes et sur les questions liées à la mort. Elle a longuement rappelé l’évolution des règles en vigueur sur l’organisation des cimetières (décret du 23 prairial de l’An XII – 12 juin 1804 – imposant des divisions par culte, aboli par la loi municipale du 5 avril 1884) et la liberté des funérailles (loi du 15 novembre 1887), ainsi que le rôle de la laïcité dans la conquête de ces libertés nouvelles. Galina Elbaz, avocate et première vice-présidente de la LICRA, a identifié les limites contemporaines de la loi de 1905 et plus particulièrement la perception négative de la laïcité chez les jeunes : la laïcité est parfois perçue par eux comme liberticide et raciste, notamment via l'accusation d'islamophobie. Cette confusion entre critique de la religion et racisme est entretenue par des mouvements communautaristes. Cette perception est nourrie par des discriminations réelles (emploi, contrôles au faciès, …) et par des applications à géométrie variable de la laïcité. Elle propose d’articuler laïcité et lutte contre les discriminations pour réenchanter la laïcité comme loi d'émancipation et d'égalité, notamment pour les femmes (droit à l'avortement, divorce, contraception). Benjamin Morel, constitutionnaliste et secrétaire général du Laboratoire de la République, a analysé la constitutionnalisation imparfaite de la laïcité dans la décision du Conseil constitutionnel de 2013 et son figement juridique actuel. Il a souligné son application à géométrie variable (Alsace-Moselle, Guyane, Mayotte) et les confusions avec des lois récentes qui relèvent de l’ordre public et non de la laïcité, comme la loi de 2010 sur la dissimulation du visage. Après avoir comparé les trois grands modèles de rapport État/religion en Europe (sécularisme anglo-saxon, régimes concordataires allemand ou autrichien, laïcité française), il a insisté sur le fait qu’ils étaient tous en crise, pour les mêmes raisons. Dans le cas de la France, il a pointé trois grandes dérives concernant la laïcité : Considérer la laïcité comme une valeur coercitive ; Considérer la laïcité comme un instrument pour lutter contre l’islam ; Considérer que la radicalisation des jeunes de toutes religions est une radicalisation religieuse, quand elle est bien plutôt une quête identitaire des jeunes face à laquelle les religions (comme les régionalismes et autres mouvement identitaires) deviennent un marqueur identitaire face à l'anomie sociale. Il a notamment proposé d’inscrire une Charte de la laïcité dans notre bloc de constitutionnalité, à l’instar de la Charte de l'environnement de 2004, tant pour installer ce principe clairement que pour relancer un grand débat national sur le sujet et définir la manière dont notre communauté politique se définit et se projette. Sortir d’une posture défensive : quelles nouvelles perspectives ? Delphine Girard, professeure et membre du Conseil des sages de la laïcité, a démontré que l’école de la République était assiégée, rendant hommage à Samuel Paty et Dominique Bernard, enseignants assassinés dans l’exercice de leur métier et regrettant que trop peu ne soit fait pour lutter contre l’autocensure des enseignants qui, pour la moitié d’entre eux, craignent l’anathème moral d’islamophobie. Elle a insisté sur la nécessité de contrer les discours essentialistes qui définissent la religion comme une identité, soulignant que si la religion est un héritage familial, il doit être possible de le renier, de s’en départir ou d’en choisir un autre. Concernant la jeunesse, elle décrit la montée de la radicalité qui touche toutes les jeunesses : Celle des centres-villes, perméable à l’idéologie communautariste anglo-saxonne ; Celle des banlieues périurbaines, qui est gagnée par le rigorisme religieux et qui a pour épouvantail la laïcité ; Celle des campagnes rurales, abreuvée d’un identitarisme fantasmé et nationaliste qui puise dans le déclassement. Elle a notamment proposé de faire de la laïcité à l'école une grande cause nationale, en créant un secrétariat d'État à la laïcité rattaché au ministre de l'Éducation nationale, avec budget et feuille de route propres. Gilbert Abergel, président du Comité Laïcité République, a alerté sur le sport comme terrain privilégié de l'entrisme islamiste. Il a illustré son propos à travers plusieurs situations observées dans des structures sportives proposant des adaptations particulières, tout en soulignant l’hétérogénéité des règles et la difficulté de certaines fédérations à soutenir clairement les principes de laïcité, à l’exception de la fédération de football. Il a notamment proposé d’étendre la loi de 2004 sur la neutralité à l’école au secteur sportif associatif délégataire de service public. Michel Lalande, ancien préfet et président de la commission République laïque du Laboratoire de la République, a tiré trois enseignements des échanges de la matinée. Il a rappelé d’abord que « un État neutre est un État pleutre » : par nature, l’État doit être engagé et défendre activement les valeurs républicaines. Il a ensuite souligné que la laïcité est une bataille et que nous devons être capables de répondre sur tous les terrains, y compris les plus imprévisibles. À ce titre, il a évoqué notamment le secteur privé, où TPE et PME se trouvent parfois démunies face aux revendications religieuses et ont un réel besoin d’accompagnement juridique et de formation. Enfin, il a insisté sur l’urgence de sortir du silence, de porter un engagement politique affirmé, de renforcer les dispositifs de contrôle et d’assurer un véritable pilotage des politiques publiques. Cet engagement doit être soutenu par les intellectuels et les universitaires, qui peuvent donner à la laïcité le sens du XXIᵉ siècle, car, selon lui, elle ne peut plus s’écrire avec l’encre du XIXᵉ siècle. Les questions/réponses avec le public ont permis d’apporter des compléments sur plusieurs points, comme par exemple le fait que de nombreuses victoires avaient été remportées, et que le tableau n’était pas exclusivement négatif : sur l’adhésion des enseignants aux principes de la République, le concours comprend une épreuve orale obligatoire sur les principes républicains ; le plan des mille a permis de former 1 000 référents laïcité qui, à leur tour, forment des enseignants dans toute la France ; Pierre-Henri Tavoillot a créé un diplôme universitaire sur la laïcité et l’initiative a été reprise dans d’autres universités. Répondant à une question sur le caractère religieux de nos jours fériés, Jacqueline Lalouette a rappelé que seuls quatre jours fériés en France sont des jours chrétiens (Noël, l’Ascension, le 15 août et la Toussaint). Tous les autres sont non-religieux, y compris les lundis de Pâques et de la Pentecôte qui ont été votés sont difficulté en 1886 (à une époque de grande laïcisation du droit) pour des raisons commerciales, en lien avec les protêts bancaires et le fonctionnement des autres banques européennes. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui, depuis que le Vatican a renoncé à faire de ces deux jours des jours d’obligation religieuse. Jean-Michel Blanquer, président du Laboratoire de la République, a conclu en revenant sur les idées fortes qui ont traversé la matinée. Il a rappelé d’abord l’importance de l’universalisme : nous sommes avant tout des êtres humains, puis des citoyens, et c’est à partir de cette base commune que se construisent nos différences, ce qui fonde l’importance de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Il a ensuite souligné que la force du droit est déterminante : la loi doit être claire, appliquée avec constance, et soutenue par un signal politique fort. Le combat pour la laïcité est à la fois juridique et culturel et il ne peut être gagné que si ces deux dimensions avancent ensemble. Il a également insisté sur la nécessité de nommer les choses : l’islamisme représente aujourd’hui un défi, comme le catholicisme en posait un en 1905, et ne pas le reconnaître reviendrait à tomber dans une forme de paternalisme qui ne respecte pas les citoyens. La laïcité doit être comprise non comme une contrainte, mais comme une liberté et une source d’émancipation. Dans cette optique, les mots comptent : il ne faut pas craindre d’élaborer nos propres concepts et de défendre une vision du monde face à ceux qui cherchent à l’influencer autrement. Enfin, cette réflexion s’inscrit dans une histoire longue : la loi de 1905 est l’héritière de siècles de distinction entre le temporel et le spirituel, et d’un héritage à la fois gréco-romain et judéo-chrétien. Jean-Michel Blanquer a ainsi conclu par un appel final sur l’importance de sauver la laïcité pour préserver notre devise républicaine, liberté, égalité, fraternité. https://youtu.be/lLGZIAf8AP8

09/12 : Table ronde « Océans en péril : comprendre les réponses publiques d’aujourd’hui, envisager celles de demain »

par L'antenne d'Assas le 24 novembre 2025
L’antenne Panthéon du Laboratoire de la République a le plaisir de vous inviter à une table ronde consacrée à un enjeu majeur de notre temps : la responsabilité de l’État dans la protection des milieux marins, face au dérèglement climatique et à l’accélération de la crise écologique avec Guillaume Sainteny et Joëlle Casanova.
Alors que les écosystèmes marins subissent une pression sans précédent — réchauffement des eaux, pollution, effondrement de la biodiversité — le rôle de l’État, ses obligations juridiques et ses leviers d’action deviennent des questions fondamentales pour notre avenir commun. Cet événement vise à éclairer ces enjeux avec précision et nuance, en donnant la parole à deux spécialistes reconnus. Deux intervenants de référence Pour analyser les défis juridiques, environnementaux et économiques liés à la sauvegarde de nos espaces maritimes, nous aurons l’honneur d’accueillir : Guillaume Sainteny, président du Plan Bleu pour l’environnement et le développement en Méditerranée ; Joëlle Casanova, magistrate et vice-présidente de l’Association française des magistrats pour la justice environnementale, coordinatrice de formation à l'ENM. Un moment pour comprendre, débattre et agir Cette soirée sera l’occasion de mieux saisir : les responsabilités juridiques de l’État face à la dégradation des océans ; les instruments d’action publique existants ou à imaginer ; les perspectives d’avenir pour renforcer la protection des milieux marins ; les enjeux géopolitiques et économiques associés à la mer. Quand ? Mardi 9 décembre 2025 à 19hOù ? au Centre Panthéon de l'Université d'Assas – Salle 0312 place du Panthéon, Paris 5e S'inscrire

07/12 : Le Laboratoire de la République célèbre les 120 ans de la loi de 1905

le 24 novembre 2025 Theatre_laicite_decembre
À l’occasion du 120ᵉ anniversaire de la loi du 9 décembre 1905 consernant la séparation des Églises et de l’État, le Laboratoire de la République vous propose un temps fort le dimanche 7 décembre à 15h à La Scala Paris. La représentation de la pièce Le Professeur, écrite par Émilie Frèche, mise en scène par Muriel Mayette-Holtz et interprétée par Carole Bouquet, sera suivie d’un échange avec Émilie Frèche et Iannis Roder autour des enjeux de la laïcité dans nos sociétés contemporaines.
Il y a 120 ans, la loi du 9 décembre 1905 consacrait la séparation des Églises et de l’État, posant les fondations de la laïcité française. Ce principe, garant de la liberté de conscience et de la neutralité de l’État, reste au cœur de notre pacte républicain.Pour célébrer cet anniversaire et rappeler la force toujours actuelle de ce texte, le Laboratoire de la République propose un moment de réflexion et de partage à travers la pièce Le Professeur. Écrite par Émilie Frèche, Le Professeur retrace les derniers jours de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie assassiné en octobre 2020 après avoir montré des caricatures de Charlie Hebdo lors d’un cours sur la liberté d’expression. La mise en scène de Muriel Mayette-Holtz et l’interprétation poignante de Carole Bouquet rendent hommage à son engagement et questionnent la place de l’école, de l’autorité et du savoir dans notre société. À l’issue de la représentation, un débat sera organisé au restaurant du théâtre avec Émilie Frèche, écrivaine et scénariste, et Iannis Roder, professeur agrégé d’histoire et membre du Conseil des sages de la laïcité. Cet échange, initié par le Laboratoire de la République, s’inscrit dans une réflexion plus large sur l’héritage et la portée contemporaine de la loi de 1905. Plus d’un siècle après sa promulgation, alors que notre société est traversée par de nouvelles formes de revendications identitaires et religieuses, cette loi demeure un repère essentiel pour penser l’unité républicaine et la liberté de chacun. 📍 La Scala Paris, 13 boulevard Strasbourg, 75010 🗓️ Dimanche 7 décembre, 15h 🎟️ Tarifs : entre 15 € et 56 €👉 Réservation directement sur le site de La Scala Paris Prendre sa place

06/12 : « Les nouvelles frontières de la laïcité » : un rendez-vous essentiel pour les 120 ans de la loi de 1905

le 24 novembre 2025 event-6dec
Il y a cent vingt ans, la France adoptait la loi du 9 décembre 1905, établissant la séparation des Églises et de l’État. Ce texte, devenu pilier de notre pacte républicain, continue de structurer notre vision collective de la liberté, de l’égalité et de la neutralité de l’État. Alors que s’ouvre l'anniversaire, le Laboratoire de la République, en partenariat avec le Parti Radical, la LICRA et le Comité Laïcité République, organise une conférence exceptionnelle intitulée « Les nouvelles frontières de la laïcité », le 6 décembre à 9h30.
La laïcité n’est pas un principe figé : elle est un cadre vivant, toujours réinterrogé par les évolutions sociales, politiques et culturelles de notre époque. Cette conférence entend précisément éclairer les tensions, les défis et les nouveaux horizons qui se dessinent autour de ce principe fondateur. Elle sera introduite par Nathalie Delattre, présidente du Parti Radical. La matinée s’articulera autour de deux tables rondes : 1. Une loi de libertés Avec : Benjamin Morel, constitutionnaliste et secrétaire général du Laboratoire de la République Jacqueline Lalouette, historienne Galina Elbaz, avocate et vice-présidente de la LICRA Cette première séquence reviendra sur l’esprit de la loi de 1905, sur sa cohérence interne et sur la manière dont elle continue de garantir un espace commun fondé sur la liberté de conscience et l’égalité de traitement. 2. Sortir d’une posture défensive : quelles nouvelles perspectives ? Avec : Delphine Girard, membre du Conseil des sages de la laïcité Michel Lalande, responsable de la Commission Laïcité du Laboratoire de la République, préfet honoraire Gilbert Abergel, président du Comité Laïcité République Cette seconde table ronde se penchera sur les transformations sociétales récentes, les pressions auxquelles la laïcité est confrontée et les réponses à inventer pour mieux la transmettre, la faire comprendre et la réaffirmer. La conférence sera conclue par Jean-Michel Blanquer, président du Laboratoire de la République. Plus qu’un simple anniversaire, cette rencontre se veut être un moment d’intelligence collective, où experts, acteurs publics et citoyens pourront explorer ensemble les nouvelles frontières d’un principe qui demeure au cœur de notre vie démocratique. Quand ? Samedi 6 décembre 2025 de 9h30 à 12hOù ? 1 Place de Valois, Paris 1er S'inscrire

Laïcité et religions : quels chemins pour vivre ensemble ?

par L'antenne de Bordeaux le 30 septembre 2025 lab_bordeaux_2409
Comment conjuguer liberté religieuse et vivre-ensemble dans notre République ? C’est à cette question brûlante qu’ont répondu, le 24 septembre 2025 à Bordeaux, le grand imam Tareq Oubrou, le professeur de droit public Ferdinand Mélin-Soucramanien, la présidente de la LICRA Bordeaux-Gironde Sarah Bromberg et le prêtre Basile Dumont. Entre cadre juridique, éducation des jeunes, égalité femmes-hommes et diversité des pratiques spirituelles, la soirée a offert un débat riche et sans détour sur la laïcité, ce pilier républicain qui nous unit tous.
Le 24 septembre 2025, le Laboratoire de la République inaugurait son antenne bordelaise à l’occasion d’une conférence consacrée au thème « Laïcité et religions : quels chemins pour vivre ensemble ? », en présence de Ferdinand Mélin-Soucramanien (professeur de droit public), Tareq Oubrou (grand imam de Bordeaux), Sarah Bromberg (présidente de la LICRA Bordeaux-Gironde) et de Basile Dumont (prêtre de la paroisse de Talence). Les échanges ont permis d’explorer ce principe fondateur de la République sous ses dimensions historique, juridique, sociologique et contemporaine, confirmant que la laïcité est une condition essentielle du vivre-ensemble, tout en révélant les tensions qui traversent son application dans un contexte marqué par la pluralité religieuse et l’évolution des pratiques sociales. Un cadre historique et juridique en constante évolution La laïcité s’enracine dans des jalons législatifs majeurs, comme le souligne Ferdinand Mélin-Soucramanien : la laïcisation de l’enseignement en 1882, la séparation des Églises et de l’État en 1905, ou encore la récente loi de juillet 2025 contre le racisme et l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur. Trois piliers en structurent la définition : liberté de conscience, séparation de l’État et des cultes, et obligation de se conformer aux règles communes sans invoquer ses croyances. Le Conseil constitutionnel a lui-même cherché à la définir, notamment dans une décision de 2004, au moment où se posait la question de l’articulation entre la Constitution française et le projet de Traité pour une Constitution européenne. Il avait alors affirmé que la laïcité interdit à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes. Cette interprétation, à laquelle Ferdinand Mélin-Soucramanien dit se rallier, fait de la laïcité non seulement une garantie de liberté mais aussi une condition du vivre-ensemble et un pilier de la République. Religion, société et jeunesse : des rapports contrastés Loin d’être un principe figé, la laïcité s’adapte aux évolutions sociétales. Tareq Oubrou rappelle que toute religion ne se vit pas seulement, elle se pense également. Faute d’un travail d’interprétation et de médiation doctrinale, une « sainte ignorance » traverse toutes les religions. L’accès direct et sans filtre aux contenus religieux via les réseaux sociaux favorise ce qu’il appelle une « désécularisation sauvage », où les jeunes, souvent plus connectés à TikTok qu’à leurs propres parents ou à des médiateurs, se montrent parfois plus religieux que la génération précédente. Dès lors, l’enjeu de la transmission devient central. « On ne peut pas obliger quelqu’un à adorer Dieu », rappelle Tareq Oubrou, soulignant que la coercition religieuse, physique ou psychologique, est non seulement juridiquement interdite mais théologiquement vaine. La foi suppose liberté et intention. D’où l’importance, selon lui, d’introduire le doute, la pédagogie et une éducation au discernement dès l’enfance. Dans cette perspective, Sarah Bromberg insiste sur la dimension éducative et citoyenne de la laïcité, notamment auprès des jeunes, mais aussi sur l’égalité entre femmes et hommes, qui doit demeurer un principe intangible dans la société. Liberté religieuse, espace public et ordre républicain La laïcité se situe à l’intersection de la liberté religieuse garantie par le droit, y compris européen, et de la neutralité attendue des institutions. Les discussions ont rappelé une distinction fondamentale : si les agents du service public doivent rester neutres, l’espace public ne saurait être totalement aseptisé. Ferdinand Mélin-Soucramanien a insisté sur la nécessité de renforcer la neutralité dans certains services particulièrement sensibles, comme l’hôpital public et les transports. Mais il met en garde contre une crispation excessive sur les signes religieux dans l’espace public. Cette distinction a été largement reprise par les intervenants : la République est laïque, mais l'ensemble des individus constituant notre société ne l’est pas. La laïcité n’est pas une religion ni une idéologie, mais une branche commune « sur laquelle tout le monde est assis », selon l’expression de Tareq Oubrou, et que chacun, croyant ou non, a le devoir de défendre car elle protège tous les citoyens. Une recomposition du paysage religieux Les évolutions religieuses en France reflètent à la fois un reflux global et des dynamiques de renouveau. Basile Dumont souligne par exemple l’augmentation significative du nombre d’adultes demandant le baptême, multiplié par deux en quelques années, signe d’un regain de quête spirituelle. En parallèle, les travaux de politistes comme Yann Raison du Cléziou mettent en évidence un mouvement plus général de reflux des pratiques religieuses. Tareq Oubrou cite aussi Peter Berger, sociologue américain, qui dès les années 1980 constatait le retour du religieux dans l’espace politique, notamment à travers les mouvements évangéliques. La France n’échappe pas à cette recomposition, où coexistent désaffiliation et réinvestissement religieux. Perspectives et recommandations Les intervenants ont formulé plusieurs recommandations pour l’avenir : • Clarifier davantage encore la distinction entre liberté dans l’espace public et règles strictes de neutralité dans les services publics, à renforcer dans certains services particulièrement sensibles. • Promouvoir une sensibilisation large aux valeurs républicaines et encourager un dialogue respectueux entre convictions. • Encourager un portage politique large de la laïcité, afin qu’elle demeure un projet républicain d’espérance partagé et défendu par le plus grand nombre. • Développer une éducation au discernement et à la liberté de conscience, en protégeant les jeunes contre toute forme de coercition. https://www.youtube.com/watch?v=SxaB1GuYIg4

Conférence à Bordeaux – Laïcité et religions : quels chemins pour vivre ensemble ?

par L'antenne de Bordeaux le 5 septembre 2025 evenement_bordeaux_LAB_2409
Le Laboratoire de la République poursuit son développement en région et ouvre une antenne à Bordeaux. Pour marquer cette implantation, une première conférence est organisée le mercredi 24 septembre 2025 à 18h30, à l’Amphi Ellul du Pôle juridique et judiciaire de l’Université de Bordeaux.
Conçu comme un principe protecteur garantissant à chacun la liberté de croire ou de ne pas croire, ce pilier républicain suscite aujourd’hui de nombreuses interrogations, et parfois même des crispations. Dans une société plus diverse que jamais, comment faire de la laïcité non pas une ligne de fracture, mais un langage commun qui nous permette de mieux vivre ensemble ? Cette rencontre, ouverte à toutes et tous, permettra d’engager un débat constructif autour de cette valeur fondatrice de la République, en présence d’étudiants, de citoyens et de personnalités engagées. Elle donnera également le coup d’envoi d’un cycle d’initiatives et de réflexions porté par la nouvelle antenne bordelaise du Laboratoire de la République. Avec : Ferdinand Mélin-Soucramanien – Professeur de droit public à l’Université de Bordeaux, constitutionnaliste Sarah Bromberg – Présidente de la LICRA Bordeaux-Gironde Tareq Oubrou – Grand Imam de Bordeaux Basile Dumont – Prêtre de la paroisse de Talence et le témoignage du Rabbin de Bordeaux Moïse Taïeb Quand ? Mercredi 24 septembre 2025 – 18h30 Où ? Amphi Ellul, Pôle juridique et judiciaire, Université de Bordeaux, 35 place Pey Berland, 33000 Bordeaux Inscription obligatoire Attention : Nombre de places limité Cliquez ici pour vous inscrire

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