Réinventer la prévention : l’union sacrée de la santé scolaire et de la santé au travail au service de la santé publique

par David Smadja , Jean-Paul Thonier le 13 octobre 2025 Smadja-Thonier-Laboratoire_Republique
Et si l’on repensait enfin la prévention comme un véritable pilier de notre système de santé ? Trop longtemps marginalisée, reléguée derrière le curatif, la politique de santé publique en France manque d’ambition et de moyens. Dans cette note, deux experts – David Smadja, professeur d’hématologie à l’Université Paris Cité, praticien hospitalier à l’hôpital européen Georges Pompidou et responsable de la commission Santé du Laboratoire de la République, et Jean-Paul Thonier, président fondateur du cabinet de conseil santé CHEERS! – appellent à une refonte profonde de notre stratégie préventive. Leur proposition : faire converger santé scolaire et santé au travail pour créer un véritable continuum de prévention, de l’enfance à l’âge adulte. Une "union sacrée" au service d’une meilleure espérance de vie en bonne santé.
En France, la prévention en santé est largement sous-financée et négligée : moins de 2 % des dépenses y sont consacrées, contre 8 % au Danemark. Trop souvent centrée sur le soin curatif, notre politique ignore la nécessité d’agir en amont pour préserver la santé tout au long de la vie. Résultat : une espérance de vie en bonne santé qui stagne à seulement 67 ans pour les femmes et 65,6 ans pour les hommes. La santé scolaire et la santé au travail représentent deux leviers majeurs pour inverser cette tendance. La santé scolaire, pilier oublié, doit devenir un véritable filet de sécurité pour nos enfants : protéger, écouter, dépister précocement les troubles et lutter efficacement contre le harcèlement. Son intégration au Ministère de la Santé, un renforcement massif des moyens et une meilleure coordination territoriale sont essentiels pour transformer l’école en un lieu sûr et bienveillant. La santé au travail, quant à elle, couvre la population active durant plus de 40 ans : elle possède un réseau dense, un financement majoritairement privé et un potentiel énorme pour promouvoir une santé préventive, prédictive et connectée. Pour réussir, nous devons décloisonner ces deux sphères et construire un continuum préventif cohérent : accompagner chaque enfant pour qu’il devienne un adulte en bonne santé, et protéger l’adulte pour qu’il reste actif et épanoui. Il est temps de dépasser les discours : misons sur cette « Union sacrée » pour la prévention, et transformons enfin les constats en actes. Lire : DSmadja-Note_sante_scolaire_et_travail_Laboratoire_de_la_RepubliqueTélécharger

À l’heure de la défiance généralisée ?

par Olivia Leboyer le 1 octobre 2025
Docteur en science politique, Olivia Leboyer réfléchit sur le caractère fortement symbolique de la condamnation de l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy à une peine de cinq ans de prison, assortie d’une exécution provisoire. Les responsables politiques rendent des comptes, comme n’importe qui, devant la justice. L’emprisonnement à titre d’exécution provisoire, délibérément frappant, surprend et interroge. A quoi correspond une telle exposition ? Est-elle destinée à servir d’exemple ? Aux yeux de qui ?
Une indifférence généralisée Assez curieusement, la nouvelle de la condamnation, abondamment commentée dans les médias, n’a pas suscité de réaction vive dans l’opinion, relativement placide. À un sondage réalisé pour Macommune.info, à la question « Estimez-vous normal qu’un président de la République puisse être condamné à 5 ans de prison comme n’importe qui ? », 81% des répondants disent oui. Cependant, ce sondage pose la question de la possibilité d’une condamnation dans l’absolu, sans interroger sur cette affaire précise, ni s’interroger sur l’exécution provisoire. Pour autant, les citoyens ont bien à l’esprit l’événement du jour et ne paraissent pas s’en émouvoir plus que cela. Comme si le sort des hommes et des femmes politiques laissait les citoyens plutôt indifférents. S’agissant de Nicolas Sarkozy, au tempérament tempétueux et affectif, c’est assez étonnant. Les mystères de la confiance Pour être élu, un homme ou une femme politique doit inspirer confiance. Au-delà des idées, quelque chose dans sa personnalité doit rassurer, laisser penser que les promesses énoncées seront, cette fois, tenues. L’élite politique a ceci d’ambigu qu’elle s’efforce d’inspirer la confiance aux citoyens, tout en sachant qu’elle suscite inévitablement, dans le même temps, un sentiment de défiance qui tient quasiment du réflexe. Que l’on suspecte la nature des individus ou bien celle du pouvoir, il n’en reste pas moins que la notion d’élite appelle la défiance. De fait, la défiance politique à l’égard des institutions et le discrédit des élites politiques sont des phénomènes que l’on observe souvent en interférence et de manière plutôt saine. Cela s’appelle la vigilance démocratique. Il n’y a pas si longtemps, cette tension était dynamique, comme un élastique que l’on tend. Tocqueville remarque notamment que les citoyens aiment et respectent le pouvoir, mais que, dans le même temps, ils n’ont souvent guère d’illusions sur les motivations des hommes politiques, qu’ils jugent corruptibles. L’incarnation du pouvoir leur pose problème, tout en les fascinant. Tocqueville le constate : le pardon n’est jamais loin, car la confiance placée dans les hommes politiques, même sérieusement ébranlée, tient bon. Le plus souvent, comme un chien, la confiance publique revient dès qu’on l’appelle. Parfois, la confiance demeure, alors même qu’elle a été mise à mal ou trahie. Cependant, il semble qu’aujourd’hui, la relation entre les citoyens et les élus se soit sérieusement distendue. La distance se serait creusée au point de faire perdre de vue aux citoyens ce que les représentants ont de commun avec eux. A l’égard de leurs élites, les gouvernés n’éprouvent plus tant une défiance avertie qu’une sorte d’indifférence lasse. La défiance envers les institutions « Tous pourris », corrompus par la nature même du pouvoir, on ne leur en voudrait pas tant à eux, les dirigeants, personnellement, qu’à la structure du système. La célèbre phrase de Lord Acton, en 1887, « Le pouvoir corrompt. Le pouvoir absolu corrompt absolument » serait de mise ici. Où l’on en voudrait moins aux politiques qu’à la position élevée qui leur a permis, naturellement, de succomber aux tentations faciles. Emmanuel Kant écrit ainsi : Détenir le pouvoir corrompt inévitablement le libre jugement de la raison.[1] L’assertion a l’allure d’une maxime, Kant affirmant que l’exercice du pouvoir entraîne nécessairement la corruption du jugement. Gouverner inciterait immanquablement au cynisme et à la domination. Comme si le pouvoir en lui-même sécrétait un principe corrupteur. Loin d’inspirer aux hommes politiques le respect et la grandeur de la tâche qui leur est confiée, la possession du pouvoir ferait automatiquement naître des sentiments désordonnés. Les uns incriminent le présidentialisme de la Ve République, qui pousse aux excès, d’autres l’impartialité de la justice. D’autres encore estiment que l’homme, Nicolas Sarkozy, a fait de la politique à l’ancienne, comme un Jean Tiberi ou un Patrick Balkany, à leur échelle, qui n’avaient rien contre une certaine dose de manœuvres politiques pour mener des campagnes. Pour d’autres encore, la gravité d’un financement libyen est réelle. Tous jugent la peine sévère, emblématique, et assez troublante sur ce qu’elle entend dénoncer : encore une fois, l’exécution provisoire, surtout en l’absence de preuves attestées, ne s’imposait pas. [1] Emmanuel Kant, Paix perpétuelle, Vrin, 1795, p.51. Docteur en science politique, Olivia Leboyer enseigne la science politique à Sciences Po Paris. Elle est l’auteur de l’ouvrage Élite et Libéralisme, (Éditions du CNRS, 2012, prix de thèse de la Maison d'Auguste Comte). Elle travaille sur la confiance, et a notamment publié "La confiance au sein de l'armée" (Laboratoire de l'IRSEM, n°19), “L'énigme de la confiance" et "Littérature et confiance" (co-écrit avec Jean-Philippe Vincent) dans la revue Commentaire (n°159 et 166). Elle est également membre de la commission République démocratique du Laboratoire de la République et critique cinéma pour le webzine "Cult.news".

Le Baromètre de la République édition 2025

le 17 septembre 2025 Le Baromètre de la République
Le premier Baromètre de la République, mené par IPSOS / CESI École d’ingénieurs pour le Laboratoire de la République auprès d’un échantillon représentatif de 1 000 Français, révèle un paradoxe majeur : une forte adhésion des Français aux valeurs et principes républicains, mais la conviction que leur traduction dans la réalité reste insuffisante. Le Laboratoire de la République remercie l'AFER et l'Oréal pour leur soutien à la réalisation de cette étude.
L'étude en intégralité Le Baromètre de la République 2025Télécharger Synthèse du Baromètre de la République 2025 Un consensus autour des valeurs républicaines, mais des écarts dans la réalité vécue par les Français Les Français expriment une adhésion quasi unanime aux valeurs cardinales de la devise républicaine : Liberté : 95 % jugent la notion importante, dont 68 % « très importante ». Égalité : 93 % jugent la notion importante, dont 55 % « très importante ». Fraternité : 89 % jugent la notion importante, dont 46 % « très importante ». Ce consensus traverse les sensibilités politiques. Cependant, la traduction de ces valeurs dans la vie quotidienne est jugée très insuffisante. Seuls 50 % des Français estiment que la liberté correspond bien à la situation actuelle dans la société française, 28 % pour l’égalité et 29 % pour la fraternité. Le décalage est particulièrement marqué pour l’égalité, cœur des attentes sociales. Les principes constitutionnels : une identification forte, une compréhension limitée Les qualificatifs de la République inscrits dans l’article premier de notre Constitution (laïque, démocratique, sociale et indivisible) sont considérés comme essentiels par plus de 85 % des répondants. Toutefois, la compréhension réelle de ces termes reste limitée : près d'un tiers des Français déclarent ne pas en maitriser le sens. La laïcité est interprétée de manière plurielle : 34 % y voient la liberté de croire ou de ne pas croire, 26 % la séparation de l’État et des religions, et 26 % l’interdiction d’expression religieuse dans certains lieux publics. Ces perceptions varient fortement selon les familles politiques. Des valeurs sociales et sociétales largement plébiscitées Le refus de la violence dans la société, le système de protection sociale, le système scolaire public, l'égalité femmes-hommes ou le droit à l'avortement pour toutes les femmes sont jugés essentiels par plus de 90 % des répondants, quelle que soit la sensibilité politique. La justice, le respect et l’honnêteté arrivent en tête des valeurs jugées « très importantes » pour l'ensemble des Français, toutes tendances politiques confondues. Les Français restent attachés à la famille, au travail, à l’ordre ou à la solidarité, même si l’intensité varie selon l’orientation politique. Un jugement sévère sur l’action politique Malgré cette adhésion aux valeurs, les Français estiment que les responsables politiques ne les défendent pas efficacement. Moins d’un citoyen sur deux juge la famille, la laïcité ou la nation bien défendues, et ce chiffre tombe sous les 35 % pour la justice, le respect et l’honnêteté. Ce sentiment traverse l’ensemble de la population, avec une défiance plus marquée hors du bloc macroniste. Les priorités pour l’avenir : cohésion et justice sociale avant tout Interrogés sur leurs priorités, les Français placent en tête : La réduction des tensions dans la société française (incivilités, violence, désinformation), signe d’une inquiétude majeure face à la fragmentation du pays. L’amélioration de la situation économique et sociale (pouvoir d’achat, croissance, chômage). La maîtrise de l’endettement du pays (114% du PIB). Derrière ces préoccupations, se dessine la volonté d’un retour à la cohésion et à la stabilité dans un contexte d’inquiétudes multiples. Présentation du Baromètre de la République lors de l'Université d'été d'Autun le 30 août 2025 Découvrez la présentation du Baromètre de la République lors de l'Université d'été du Laboratoire à Autun par Mathieu Gallard, directeur d'études chez IPSOS BVA, et les réactions de nos Grands témoins, le politologue Pascal Perrineau et le philosophe Pierre-Henri Tavoillot. https://www.youtube.com/watch?v=va-s5MuM8CU Le Laboratoire de la République tient à remercier ses partenaires pour leur soutien à la réalisation du Baromètre de la République :

Conseils municipaux : renouer avec l’engagement citoyen

par Benjamin Morel le 21 août 2025 Etude_conseils_municipaux_LAB-TERRAM
La démocratie municipale s’essouffle. Les conseils municipaux, jadis creusets civiques, peinent à se renouveler tandis que les freins à l'engagement restent nombreux. Pourtant, un potentiel existe dans notre pays : près d’un quart des Français se disent prêts à s’engager en 2026. Comment lever les obstacles ? Notre étude rédigée par Benjamin Morel et réalisée en partenariat avec l’Institut Terram identifie cinq leviers pour renouer avec l’engagement citoyen.
Étude Conseils municipaux - Renouer avec l'engagement citoyenTélécharger L'auteur Benjamin Morel est constitutionnaliste, docteur en sciences politiques à l’ENS Paris-Saclay et maître de conférences à l’université Paris Panthéon-Assas. Il dirige le conseil scientifique de la Fondation Res Publica, est secrétaire général du Laboratoire de la République et membre du comité scientifique de l’Institut Terram. Ses recherches se concentrent principalement sur le fonctionnement du Parlement, les dynamiques des collectivités territoriales et les évolutions du système politique français. Synthèse de l'étude « Conseils municipaux : renouer avec l’engagement citoyen » Une enquête inédite du Laboratoire de la République et de l’Institut Terram, administrée par l’Ifop auprès de 10 000 Français  La démocratie municipale connaît aujourd’hui une érosion multiforme : raréfaction des candidatures, abstention, usure et isolement des élus, inégal accès selon le genre, la classe sociale et le territoire. Jadis creusets civiques, les conseils municipaux butent sur des freins cumulatifs – charge temporelle, inflation normative, déficit de reconnaissance – qui en hypothèquent le renouvellement. L’analyse révèle une mosaïque de vulnérabilités, différenciées selon la morphologie territoriale, et une crise du mandat lui-même. Un potentiel d’engagement sous-exploité Malgré des signes d’essoufflement, un réservoir civique perdure : près d’un quart des citoyens (24 %) se déclarent prêts à se présenter sur une liste en 2026, une proportion stable depuis une vingtaine d’années. Cependant, seuls quelques-uns semblent prêts à passer de l’intention à la candidature effective. Les principaux freins sont le manque de temps (42 %), la lourdeur administrative (41 %), le sentiment d’incompétence (39 %), la difficulté à concilier engagement et vie familiale (38 %), le climat politique local tendu (36 %), le manque de reconnaissance de l’engagement municipal (33 %) et la crainte d’un impact négatif sur la carrière (19 %). Une crise démocratique à géographie variable La crise de l’engagement n’est pas uniforme. Dans les communes rurales, en particulier celles de moins de 1 000 habitants (plus de 60 % des communes françaises), les difficultés à renouveler les listes sont les plus aiguës. Les jeunes quittent massivement ces territoires, tandis que ceux qui restent hésitent à s’engager dans des fonctions exigeantes, peu rémunérées et chronophages. À l’inverse, dans les grandes villes, l’engagement s’apparente souvent à la défense de causes spécifiques mais reste freiné par le manque de temps (52 % des habitants des métropoles) et la complexité institutionnelle. Des freins genrés et sociaux persistants Les femmes ne représentent qu’environ 20 % des maires et, dans les communes de moins de 1 000 habitants, elles n’occupent qu’un tiers des sièges de conseiller municipal. Seules 17 % des femmes interrogées se disent prêtes à envisager une candidature aux élections municipales de 2026, contre 31 % des hommes. Plusieurs freins majeurs expliquent cet écart, en particulier la difficulté à concilier engagement politique, vie professionnelle et charge familiale (46 % des femmes évoquent un manque de temps dans un quotidien déjà chargé, contre 39 % des hommes), mais aussi un sentiment de moindre légitimité (43 % des femmes estiment ne pas avoir les compétences suffisantes, contre 34 % des hommes).  Sur le plan social, l’accès à la fonction municipale demeure biaisé : 19 % des agriculteurs, 12 % des commerçants ou artisans ont déjà été élus, contre seulement 6 % des employés. Le sentiment d’exclusion, la complexité du langage politique local et la faible valorisation des parcours populaires participent à l’autocensure. Néanmoins, la participation associative ou religieuse joue un rôle décisif : plus d’un quart des Français issus de l’immigration extra-européenne ont déjà été élus (27 %), contre 8 % des natifs de parents français. De même, 24 % des personnes de confession juive ou musulmane, 21 % des protestants et 16 % des catholiques pratiquants déclarent avoir déjà été membres d’un conseil municipal, contre 8 % chez les catholiques non pratiquants et seulement 7 % chez les Français sans appartenance religieuse.  Les jeunes, enfin, expriment un désir d’engagement supérieur à la moyenne (29 %, contre 19 % chez les 65 ans et plus), mais rencontrent des obstacles spécifiques : précarité du logement, absence de réseau, incompatibilité avec l’emploi et la vie familiale. Ils sont donc moins enclins à vouloir s’impliquer durablement dans la vie locale : seuls 35 % d’entre eux souhaitent être davantage associés aux décisions communales, contre 41 % chez les aînés. Une promesse républicaine en recul Le modèle républicain de la commune comme premier échelon de la citoyenneté s’effrite. L’accès au mandat et, surtout, ses conditions d’exercice sont de plus en plus inégalitaires : surcharge administrative (principal obstacle cité par 41 % des répondants et 46 % des élus en poste), manque de relais institutionnels, faiblesse de l’indemnisation (particulièrement dans les petites communes), usure démocratique face à la défiance et à la violence croissante. Plus de 13 000 démissions d’élus ont été enregistrées en 2023, un chiffre en hausse continue. Dans les territoires les plus enclavés, les élus assument des fonctions de gestion, de médiation, d’assistance sociale qui dépassent largement leur mandat initial. Les ressorts d’un rebond démocratique Malgré ce tableau préoccupant, des motifs d’espoir subsistent. Le premier moteur d’engagement demeure le désir d’être utile à la commune : près d’un Français sur deux cite le souhait de changer les choses de l’intérieur (47 %) et de contribuer concrètement à la vie locale (45 %). La possibilité de faire entendre la voix des oubliés (46 %), l’envie de faire contrepoids à des décisions jugées injustes (44 %), la volonté de représenter un collectif ou une génération (29 %) ou d’acquérir des compétences nouvelles (28 %) participent aussi de la dynamique d’engagement. Le sentiment d’efficacité politique et la reconnaissance du mandat sont également des leviers puissants. Trois futurs pour la démocratie locale Le délitement progressif : tarissement du vivier civique, multiplication des listes uniques, abstention record et marginalisation du conseil municipal au profit de l’intercommunalité et de la technocratie ;  La rationalisation technocratique : transformation des conseils municipaux en chambres d’enregistrement, montée en puissance de la gestion professionnelle et de la démocratie numérique, mais éloignement du pouvoir et perte du lien de proximité ;  La refondation civique : revalorisation statutaire et symbolique du mandat, soutien aux listes citoyennes, simplification administrative, diversification des formes d’engagement, et ancrage d’une démocratie participative vivante et inclusive. Cinq axes pour revivifier la démocratie municipale Valoriser le mandat municipal : reconnaissance sociale, intégration du mandat dans les parcours professionnels, meilleure visibilité médiatique, campagnes d’information, bonification dans les concours de la fonction publique. Réduire les barrières d’entrée : simplifier les démarches, développer la formation et l’accompagnement des candidats, renforcer les dispositifs de mentorat et de soutien logistique. Encourager la participation sous toutes ses formes : soutien aux listes citoyennes, innovation démocratique (jurys citoyens, budgets participatifs…), implication des jeunes et des publics éloignés de la vie politique. Recréer l’écosystème civique local : densification du tissu associatif, liens intergénérationnels, coopération entre collectivités, universités et acteurs de la société civile. Rééquilibrer les pouvoirs locaux : renforcer l’autonomie et la clarté des responsabilités, garantir des ressources suffisantes, promouvoir la proximité et la responsabilité démocratique. https://youtu.be/vUssnuFiE1c https://youtu.be/9YhR68cwq-M

IA, jeunesse et emploi : un nouveau pacte

par Louis-Charles Viossat le 16 juillet 2025 LC_Viossat_LAB
Alors que l’intelligence artificielle – en particulier l’IA générative – s’impose comme l’une des grandes ruptures de notre siècle, une question décisive se pose : quel avenir réserve-t-elle aux jeunes sur le marché du travail ? Si les promesses de gain de productivité et de création de nouveaux métiers abondent, les premiers signaux d’alerte, notamment aux États-Unis, montrent que cette transition pourrait fragiliser les débuts de carrière, en particulier dans les secteurs les plus exposés. Dans cet article, Louis-Charles Viossat, responsable de la commission République sociale, plaide pour une mobilisation collective afin d’anticiper les risques, renforcer la formation et bâtir un véritable pacte pour garantir aux jeunes une place dans un monde du travail transformé par l’IA.
La diffusion de l’intelligence artificielle, en particulier de l’IA générative, constitue sans doute l’un des bouleversements structurels les plus profonds de ce début de XXIe siècle. Si les jeunes générations en sont les principaux utilisateurs au quotidien, elles pourraient aussi en devenir les premières victimes sur le marché du travail. Plusieurs signaux faibles, notamment aux États-Unis, laissent déjà entrevoir cette possibilité. Il est temps d’agir pour éviter qu’elle ne devienne réalité. Des opportunités nombreuses, mais des signaux d’alerte Les économistes et les organisations internationales, telles que l’OCDE ou l’OIT, ont jusqu’ici abordé l’impact de l’IA sur l’emploi avec un certain optimisme, tant en termes de volume que de qualité. Le rapport Aghion-Bouverot, remis en 2024, conclut ainsi à « un effet positif de l’IA sur l’emploi dans les entreprises qui l’adoptent ». Selon ses auteurs, l’IA remplace des tâches, non des emplois, et seuls 5 % des postes seraient directement substituables dans un pays comme la France. Ils estiment par ailleurs que l’IA créera de nombreux postes, dans des métiers nouveaux comme dans des secteurs existants. Des ajustements seront nécessaires dans certains domaines, mais l’effet global sur l’emploi national ne serait pas négatif. L’Organisation internationale du travail, souvent critique à l’égard des transformations de l’emploi, a elle aussi publié des analyses globalement positives, y compris dans les pays du Sud. Sur le papier, les jeunes, premiers utilisateurs de l’IA, pourraient être les grands bénéficiaires de cette transition. L’IA améliore la productivité des salariés les moins expérimentés, crée de nouveaux usages et, donc, de nouveaux postes naturellement accessibles aux jeunes actifs. Selon une étude récente, 70 % des jeunes Américains de 18 à 25 ans considèrent l’IA générative comme une opportunité pour développer leurs compétences. Mais cet optimisme est aujourd’hui largement tempéré par l’évolution du marché de l’emploi des jeunes aux États-Unis. La Réserve fédérale de New York a récemment publié un rapport faisant état d’une dégradation notable de la situation des diplômés du supérieur au premier trimestre 2025 : le taux de chômage des jeunes diplômés y approche les 6 %, son plus haut niveau depuis 2021. Même les sortants des meilleurs MBA peinent à trouver un emploi. Trois explications émergent dans les analyses américaines. La première est conjoncturelle : les marchés de l’emploi dans la tech, le conseil ou la finance n’ont jamais retrouvé leur dynamique d’avant-Covid, ni même celle d’avant la crise financière de 2008. La deuxième est structurelle : depuis 2010, les diplômes universitaires procurent un avantage moindre sur le marché du travail, comme l’a souligné la Réserve fédérale de San Francisco. La troisième hypothèse, plus préoccupante, met en cause l’effet même de l’IA. Selon un responsable de LinkedIn, les outils de codage assisté remplacent peu à peu les tâches simples qui servaient de tremplin aux jeunes développeurs. Hors secteur tech, les fonctions traditionnellement confiées aux jeunes recrues – rédaction de synthèses, recherches juridiques, saisie et traitement de données – sont elles aussi largement automatisées. Les premiers secteurs touchés seraient la finance et l’informatique, où les gains de productivité liés à l’IA sont les plus marqués. Dario Amodei, PDG d’Anthropic, estime que la moitié des emplois de début de carrière des cols blancs pourraient disparaître d’ici cinq ans, avec un risque de chômage atteignant 10 à 20 %, notamment dans les fonctions routinières ou standardisées – celles précisément occupées par les jeunes actifs. Même sans scénario aussi abrupt, les grandes entreprises technologiques – naguère avides de jeunes talents – privilégient désormais les profils expérimentés. Selon Business Insider, les recrutements de jeunes diplômés dans les grands groupes comme Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft, Nvidia ou Tesla auraient chuté de plus de 50 % depuis 2022. Dans les start-up de la Silicon Valley, la baisse atteindrait 30 % depuis 2019. Certaines directions des ressources humaines inciteraient même leurs équipes à envisager l’option IA avant d’ouvrir un poste. En retour, les jeunes diplômés, anticipant ces mutations, se détournent des carrières autrefois prisées, notamment dans la finance ou la tech. En France, les données précises font défaut, mais l’inquiétude semble elle aussi croître dans les universités et parmi les jeunes diplômés. Agir pour ne pas subir Face à ces bouleversements, l’inaction serait une erreur stratégique. Des réponses existent, mais elles supposent une mobilisation rapide et ambitieuse. Mieux connaître. Il est urgent de mieux suivre l’évolution du marché du travail des jeunes en France. À ce jour, les outils d’analyse ne permettent pas une observation fine, régulière et en temps réel. La mobilisation coordonnée de la statistique publique, en lien avec des acteurs privés comme LinkedIn, les cabinets de recrutement et les DRH, est indispensable. Former massivement. L’enseignement de l’intelligence artificielle doit être significativement renforcé, dès le secondaire et à l’université. Le rapport Villani de 2018 appelait déjà à tripler le nombre de personnes formées en IA, en féminisant les filières, en créant des cursus croisés (droit-IA, par exemple), et en soutenant des parcours de formation du niveau bac+2 au doctorat. Six ans après, le rapport Aghion-Bouverot réaffirme la nécessité de former, sans délai et à tous niveaux, tant les concepteurs de solutions d’IA que leurs utilisateurs ou les citoyens appelés à vivre dans une société augmentée par l’IA. Cela implique également de renforcer les formations STEM (sciences, technologies, ingénierie, mathématiques), notamment pour les jeunes les plus vulnérables, afin d’éviter une nouvelle fracture numérique. Parallèlement, les soft skills – communication, collaboration, créativité, résolution de problèmes – doivent être revalorisées dans les parcours éducatifs. Ces compétences, difficilement automatisables, constituent un levier essentiel d’insertion pour les jeunes. Un pacte pour les jeunes Les employeurs ont, eux aussi, un rôle crucial à jouer. Les jeunes n’attendent pas un monde sans IA, mais un monde dans lequel ils ont leur place. Les entreprises doivent éviter une automatisation brutale, préserver les débuts de carrière et parier sur le potentiel humain. Dans ce cadre, les partenaires sociaux pourraient engager une négociation interprofessionnelle pour bâtir un pacte en faveur de l’emploi des jeunes. Celui-ci pourrait conjuguer des engagements sur l’orientation, la formation, l’accès au marché du travail, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et les conditions de travail. La relation entre l’IA et l’emploi des jeunes ne sera pas univoque. Elle produira des gagnants et des perdants, selon les choix politiques, économiques, éducatifs qui seront faits. La révolution est en marche ; son issue, elle, reste à écrire. L’enjeu dépasse la seule sphère technologique. Il est profondément social.

Référendum : les conditions nécessaires

par Gil Delannoi le 15 juillet 2025 Gil_Delannoi_LAB
Dans une contribution publiée à l’occasion du retour du référendum dans le débat institutionnel, Gil Delannoi, chercheur et professeur à Sciences Po Paris, propose une voie de réforme pragmatique : recourir à plusieurs référendums le même jour pour limiter les effets de personnalisation et recentrer l’attention sur les enjeux de fond. Ce format, encore inédit en France, permettrait de réduire les biais plébiscitaires et d’améliorer la qualité délibérative de cette procédure.
Dans cette note pour Le Laboratoire de la République, Gil Delannoi identifie plusieurs conditions nécessaires à un usage rigoureux et légitime du référendum : formulation impartiale des choix, diversité thématique des questions, effectivité de la mise en œuvre, fréquence raisonnable des consultations, et articulation avec les différents niveaux de décision. Il insiste également sur la nécessité d’un cadre éthique partagé par l’ensemble des acteurs, élus comme électeurs. En clarifiant les modalités d’un bon usage référendaire, cette note entend contribuer à une réflexion renouvelée sur les mécanismes de participation démocratique dans un régime représentatif. Note Référendum Gil Delannoi_Laboratoire_dela_RepubliqueTélécharger

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