Étiquettes : Histoire

« La France est ma seule communauté, mon pays et mon exil »

par Omar Youssef Souleimane le 9 octobre 2023
A l'occasion de la sortie de son dernier ouvrage "Être Français" aux éditions Flammarion, Omar Youssef Souleimane, journaliste, auteur et poète syrien, témoigne de son amour pour la France, pays qui l'a accueilli en lui donnant la nationalité française l'année dernière. Il dénonce la dictature de Bachar al-Assad en Syrie et rend hommage aux Syriens restés sur place qui résistent face au régime violent et assassin.
Omar Youssef Souleimane a quitté la Syrie à cause de sa participation dans la révolution syrienne et de son opposition au régime dictatorial de Bachar-al-Assad. Il nous fait part de son sentiment sur la situation actuelle et sur sa position en tant que réfugié politique. Il nous décrypte le terme de dictature et nous dit qu'il ne faut pas utiliser ce qualificatif pour tout et n'importe quoi. Par exemple, utiliser ce terme pour la France est lourd de sens et innocente en quelque sorte le dictateur syrien. Entretien complet sur notre chaîne YouTube : https://youtu.be/2EOPljSZ4wA

Jeudi 19 octobre : Drame du Haut Karabagh et menaces sur l’Arménie (complet)

par L'équipe du Lab' le 7 octobre 2023
Jeudi 19 octobre, à la Maison de l'Amérique latine, le Laboratoire de la République vous invite à la première étape d’une mobilisation de l’opinion publique face au drame du Haut-Karabakh et aux menaces pesant sur l’Arménie.
Face au drame du Haut-Karabakh et aux menaces pesant sur l’Arménie, le Laboratoire de la République vous invite le 19 octobre prochain à la première étape d’une mobilisation de l’opinion publique. L’objectif de cette initiative est de décrypter les enjeux humanitaires et géopolitiques de la tragédie en cours et de fédérer le plus grand nombre autour de propositions concrètes. En présence de Hasmik Tolmajyan, ambassadrice d’Arménie en France Hovhannès Guévorkian, représentant du Haut-Karabagh Nathalie Loiseau, député européenne Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères à l’Assemblée nationale Tigrane Yegavian, chercheur et auteur, spécialiste géopolitique Jean-Christophe Buisson, journaliste et spécialiste de l’Arménie et de plusieurs associations arméniennes, de nombreux intellectuels et politiques qui s’engagent aux côtés du Laboratoire pour qu’un soutien et des solutions durables s’organisent. Nous croyons en la puissance de la réflexion collective et de l'engagement. Joignez vous à nous pour promouvoir des solutions afin d'apporter un soutien significatif à l'Arménie et à la région du Haut-Karabagh. Quand ? Jeudi 19 octobre, 19h Où ? Maison de l’Amérique latine 217, Boulevard Saint-Germain, 75007 Paris NOMBRE DE PLACES ATTEINT.

Urgence de réactiver les vigilances républicaines face aux extrémismes et aux complotismes

par Jean-Philippe Moinet le 26 septembre 2023
A l'occasion de la sortie de son roman : "Un journal sous influence", Jean-Philippe Moinet, journaliste, fondateur de l'Observatoire de l'extrémisme et fondateur-directeur de la Revue civique, prône la réactivation des vigilances républicaines face aux complotismes et aux extrémismes.
Le Laboratoire de la République : Votre roman est une plongée, assez mouvementée, dans le monde politique et médiatique, à travers un personnage principal, Myriam, grand reporter politique. Pourquoi avoir écrit ce livre ? Jean-Philippe Moinet : Je l’ai d’abord écrit par plaisir, celui qu’offre l’écriture romanesque, qui est une vraie évasion pour l’auteur que je suis et, je l’espère, pour les futurs lecteurs et lectrices. Ensuite, il me tenait particulièrement à cœur de dépeindre de cette manière le « merveilleux » monde politique et médiatique français, que je connais bien et côtoie depuis plus de trente ans, univers particulier avec ses passions (humaines), ses grandeurs (de convictions) et ses (gros) travers aussi. La liberté qu’offre le roman débouche naturellement sur des personnages et des tranches de vie qui relèvent de la totale fiction. Mais certains personnages, comme « Z le xénophobe » et quelques autres se reconnaîtront. Je décris aussi quelques coulisses par exemple de l’Elysée, d’une rédaction d’un grand quotidien national et de certains plateaux TV aussi. Le roman permet de mettre en scène des personnages, des épisodes et des tendances de notre vie publique, il permet aussi de mettre en perspective certaines problématiques, présentes dans notre espace démocratique. Le Laboratoire de la République : Quelles problématiques actuelles avez-vous voulu mettre en perspective ? Jean-Philippe Moinet : Il y en a plusieurs, comme l’éthique journalistique, la probité en politique ou la xénophobie, cette peste – pour reprendre le mot camusien – qui a tendance à dangereusement se propager dans l’espace public. J’avais amorcé l’écriture de ce livre il y a plus de dix ans, à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy, Président auprès duquel sévissait un ex-lepéniste (proche de Jean-Marie Le Pen), Patrick Buisson, mu en « sondologue » très influent, au point où le chef de l’Etat d’alors l’avait intronisé à l’Elysée et parlé de lui comme de son « hémisphère droit » ! C’est le même homme qui, depuis 25 ans, militait pour une acception très particulière, racialiste, de « l’identité nationale » française. J’ai donc amorcé l’écriture de ce roman à cette époque, puis j’ai mis mon manuscrit de côté pendant des années. Je l’ai repris en 2022, finalisé en janvier 2023. Et j’avoue que je n’imaginais pas que ma fiction serait à ce point rattrapé, l’été dernier, par l’actualité ! La crise du JDD en particulier a marqué, à mes yeux, une bascule historique, grave et inquiétante. Ce titre, depuis 75 ans, était lu et apprécié le dimanche à la fois par des lecteurs de droite, de gauche et d’autres qui ne s’inscrivent pas dans un quelconque camp politique. La direction de ce titre a été confiée à une personne, Geoffroy Lejeune, licenciée en 2023 de la direction de la rédaction d’un hebdomadaire déjà classé à l’extrême droite pour avoir opéré une dérive idéologique allant à l’extrême droite de l’extrême droite ! Et il est venu, en août dernier, prendre la direction de ce grand journal, entouré notamment d’une proche collaboratrice elle-même passée par le journal « Présent », qui est dans le noyau le plus dur de l’extrême droite, à tendance raciste, antisémite et révisionniste. Du jamais vu depuis la fin de la deuxième guerre mondiale en France. Cela dit évidemment quelque chose d’inquiétant concernant les dérives de notre paysage politique et médiatique. Où l’on voit par exemple un Eric Zemmour, utiliser des thèses complotistes – celle du « grand remplacement » par exemple  - sans le moindre scrupule, alors que ces thèses insensées étaient, il y a quelques années encore, cantonnées aux marges de notre vie publique. Le même polémiste xénophobe professionnel et ses amis (où l’on retrouve Geoffroy Lejeune) – polémiste que je décris précisément dans mon livre – osant aussi prétendre que le régime collaborationniste de Pétain « a sauvé les juifs » de France, ceci contre les plus grands travaux d’historiens et contre tous les témoignages des rescapés des camps de la mort et de leurs familles, documentés par exemple au Mémorial de la Shoah. Nous assistons actuellement à des basculements de notre mémoire collective et de la conscience historique, dont il faut fortement se méfier. Parce que ce sont les mêmes qui trahissent les réalités historiques, qui en viennent à nier les réalités d’aujourd’hui, qu’il s’agisse des actuels crimes de guerre de Poutine en Ukraine ou des réalités sociales ou sociétales, totalement caricaturées, par exemple en ce qui concerne les migrations, qui n’ont rien à voir avec une quelconque « invasion », contrairement à ce que prétend bruyamment la propagande déversée par l’extrême droite sur les réseaux sociaux mais aussi sur certaines grandes ondes et maintenant dans certains journaux grands publics.  Mon livre évoque ces enjeux devenus très (et trop) actuels. Une manière, par le roman, de s’en prémunir. Le Laboratoire de la République : Mais le roman est-il une bonne manière de traiter ces sujets importants ? Jean-Philippe Moinet : Je pense, au stade d’expériences que j’ai pu accumuler par exemple en matière d’écriture journalistique, qu’il n’y a pas de mauvaises manières ou de mauvais registres pour traiter des sujets, y compris les plus sérieux ou les plus importants. Ce roman évoque d’ailleurs bien d’autres choses, bien plus légères, des histoires d’amours, des traits d’humour, une intrigue totalement fictive autour d’une affaire politico-financière de dimension internationale qui secoue au plus haut niveau de l’Etat, et dans laquelle interfèrent des services de renseignements pouvant être instrumentalisés. L’évasion romanesque est un beau transport de l’esprit humain, je m’y suis attelé avec plaisir certain et un certain goût, qui ne fait sans doute que commencer pour moi. Et oui, je pense que pour aiguiser une vigilance républicaine, dont notre époque a grand besoin, oui, le roman peut aussi faire partie des bons moyens pour transmettre à la fois les fruits d’une expérience et des messages utiles pour l’avenir.   Son entretien à voir sur notre chaîne Youtube : https://youtu.be/lc8WweBRgwU Entretien avec J.P. Moinet : Réactiver les vigilances républicaines

Mardi 26 septembre : « La Constitution a déjà 65 ans ». Secrets de sa longévité et voies de la jouvence

le 21 septembre 2023
Mardi 26 septembre, le Laboratoire de la République vous invite à une conférence exceptionnelle avec Jean-Michel Blanquer, Noëlle Lenoir et Alain Laquièze pour l'anniversaire de la Constitution qui fête ses 65 ans.
Avec: Jean-Michel Blanquer, président du Laboratoire de la République Noëlle Lenoir, ancienne ministre des affaires européennes et ancienne membre du Conseil constitutionnel Alain Laquièze, professeur de droit public à l'Université Paris Cité En 1958, lorsque la Constitution de la Vème République a été adoptée, un grand scepticisme régnait sur sa capacité à survivre après la disparition de son principal initiateur, le général de Gaulle. A fortiori, on n’imaginait pas qu’une république consacrant un pouvoir présidentiel fort pourrait exister durablement en France. Soixante-cinq ans après sa fondation, la Vème République est toujours bien vivante, ce qui en fait désormais le régime politique le plus long ayant existé depuis 1789. Une réflexion mérite d’être engagée sur les raisons de cette longévité. Parmi elles, on peut citer les modifications du texte constitutionnel, dont la célèbre révision de 1962 qui institue l’élection du président au suffrage universel direct, ainsi que la plasticité d’une loi fondamentale qui a autorisé des pratiques différentes allant d’un présidentialisme affirmé aux cohabitations redonnant un poids substantiel au couple Premier ministre/majorité parlementaire. Malgré ses succès indéniables, qu’il s’agisse de la stabilité politique qu’elle a pu créer et de sa résilience dans un environnement européen et international en grande mutation, la Constitution française suscite aujourd’hui de nombreuses interrogations sur sa capacité à assurer une réelle expression démocratique. L’opinion publique exprime d’ailleurs une défiance croissante à l’égard des institutions nationales et une partie non négligeable de la classe politique rêve d’un grand soir constitutionnel autour d’un mot d’ordre, la VIème République. La question se pose donc de savoir si nos institutions politiques sont encore adaptées aux besoins d’une population en quête d’une participation accrue et refusant la verticalité d’un pouvoir perçu comme éloigné des préoccupations quotidiennes des citoyens. Les réponses à cette interrogation sont sans doute multiples et peuvent s’inscrire sur un large spectre, de la défense du statu quo constitutionnel au changement de régime politique, en passant par des réformes ponctuelles. C’est cet inventaire du bilan et des pistes éventuelles d’amélioration constitutionnelle que cette table ronde se propose d’étudier. Pour vous inscrire, cliquez ici

Chili : 50 ans d’un coup d’Etat qui divise toujours la société

par Carlos Quenan le 13 septembre 2023
Le 11 septembre 2023, le Chili a commémoré les cinquante ans du coup d'Etat militaire du général Pinochet, qui fut suivi d'une longue et sanglante dictature, un événement qui continue de diviser les Chiliens. Sans avoir jamais été jugé, Augusto Pinochet est mort d'une crise cardiaque en 2006 à l'âge de 91 ans. Les heurts apparus dimanche montrent un Chili divisé entre les défenseurs et les détracteurs de la dictature. Perspectives sociétales et historiques avec Carlos Quenan, professeur à l'Institut des Hautes Etudes de l’Amérique latine (IHEAL), à la Sorbonne Nouvelle et vice-président de l'Institut des Amériques.
Le Laboratoire de la République : Comment le coup d'Etat de 1973 est aujourd'hui perçu par la société chilienne ? Quelle influence sur la politique nationale ? Carlos Quenan : Le coup d’Etat de 1973 était une rupture du point de vue de l’évolution démocratique de ce pays, dans une société chilienne très polarisée et dans un contexte international également polarisé à cause de la Guerre froide et de la rivalité entre les Etats-Unis et l’URSS. La perception des Chiliens sur le coup d’Etat est passée par différentes étapes. A l’heure actuelle, la société chilienne est encore polarisée avec un climat politique très volatil. A la fin de la dictature de Pinochet en 1990, le pays était davantage prospère qu’en 1973 à la suite des réformes économiques libérales mises en place par un groupe d’économistes connus comme les « Chicago boys ». Le Chili était dynamique du point de vue économique et caractérisé par une diminution de la pauvreté mais beaucoup plus inégalitaire que par le passé.  Le retour à la démocratie s’est produit grâce à un référendum gagné par l’opposition à la fin des années 1980. Dès lors, le pays a connu une transition démocratique sous contrôle militaire (ex : la présence de représentants des Forces Armées au Sénat). On assiste entre 1991 et 2008 à une longue période de gouvernements dite de la « Concertation », un groupement des forces de centre-gauche, où, toujours dans le cadre de la constitution de 1980 héritée de la dictature militaire, l’économie continue à être très dynamique mais toujours fort dépendante des exportations primaires. Entre la fin des années 2000 et le début des années 2020, on assiste à une double alternance où se succèdent à deux reprises les gouvernements dites de la « Concertation » de la Présidente Bachelet (centre gauche) et du Président Piñera (droite). L'année 2019 marque un point d’inflexion avec l’émergence de manifestations massives exprimant un rejet de la hausse du coût de la vie et en faveur de reformes démocratiques. Ce mouvement a débouché sur la proposition d’une réforme de la constitution qui semblait s’orienter vers la prise en compte, notamment, de la préservation de l’environnement et la réduction des inégalités. La prospérité connue par le pays pendant plusieurs décennies a eu des effets tangibles : alors qu’au milieu des années 1970, le PIB par habitant du Chili représentait 15% du PIB par habitant des Etats-Unis, au début des années 2020, le PIB par habitant du Chili constituait presque 50% de celui des Etats-Unis. Toutefois, les manifestations de 2019 ont exprimé une considérable insatisfaction à l’égard de la répartition des fruits de la croissance économique. Ainsi, en 2020, par une consultation populaire, près de 80 % de la population ont souhaité la formation d’une assemblée constituante. Cependant, deux ans après, 62 % des Chiliens n’ont pas soutenu le texte qui devait remplacer celui hérité de la dictature de Pinochet. En outre, la dernière élection présidentielle a vu le candidat de gauche gagner – Gabriel Boric, très jeune, ex-dirigeant étudiant très actif dans les mouvements de contestation évoqués précédemment- mais 45% des voix sont allées vers le candidat d’extrême droite, José Antonio Kast, qui exprime une nostalgie de la période de Pinochet. En somme, le coup d’Etat de 1973 est critiqué par une partie importante de la société, néanmoins, une autre partie reste nostalgique de cette période qui avait marqué le début d’une période d’« ordre » et de prospérité économique. Dans le cadre de la post-pandémie et d’un affaiblissement de la croissance économique, cette nostalgie est renouvelée et nourrie par un courant qui gagne du terrain dans les opinions publiques et qui exprime une perspective de droite extrême dans la région latino-américaine voire dans le monde occidental. Dans ce sens, le cas le plus paradigmatique a été celui au Brésil avec l’arrivée au gouvernement de Bolsonaro. La démocratie n’est pas en danger au Chili. Depuis la fin de la dictature de Pinochet, il y a un rejet des violences pour résoudre les conflits politiques. Cependant, les mesures de l’opinion publique dans ce pays et dans l’ensemble de la région latino-américaine montrent un recul de l’adhésion de la démocratie, ce qui est inquiétant. Le Laboratoire de la République : Le Chili a-t-il marqué un changement dans la politique interventionniste américaine ? Quel héritage aujourd'hui dans la politique des Etats-Unis ? Carlos Quenan : A la différence d’autres cas que nous avons connu au XXème siècle, notamment en Amérique centrale, où les Etats-Unis étaient impliqués directement dans les coups d’Etat et le renversement de gouvernements en place, dans le cas du Chili il n’y a pas eu de participation directe des Etats-Unis. Certes, dans le contexte de la Guerre froide, les Etats-Unis ont soutenu les Forces Armées chiliennes lors du coup d’Etat de 1973. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, une ingérence directe « à l’ancienne » des Etats-Unis semble révolue même si ce pays exerce, toujours, une influence très importante dans la région latino-américaine et caribéenne dans laquelle on constate, comme dans d’autres continents, une présence croissante de la Chine. Mais, même dans le cas de gouvernements se montrant clairement hostiles aux Etats-Unis – par exemple, le Nicaragua ou le Venezuela –, le recours à la force semble exclu. Le Laboratoire de la République : Le peuple chilien a relevé pacifiquement sa démocratie après la période Pinochet. Quel enseignement peut-on tirer de l'exemple chilien alors que des coups d'Etat se multiplient en Afrique ? Carlos Quenan : Les situations de ces deux continents sont difficilement comparables. La région latino-américaine, constituée majoritairement par des pays à revenu intermédiaire, est bien plus développée que l’Afrique. Les sociétés civiles y sont assez actives même si la polarisation s’installant dans des nombreux pays dégrade le débat public. En Afrique, il y a une grande instabilité politique dont on a la preuve avec les évènements récents et une intensification ouverte des rivalités hégémoniques sur le plan géopolitique avec une présence croissante de la Russie et de la Chine. En revanche, en Amérique latine, le cycle des coups d’Etat militaires semble révolu même s’il y a une certaine désaffection vis-à-vis de la démocratie. L’apparition de mouvements et forces prenant appui sur cette situation constituent des menaces qu’il faut prendre au sérieux. Les expériences du passé au Chili et dans d’autres pays latino-américains qui ont subi des dictatures militaires entre les années 1960 et 1980 ont conduit à un considérable degré de maturité démocratique. Cinquante ans après le coup d’Etat au Chili, l’émotion des exilés politiques installés en France (lemonde.fr)

Rébellion du groupe Wagner contre Moscou, un semblant de coup d’état ?

par Christian Lequesne le 29 juin 2023
Vendredi dernier, Evguéni Prigojine et son groupe paramilitaire russe Wagner sont entrés en rébellion armée contre Moscou après avoir accusé l'armée russe d'avoir mené des frappes meurtrières sur des camps de ses combattants. Christian Lequesne, ancien directeur du CERI, professeur de sciences politiques à Sciences Po Paris et membre du comité scientifique du Laboratoire de la République, analyse ce soudain revirement de situation qui n'a duré que vingt-quatre heures mais qui a remis en cause l'invulnérabilité de Vladimir Poutine.
Le Laboratoire de la République : Complot intérieur, machination des services secrets, diversion militaire…Près d’une semaine après les faits, quel sens donner à l’évènement ? Christian Lequesne : Il est difficile de lui donner un sens définitif. On s’interroge encore. Mais il semblerait que l’enjeu fut pour le chef des Wagner, Prirogine, de résister à l’absorption de ses mercenaires dans les troupes du ministère de l’Intérieur. D’où les mots très durs pour le ministre de la Défense, Choïgou, et pour le chef d’état major, le Général Guerassimov. Certains officiers n’aimant pas ces deux derniers, comme le Général Sourovikine, en ont profité pour appuyer Wagner. Ils reculent aujourd’hui, car Poutine est en train de reprendre la situation en mains. Le Laboratoire de la République : C’est la première fois depuis son arrivée au Kremlin que le pouvoir de Vladimir Poutine vacille. L’échec de Wagner va-t-il selon vous l’affaiblir ou au contraire le renforcer ? Christian Lequesne : Il est évident que c’est un affaiblissement. Dans un pays qui continue d’entretenir le culte du chef à la tête de la nation, toute contestation du chef se transforme en diminution de pouvoir. D’où la forte présence médiatique de Poutine depuis quelques jours sur le front de la guerre. Il commente les avancées russes, les pertes militaires etc. avec un sens du détail nouveau. Tout ceci pour bien montrer à l’opinion russe qu’il contrôle la situation. Il ne serait pas étonnant qu’il décide de faire monter la pression en termes de terreur. L’attaque du restaurant à Kamarotsk, qui a fait 10 morts et 61 blessés, peut être lu ainsi. Le Laboratoire de la République : Evgueni Prigojine pourrait-il jouer un rôle dans les mois ou années à venir en Russie ?  Christian Lequesne : Difficile à dire avec précision. Il est semble-t-il réfugié à Minsk où le président biélorusse l’aurait accueilli avec l’idée de jouer un rôle de médiateur avec Poutine. Les Wagner sont retournés au combat. Poutine, après avoir fustigé les traitres, a dit qu’il n’y aurait pas de poursuite. Prirogine à mon avis n’aura pas de rôle dans l’appareil d’Etat mais continuera à monayer ses services en faisant monter un peu les enchères. N’oublions jamais que derrière Wagner, il n’y a pas que des sentiments nationalistes. Il y aussi des intérêts financiers qui se traduisent en espèces sonnantes et trébuchantes pour leur chef. L’accès accru aux ressources minières en Afrique peut être une compensation. Le Laboratoire de la République : Comment pourrait finir le règne de Poutine ? Le scénario du putsch militaire est-il le plus probable ? Christian Lequesne : Je n’y crois pas de la part des militaires de l’armée régulière, mais de la part d’un groupe mercenaire comme Wagner, personne ne peut l’exclure. C’est dans le fond ce que Prirogine a tenté, sans que nous sachions s’il était décidé à aller au bout ou s’il voulait simplement faire monter la pression pour négocier son indépendance. Je pense que dans un pays comme la Russie, une « révolution de palais » n’est jamais à exclure, mais je verrai cela plutôt comme le fait de certains politiciens qui considèreraient Poutine « épuisé » en association avec des officines de renseignement. Mais une fois encore, je ne crois pas que nous en soyons là, comme la reprise en mains par Poutine l’a montré. Ce scénario serait plus probable si l’offensive ukrainienne réussissait à reprendre de grandes parts de territoire, donnant l’impression au peuple russe que le pays perd vraiment la face. Pour l’instant, une bonne partie de l’opinion russe, abreuvée par la seule télévision d’Etat, continue de croire que la Russie va gagner contre les fascistes ou les néonazis.

Le Laboratoire
de la République

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