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Défis et perspectives pour l’Union européenne : Analyse préélectorale

par Sylvain Kahn le 12 avril 2024 Parlement_européen_Strasbourg
À l'approche des élections européennes, le paysage politique de l'Union européenne (UE) se dessine avec des nuances et des défis qui captent l'attention. Dans cette entrevue avec Sylvain Kahn, professeur à Sciences Po, chercheur au Centre d’histoire de Sciences Po et spécialiste des enjeux européens, nous abordons les dynamiques préélectorales et les questions cruciales qui pèsent sur l'avenir de l'Europe. Alors que la montée de l'extrême droite et des eurosceptiques alimente les craintes d'un Parlement européen potentiellement bloqué, nous plongeons dans les défis démocratiques, la question de l'identité européenne et les enjeux géopolitiques qui façonnent le débat actuel. Sylvain Kahn offre des perspectives éclairantes sur les moyens de revitaliser l'engagement citoyen, la nécessité d'une défense européenne cohérente et les implications de l'UE dans la crise ukrainienne.
Le Laboratoire de la République : Lors des prochaines élections, nous nous attendons à une forte poussée de l’extrême droite et des eurosceptiques. Pensez-vous qu’il existe un danger d’un Parlement européen bloqué ou dominé par l’extrême droite pouvant entraîner des lourdes conséquences sur l’avenir de l’Europe ? Sylvain Kahn : La mobilisation, dans cette campagne, de la famille des droites radicales et extrêmes est en elle-même une nouveauté relative : on l’avait déjà constaté il y a cinq ans. Lors des décennies précédentes, les formations de cette famille cherchaient peu à structurer leur combat à l’échelle de l’Union européenne (UE), en raison de leurs nationalismes respectifs et de leur détestation de toute vie politique transfrontalière et supranationale. Ce faisant, les prochaines élections européennes cristallisent de façon nette des lignes de front qui, au fil des scrutins nationaux, ont bougé par petits bouts et petites touches depuis quinze ans. En effet, la famille des droites radicales et extrêmes – qu’elles soient nationalistes, ultraconservatrices ou antisystèmes –  se caractérise traditionnellement par son rejet de la construction européenne. Celui-ci se nourrit de la sacralisation de la souveraineté nationale (il ne peut y avoir qu’une souveraineté : celle de l’État-nation) et de la détestation des élites. Dans l’idéologie souverainiste de droite radicale et extrême, tous les acteurs de la vie politique dite “bruxelloise” sont ainsi frappés d’un double stigmate. Pourtant, l’actuelle campagne électorale européenne témoigne au grand jour d’une évolution majeure : les droites radicales et extrêmes ne font plus de l’Union européenne une entité à fuir ou à détruire, mais une ressource à utiliser de l'intérieur pour faire gagner du terrain à leurs valeurs et pour déployer leurs programmes politiques. Cette évolution est en fait plus notable et plus profonde que les spéculations sur un raz-de-marée électoral de cette famille qui, bien que guetté et annoncé dans de nombreux commentaires, ne se produira pas en mai 2024. En effet, pour qu’un raz de marée ait lieu, il faudrait que la dynamique électorale soit analogue dans au moins 18 ou 19 des 27 pays de l’UE. Or ce n’est jamais le cas. Les agrégateurs de sondages qui, comme europe elects font un travail remarquable en libre accès le confirment : dans les projections à 2 mois du scrutin, le groupe CRE, souverainiste, très conservateur et atlantiste, pourraient gagner 15 à 20 sièges ; le groupe ID, anciennement europhobe, xénophobe, antisystème et russophile autour de 10. Cette famille des droites radicales et extrêmes passerait de moins d’un cinquième des sièges à un petit quart de l’hémicycle européen. Et resterait divisée en deux groupes parlementaires bien spécifiques, celui qui travaille (CRE) et celui qui n’investit pas le travail parlementaire (ID). Le Laboratoire de la République : Quels sont, selon vous, les principaux défis que l'Union européenne doit relever pour mieux engager les citoyens européens dans le processus démocratique européen ? Existe-t-il une identité citoyenne commune européenne ? Sylvain Kahn : Si les pouvoirs du Parlement européen (PE) n’ont cessé de croître depuis 1979, année de sa première élection au suffrage universel, l’assemblée de Strasbourg demeure un parlement atypique si on le compare à l’idéal-type du parlement dans une démocratie représentative. En effet le PE, d’une part, n’a aucun pouvoir constituant : il est juridiquement exclu de la rédaction des traités qui instituent l’Union européenne ; celle-ci demeure de la compétence exclusive des États membres, dans le cadre d’une instance ad hoc, la conférence intergouvernementale (CIG).  D’autre part, le PE ne vote pas les recettes du budget de l’UE. Il s’agit pourtant, comme le dit l’adage no taxation without representation, de l’acte parlementaire par excellence en régime représentatif. C’est le parlement des États, dans sa formation la plus récurrente, à savoir le Conseil de l’Union européenne, et dans sa formation la plus emblématique, le Conseil européen, qui en décide seul. Cette modalité de décision est cohérente avec le fait que l’essentiel des recettes qui abondent le budget européen sont des contributions nationales prélevées sur les recettes fiscales des États membres, et que ces contributions sont donc votées par les représentations nationales lorsqu’elles votent le budget. Au vu de l’importance politique et symbolique prise par l’échelle européenne lorsqu’il s’agit de définir les politiques publiques ; considérant que le Parlement européen est co-législateur de ces politiques ; parce que ce parlement est élu au suffrage universel direct, et qu’il est non seulement logique mais important de ne pas dévaloriser l’exercice du suffrage universel et du droit de vote, il serait cohérent d’une part de donner au Parlement européen des prérogatives de co-législateur dans ces deux registres élémentaires du régime représentatif que sont la révision des Traités et la détermination du budget de l’UE ; et d’autre part de procéder à l’élection directe de deux sénateurs par État membre au Conseil ou de faire désigner ces deux membres par les parlements nationaux. La moins mauvaise façon d’engager les citoyens dans les politiques publiques européennes est d’en éloigner le plus possible les corporatismes étatiques qui ont tant de mal, fonctionnellement, à se représenter l’intérêt général européen. Ce ne sera pas suffisant, mais ce sera déjà beaucoup. Le Laboratoire de la République : La dissuasion et le renforcement du soutien à l'Ukraine seront des sujets clés lors de la campagne des élections européennes, ainsi que la question de la défense européenne face aux menaces géopolitiques. Pensez-vous que ce sujet appartient à l’Union européenne ? Sylvain Kahn : Comme européaniste, mon métier est de caractériser ce fait social global qu’est l’Union européenne et de comprendre la vie politique dans ce pays des Européens qu’est l’UE. Il s’agit de nommer cette réalité par-delà les stéréotypes et des avis tranchés et affectifs si fréquents sur l’UE. Cette invasion de l’Ukraine par la Russie est pour les Européens un ébranlement. Ils partagent près de 2300 km de frontières avec la Russie dont l’enclave de Kaliningrad qui, avec ses silos de missiles à têtes nucléaires, est située sur le territoire de l’UE, entre la Lituanie et  la Pologne, et en face de la Suède toute proche par la mer Baltique ; et près de 1300 km avec l’Ukraine qui était déjà un pays juridiquement associé à l’UE en 2022 ! Les Européens ont été amenés à prendre conscience de ce qu’ils ont construit ensemble face à l’altérité radicale, à leurs frontières, de la Russie. Celle-ci a déclenché une guerre pour arriver à ses fins, alors que les Européens, eux, ne se la font plus depuis trois générations et le lancement de la construction européenne en 1950, une bifurcation historique très profonde. La politique de l’UE de soutien à la défense de l’Ukraine est-elle approuvée par les citoyens européens ? Oui, c’est le cas, nous disent les enquêtes eurobaromètres réalisées tous les six mois dans toute l’UE comme les sondages réalisés pour différents think-tanks sur des échantillons plus réduits. D’ores et déjà, ce soutien net permet d’observer d’une part qu’il y a une opinion publique européenne et d’autre part qu’il y a une demande pour une politique régalienne à l’échelle de l’UE. Par conséquent, le sujet appartient de fait à l’UE, c’est-à-dire, rappelons-le, à une association d’États-nations s’étant mis d’accord pour mobiliser la supranationalité et la Commission européenne pour mettre en œuvre des politiques publiques qu’ils déploient ensemble sur leurs territoires. C’est compliqué car il y a autant d'industries de défense qu’il y a d’États-nations en Europe - ou presque. Les Européens soutiennent l’idée d’une défense européenne, mais on ne débat pas des modalités et des formes pratiques et concrètes que cette idée pourrait prendre. C’est un désir, ou une idée qui demeure abstraite. Ce que disent les analyses académiques, c’est qu’une défense européenne sera une politique européenne de l’industrie de défense ou ne sera pas. Publié en 2024 par l'auteur : L'Europe face à l'Ukraine, PUF "Dans la guerre d'Ukraine, l'Union européenne se révèle-t-elle comme l'Etat des Européens ?", in Claudia Sénik dir., Un monde en guerre, La Découverte, p. 117-135  “La guerre d’Ukraine révélateur du choix de l’UE pour l’influence contre la puissance”, L’Information géographique, vol.88, mars 2024, p.90-105. Publié en 2023 par l'auteur : "Should Europe disturb historians? On the importance of methodology and interdisciplinarity" , p. 124-133, First Published: 03 August 2023 , European law journal, Volume 28, Issue 4-6 ,  July-November 2022 "Les cultures territoriales de l'Union européenne et des Etats membres : une influence réciproque", in Sylvia Brunet dir., Population, temps, territoires, les évolutions territoriales entre résilience et innovation, Collection : Les dossiers des Annales de droit, Presses universitaires de Rouen et du Havre , juillet 2023, pp.131-159

COMPLET – Mardi 30 avril : Une géopolitique de la démocratie en Orient : Arménie, Israël et Kurdistan

par L'équipe du Lab' le 4 avril 2024
Le Laboratoire de la République vous invite à une Conférence le mardi 30 avril 2024 à l'Assemblée nationale sur l’urgence d’une géopolitique de la démocratie au Moyen Orient et dans le Caucase.
Le Laboratoire de la République vous invite à une Conférence le mardi 30 avril 2024 à l'Assemblée nationale sur l’urgence d’une géopolitique de la démocratie au Moyen Orient et dans le Caucase. Cet événement rassemblera experts, décideurs politiques et acteurs de la société civile pour débattre des défis auxquels sont confrontés les forces démocratiques de la région, en mettant plus particulièrement en lumière les cas de l'Arménie, d'Israël et du Kurdistan. Seront interrogés les perspectives d’élargissement des alliances, les liens avec les pays qui s'inscrivent dans une logique de paix et le soutien aux oppositions des régimes hostiles au modèle démocratique. Interviendront notamment : Jean-Michel Blanquer, ancien Ministre de l’Éducation nationale, président du Laboratoire de la République ; Eric Danon, ancien ambassadeur de France en Israël de 2019 à 2023 ; Frédéric Encel, essayiste et géopolitologue ; Patrice Franceschi, écrivain, spécialiste de la région ; Anne-Laurence Petel, députée et présidente du groupe d’amitié France-Arménie ; Hasmik Tolmajian, Ambassadrice d’Arménie en France ; Tigrane Yegavian, journaliste et chercheur au Centre français de recherche sur le renseignement ; ... et plusieurs parlementaires impliqués sur ces sujets régionaux. Pour vous inscrire, cliquez-ici Veuillez noter les informations importantes suivantes : Pièce d'identité obligatoire : L'accès à l'Assemblée nationale nécessite la présentation d'une pièce d'identité en cours de validité. Heure d'arrivée : Pour permettre le passage par les contrôles de sécurité, nous vous prions d'arriver à 17h30. Inscription obligatoire : Afin de faciliter votre accès à l'enceinte de l'Assemblée nationale, veuillez noter que l'inscription préalable est obligatoire. Lors de votre inscription, veuillez fournir votre nom, prénom, date et lieu de naissance. Nous vous remercions de votre compréhension.

Grand concours de plaidoyers à Lyon

par L'antenne de Lyon le 4 avril 2024
Mercredi 3 avril, à Lyon, de jeunes participants ont brillé en défendant leurs idées et positions. Ils ont démontré ainsi leur engagement. Cet évènement témoigne de la nécessité de donner la parole à la jeunesse et d'écouter des positions "plurielles".
L'éloquence et la fougue se sont déployées à Lyon ce 3 avril à l'occasion d'un concours de plaidoyers portant sur les 4 valeurs de la République, indivisible, sociale, démocratique et laïque. L'événement a été co-construit avec le Parlement des Étudiants et Les Engagés : 12 prises de paroles se sont succédées pour défendre, expliciter et argumenter des caractéristiques singulières de la République française. Ces artificiers de la vérité républicaine ont fait preuve d'un engagement et d'argumentaires puissants et originaux face à un auditoire qui a rassemblé une centaine de personnes. Le prix de la meilleure plaidoirie a été décerné à Adan Manceau pour sa défense passionnée de la République indivisible. https://youtu.be/D00MvMUkGtE?feature=shared

Mercredi 3 avril : Concours de plaidoyers à Lyon !

par L'antenne de Lyon le 26 mars 2024 event-Lyon
Mercredi 3 avril, le Laboratoire de la République, avec les Engagés de Lyon et le Parlement des Etudiants de Lyon, organise un concours de plaidoyers pour les étudiants à Lyon ! Venez débattre et apporter vos arguments sur les thématiques des 4 commissions du Laboratoire.
Ce concours gratuit s'adresse aux étudiants et étudiantes de Lyon, offrant une tribune unique pour exprimer votre vision sur l'une des quatre thématiques : La République indivisible La République laïque La République sociale La République démocratique Chaque participant et participante aura l'opportunité pendant 5 minutes, d’explorer et défendre l'un des sujets. Participez à ce concours afin de présenter et défendre vos idées en faveur de la République. À l'inverse d'un concours d'éloquence traditionnel, l'accent sera mis sur le fond de votre plaidoyer, jouant un rôle déterminant dans la sélection du lauréat. Le JURY: Jean-Michel BLANQUER : ancien ministre et Président du Laboratoire de la République Nina BOUFFET : Présidente des Engagés! Lyon Laetitia OLMOS : Directrice Auvergne Rhône-Alpes Simplon.co Thierry TABOY Head of Human Rights Issues Orange Lucas VALASTRO Président du Parlement des Étudiants de Lyon S'inscrire à l'évènement

Tribune : Fahimeh Robiolle évoque les élections législatives iraniennes du 1er mars

par Fahimeh Robiolle le 6 mars 2024 dessin_urne_drapeau_Iran
Fahimeh Robiolle, ancienne ingénieure franco-iranienne, enseigne la négociation et la gestion des conflits. Militante des droits des femmes en Afghanistan et en Iran, elle prône la paix et l'émancipation. Autrice de "Femme, Vie, Liberté Parlons-en" (sept. 2023) sur les luttes des femmes iraniennes, elle nous fait part de son analyse dans une tribune.
Un non historique du peuple ? Un référendum ? Une gifle pour le régime à la suite de l’élection (une mascarade organisée) ? Ou l’aboutissement du projet de Khamenei ? 1) Le Parlement : Après la révolution islamique de 1979, en 1980, quand la législature iranienne devient monocamérale, le « Madjles » (Assemblée consultative islamique) en est le seul corps législatif. Les sièges, au nombre de 290, sont pourvus pour quatre ans. Sur les 290, 285 sont pourvus au scrutin majoritaire à deux tours dans des circonscriptions comportant un ou plusieurs sièges en fonction de leur population. Les cinq sièges restants sont réservés et ont pour vocation à représenter les minorités confessionnelles reconnues à raison d'un siège chacun pour les Zoroastriens, les Juifs, les Chrétiens chaldéens et assyriens, les Arméniens du nord du pays et du sud. Le président actuel est Mohammad Ghalibaf qui est aussi membre du corps des gardiens de la révolution (CGRI ou IRGc). 2) L'Assemblée des Experts : Crée le 14 juillet 1983, elle est composée de 88 membres religieux élus pour huit ans au suffrage universel direct. Elle est chargée de nommer, de superviser et éventuellement de démettre le guide suprême. Avant les élections : Côté régime, tous les organes de l’état se sont mobilisés afin que les Iraniens aillent voter en masse et les encouragements du régime n’ont pas arrêté. Ali Khamenei, le guide suprême, n’a pas cessé de faire des déclarations au-delà de ses discours habituels les vendredis pour inviter les Iraniens à participer aux élections. Il disait que ne pas voter « amènerait de l’eau au moulin des ennemis du peuple iranien et de l’islam » et que « aller voter était mieux que de ne pas aller voter ». Le régime craignait : Un taux d’absentéisme record compte tenu ce qui se passe en Iran depuis 4 ans et plus particulièrement depuis 2 ans avec une situation économique gravissime, une inflation galopante (42.6% en juin 2023), une pauvreté croissante et enfin un traumatisme profond avec les crimes commis par le régime lors la révolution de #femmevieliberté, réveillant 45 ans d’humiliations. Pour Ali Khamenei, éviter une abstention forte suivait deux objectifs : montrer au niveau international que son régime dispose encore d’une légitimité et s’assurer de sa succession par son fils Mojtaba Khamenei. En effet, l’élection future d’un nouveau guide suprême par l’Assemblée des Experts à l’issue d’une faible participation rendrait sa succession illégitime aux yeux du peuple et au niveau international surtout s’il s’agissait de son fils. Compte tenu que, selon la constitution, le guide suprême est le haut responsable militaire et assure la présidence du judiciaire, il doit être un juriste possédant la plus haute autorité religieuse dans le chiisme duodécimain1. Il est aussi appelé Gardien de la jurisprudence. C’est lui qui désigne entre autres les hauts responsables militaires et la présidence du judiciaire. Selon la constitution iranienne, le guide doit être un marja taqlid2, juriste possédant la plus haute autorité religieuse dans le chiisme duodécimain. Il est élu par l'Assemblée des Experts, eux-mêmes élus au suffrage universel direct. Pour cela tout a été mis en œuvre pour prouver que Mojtaba Khamenei remplit les conditions pour être un marja afin que sa candidature soir présentable et qu’ensuite l’Assemblée des Experts émergeant du « Bureau du Guide Suprême » (le sérail) il l’élise ! Khamenei veut ainsi normaliser la question de sa succession par Mojtaba Khamenei avec un raisonnement par l’absurde. Par ailleurs, Ali Khamenei craint que si son fils ne lui succède pas, il risquerait de subir le même destin que le fils de Rouhollah Khomeiny, Ahmad.3 Les 88 membres de l’Assemblée des Experts (passés et présents), sont tous des représentants du Guide suprême. Leur statut d’Imam du vendredi des villes et leur situation sont entre les mains du sérail. S'ils veulent dire quelque chose contre l'opinion du sérail, ils perdent tous leurs avantages et leur rang en tant qu’Imam du vendredi. Ces grains de sable pourraient créer une brèche dans le dispositif de Khamenei : des élus, sensibles à de nouvelles vagues de protestations, pourraient devenir des contestataires, voire incontrôlables, ce qui contribuerait à un effondrement du régime. Pour l’éviter, il fallait que les candidats soient approuvés par les juristes du Conseil des Gardiens qui a validé seulement les candidatures parfaitement fidèles au le sérail d’où tout est piloté et où sont prises les décisions. Ebrahim Raïssi en faisait partie, donc son élection à l'Assemblée des Experts était une formalité car il était l’unique candidat accepté dans la province du Khorassan au Sud. C’est pourquoi c’est la première fois que l’organisation d’élections a été entièrement contrôlée depuis le ministère de l’Intérieur jusqu’aux bureaux de votes par le Corps des Gardiens de la Révolution Islamique. Pour éviter l’abstention, les soldats, les ouvriers, les prisonniers, les étudiants candidats à des concours, ont été contraints de se rendent aux urnes et pour la première fois un votant pouvait présenter comme pièce d’identité une des 5 pièces suivantes : acte de naissance, carte identité, passeport, permis de conduire ou carte de fin de service militaire pour les hommes. Ainsi, la porte a été laissée grande ouverte pour la fraude, une personne pouvait dans des bureaux de votes différents, voter 5 fois pour remplir les urnes, sachant qu’il n’existe pas de listes électorales. Côté du peuple : Malgré les dires du gouvernement qui répète que la participation aux élections n’était pas faible, la tendance de nombreuses personnes était de ne pas voter et de boycotter, pour différentes raisons : De nombreux Iraniens ne font plus confiance aux élections qu’ils ne considèrent pas comme de véritables élections, Les élections successives n’ont apporté aucune amélioration au niveau économique, social, sécuritaire, les gens s’appauvrissent de jour en jour et ce régime corrompu ne remédie en rien à leur situation, Voter, c’est contribuer aux crimes du régime. Plusieurs parents qui ont perdu leur jeune lors des manifestations en 2009, 2017, 2019, 2021 et 2022, plusieurs artistes etc … ont lancé un appel pour le boycott des élections, le message était clair : voter c’est mettre le doigt dans l’encre du sang des victimes. Le peuple n’attend plus rien des élections, l’affaire de la succession de Mojtaba ne les concerne pas, leur souhait est uniquement l’effondrement et la disparition pure et simple du régime. Les élections : Le jour des élections des dizaines de vidéos et de photos sont sorties d’Iran, montrant des rues vides, bien que le 20 mars prochain les Iraniens vont célébrer le nouvel an (Nowrouz) et traditionnellement les villes sont en effervescence pour la préparation de Nowrouz. Les vidéos montrent aussi des bureaux de vote vides alors que le régime faisait le jour même état d’une forte participation en utilisant des vidéos d’élections anciennes avec des queues des votants. Les gens sont restés chez eux et ont non seulement déserté les urnes mais aussi les rues.Alors qu’à 18h00, la fermeture des bureaux de vote était prévue, les Iraniens ont commencé à sortir de chez eux, ce qui a incité le régime à envoyer des messages d’encouragement à aller voter en prolongeant l’ouverture des bureaux de vote jusqu’à 20h puis jusqu’à 22h. Le résultat : Le régime avait prévu d’annoncer le jour des élections un taux de participation de l’ordre 61%, mais cela lui a dû sembler trop gros pour être cru, compte tenu justement de toutes ces vidéos. Il a finalement décidé de le revoir à la baisse et a déclaré que sur les 61 millions de votants, 25 millions avaient voté. Ce 1er Mars 2024 restera un jour historique de la victoire de la nation iranienne et une « gifle » pour Ali Khamenei. La légitimité de Mojtaba Khamenei n’est pas sortie des urnes. Néanmoins, Ali Khamenei a réussi à faire entrer les jeunes du clergé qu’il a placés dans des structures économiques importantes pour les « engraisser » afin qu’ils lui soient redevables. L’Assemblée de Experts devient ainsi une chambre d’enregistrement des consignes du Guide suprême ! Les votes nuls ont été les grands gagnants des élections. Dans certaines villes, leur nombre était supérieur au nombre de votes obtenus par le premier, le second ou le troisième candidat. Le premier candidat de Téhéran (avec un taux de participation de 24%) a obtenu trois fois moins de votes (597 770) par rapport aux candidats de la précédente élection. 18 des 30 candidats de Téhéran iront au second tour. Selon Euronews, dans la circonscription de la capitale, 400 000 votes, selon les statistiques officielles, n'ont pas été validées. Cela placerait le nombre de ces votes en deuxième position. Ce résultat conforte la conviction des Iraniens unanimes pour le rejet de ce régime : ceux qui ont été contraints d’aller voter ou ceux qui ont reçu éventuellement de l’argent pour aller voter. Une fois dans l’isoloir, ils ont envoyé un message clair au régime, à Ali Khamenei et à son fils Mojtaba. Les messages sur les bulletins de vote sont sans appel. Peu importe le pourcentage de votants, 61%, 41%…, peu importe combien des 290 sièges de l'assemblée, un second tour serait nécessaire et se tiendrait en avril ou en mai pour les candidats n'ayant pas obtenu un nombre suffisant de suffrages : les élections ne sont plus le problème des Iraniens. Les Iraniens ont tourné le dos au régime et aux élections. Ils espèrent faire tomber ce régime bien avant que des élections dignes de ce nom aient lieu sous l’égide d’instances internationales. Cela signifie que la somme de votes obtenue par des premiers candidats (2.8 millions) ne dépasse pas 4% par rapport aux 61 millions d'appelés à voter

Lundi 19 février : « Changer de cap écologique : Vers un paradigme économique et démocratique renouvelé »

par L'antenne de Lille le 10 février 2024
A Sciences Po Lille, l'antenne de Lille du Laboratoire de la République vous invite à participer à une prochaine table ronde sur "Changer de cap écologique : Vers un paradigme économique et démocratique renouvelé", le lundi 19 février à 18h15.
Venez assister à notre table-ronde portant sur le lien entre transitions économique, démocratique et écologique ! Pour aborder ce grand défi de notre siècle, seront présents : -  Céline Scavennec : Conseillère départementale EELV et créatrice de l'entreprise Niiji -  Romain Dekeyser : Responsable Innovation et Transition - Caisse d’Épargne Hauts-de-France -  Jean-Michel Blanquer : Président du Laboratoire de la République Quand ? Lundi 19 février, 18h15 Où ? Sciences Po Lille, Amphi A 9, rue Angellier 59000 Lille Participation libre, inscription obligatoire Pour s'inscrire, cliquez ici

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