Retour sur la Conversation éclairée de Raphaël Enthoven

le 20 octobre 2025 Photo_Enthoven_17102025_ Daniel_Perron
Le 17 octobre 2025, s’est tenue notre rencontre littéraire mensuelle animée par Brice Couturier, consacrée à la présentation du dernier ouvrage de Raphaël Enthoven, L’Albatros, publié aux éditions de l’Observatoire.
Crédit photo : Daniel Perron Pour R. Enthoven, l’écriture est un moyen de rectifier l’existence et de la pérenniser face à l’oubli, à l’image du scribe, greffier de l’essentiel. Cette réflexion s’inscrit dans une vision plus large où la solidarité des vivants permet aux défunts de continuer à exister dans la mémoire collective. La figure maternelle, à la fois spiritualiste et matérialiste, traverse le récit et nourrit son cheminement intellectuel. L’auteur retrace son itinéraire : du kantisme à Spinoza et Nietzsche, il opère un retour profond aux sources maternelles. Marqué dès l’enfance par le passage au foyer paternel et l’influence de la gauche antitotalitaire de Bernard-Henri Lévy, Enthoven évoque aussi ses engagements, notamment en Bosnie et au Soudan. Sa pensée évolue d’un kantisme nourri par Soljenitsyne vers une adhésion à la puissance du système spinoziste et à la déconstruction nietzschéenne, en passant par Rosset et Bergson — un cheminement qui le ramène finalement à l’enfance et aux convictions héritées de sa mère. Raphaël Enthoven aborde également les dérives déshumanisantes du système de santé actuel, illustrées par des témoignages poignants recueillis « sur le vif » : attente interminable chez le généraliste dans des conditions difficiles, vision en silo chez les spécialistes, et scènes d’indifférence chez certains soignants. Il souligne que si l’incompétence existe partout, en matière médicale, elle a des conséquences directes et parfois dramatiques. Au fil de l’échange, l’auteur partage ses réflexions face aux douleurs du drame du 7 octobre 2023. Il exprime une forme de soulagement que sa mère, à moitié juive et américaine, n’ait pas été témoin de ces événements tragiques. Marquée par la mort de Rabin et partisane d’une solution à deux États, elle demeure une figure morale centrale dans le récit d’Enthoven. Ce dernier cite également l’une de ses phrases favorites : « Il n’y a qu’un seul Dieu et nous n’y croyons pas », illustrant la polysémie entre dogmatisme et scepticisme. Un temps fort de la soirée fut la discussion sur la rhétorique contemporaine et l’usage des mots, sur fond de guerre médiatique. R. R. Enthoven s’est expliqué sur ses propos controversés concernant les journalistes à Gaza, reconnaissant une maladresse dans la formule mais insistant sur la nécessité de défendre la liberté de la presse et de dénoncer les ambiguïtés de certains statuts. Il a également analysé la multiplication des termes comme « nettoyage ethnique », « génocide », « déporté », ou « apartheid » à propos d’Israël, dénonçant une nazification discursive et appelant à redonner sens aux mots pour préserver la rigueur du débat public. En conclusion, Raphaël Enthoven rappelle l’importance de la méthode, de la vérification et du « temps long » pour résister au chaos informationnel contemporain. Par son livre et son engagement dans le débat public, il invite chacun à l’exigence intellectuelle et morale. La captation intégrale de l’événement est disponible ci-dessous pour approfondir ces réflexions passionnantes. https://youtu.be/ntjySD2Psu0

Laïcité et religions : quels chemins pour vivre ensemble ?

par L'antenne de Bordeaux le 30 septembre 2025 lab_bordeaux_2409
Comment conjuguer liberté religieuse et vivre-ensemble dans notre République ? C’est à cette question brûlante qu’ont répondu, le 24 septembre 2025 à Bordeaux, le grand imam Tareq Oubrou, le professeur de droit public Ferdinand Mélin-Soucramanien, la présidente de la LICRA Bordeaux-Gironde Sarah Bromberg et le prêtre Basile Dumont. Entre cadre juridique, éducation des jeunes, égalité femmes-hommes et diversité des pratiques spirituelles, la soirée a offert un débat riche et sans détour sur la laïcité, ce pilier républicain qui nous unit tous.
Le 24 septembre 2025, le Laboratoire de la République inaugurait son antenne bordelaise à l’occasion d’une conférence consacrée au thème « Laïcité et religions : quels chemins pour vivre ensemble ? », en présence de Ferdinand Mélin-Soucramanien (professeur de droit public), Tareq Oubrou (grand imam de Bordeaux), Sarah Bromberg (présidente de la LICRA Bordeaux-Gironde) et de Basile Dumont (prêtre de la paroisse de Talence). Les échanges ont permis d’explorer ce principe fondateur de la République sous ses dimensions historique, juridique, sociologique et contemporaine, confirmant que la laïcité est une condition essentielle du vivre-ensemble, tout en révélant les tensions qui traversent son application dans un contexte marqué par la pluralité religieuse et l’évolution des pratiques sociales. Un cadre historique et juridique en constante évolution La laïcité s’enracine dans des jalons législatifs majeurs, comme le souligne Ferdinand Mélin-Soucramanien : la laïcisation de l’enseignement en 1882, la séparation des Églises et de l’État en 1905, ou encore la récente loi de juillet 2025 contre le racisme et l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur. Trois piliers en structurent la définition : liberté de conscience, séparation de l’État et des cultes, et obligation de se conformer aux règles communes sans invoquer ses croyances. Le Conseil constitutionnel a lui-même cherché à la définir, notamment dans une décision de 2004, au moment où se posait la question de l’articulation entre la Constitution française et le projet de Traité pour une Constitution européenne. Il avait alors affirmé que la laïcité interdit à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes. Cette interprétation, à laquelle Ferdinand Mélin-Soucramanien dit se rallier, fait de la laïcité non seulement une garantie de liberté mais aussi une condition du vivre-ensemble et un pilier de la République. Religion, société et jeunesse : des rapports contrastés Loin d’être un principe figé, la laïcité s’adapte aux évolutions sociétales. Tareq Oubrou rappelle que toute religion ne se vit pas seulement, elle se pense également. Faute d’un travail d’interprétation et de médiation doctrinale, une « sainte ignorance » traverse toutes les religions. L’accès direct et sans filtre aux contenus religieux via les réseaux sociaux favorise ce qu’il appelle une « désécularisation sauvage », où les jeunes, souvent plus connectés à TikTok qu’à leurs propres parents ou à des médiateurs, se montrent parfois plus religieux que la génération précédente. Dès lors, l’enjeu de la transmission devient central. « On ne peut pas obliger quelqu’un à adorer Dieu », rappelle Tareq Oubrou, soulignant que la coercition religieuse, physique ou psychologique, est non seulement juridiquement interdite mais théologiquement vaine. La foi suppose liberté et intention. D’où l’importance, selon lui, d’introduire le doute, la pédagogie et une éducation au discernement dès l’enfance. Dans cette perspective, Sarah Bromberg insiste sur la dimension éducative et citoyenne de la laïcité, notamment auprès des jeunes, mais aussi sur l’égalité entre femmes et hommes, qui doit demeurer un principe intangible dans la société. Liberté religieuse, espace public et ordre républicain La laïcité se situe à l’intersection de la liberté religieuse garantie par le droit, y compris européen, et de la neutralité attendue des institutions. Les discussions ont rappelé une distinction fondamentale : si les agents du service public doivent rester neutres, l’espace public ne saurait être totalement aseptisé. Ferdinand Mélin-Soucramanien a insisté sur la nécessité de renforcer la neutralité dans certains services particulièrement sensibles, comme l’hôpital public et les transports. Mais il met en garde contre une crispation excessive sur les signes religieux dans l’espace public. Cette distinction a été largement reprise par les intervenants : la République est laïque, mais l'ensemble des individus constituant notre société ne l’est pas. La laïcité n’est pas une religion ni une idéologie, mais une branche commune « sur laquelle tout le monde est assis », selon l’expression de Tareq Oubrou, et que chacun, croyant ou non, a le devoir de défendre car elle protège tous les citoyens. Une recomposition du paysage religieux Les évolutions religieuses en France reflètent à la fois un reflux global et des dynamiques de renouveau. Basile Dumont souligne par exemple l’augmentation significative du nombre d’adultes demandant le baptême, multiplié par deux en quelques années, signe d’un regain de quête spirituelle. En parallèle, les travaux de politistes comme Yann Raison du Cléziou mettent en évidence un mouvement plus général de reflux des pratiques religieuses. Tareq Oubrou cite aussi Peter Berger, sociologue américain, qui dès les années 1980 constatait le retour du religieux dans l’espace politique, notamment à travers les mouvements évangéliques. La France n’échappe pas à cette recomposition, où coexistent désaffiliation et réinvestissement religieux. Perspectives et recommandations Les intervenants ont formulé plusieurs recommandations pour l’avenir : • Clarifier davantage encore la distinction entre liberté dans l’espace public et règles strictes de neutralité dans les services publics, à renforcer dans certains services particulièrement sensibles. • Promouvoir une sensibilisation large aux valeurs républicaines et encourager un dialogue respectueux entre convictions. • Encourager un portage politique large de la laïcité, afin qu’elle demeure un projet républicain d’espérance partagé et défendu par le plus grand nombre. • Développer une éducation au discernement et à la liberté de conscience, en protégeant les jeunes contre toute forme de coercition. https://www.youtube.com/watch?v=SxaB1GuYIg4

« Défendre la liberté d’expression autour de Boualem Sansal » – Université 2025

le 3 septembre 2025 UE_Laboratoire_Republique_2025_4
L’Université d’été du Laboratoire de la République a consacré une soirée pour se mobiliser autour de Boualem Sansal, toujours emprisonné en Algérie. Plusieurs intervenants se sont succédés pour défendre la liberté d'expression, et rappeler leur soutien à l'auteur.
Pour la première fois, la fille de Boualem Sansal, Sabeha Sansal a pris la parole, plaidant en faveur de la libération de son père, qu'elle considère comme un "otage politique". Lors de son propos inaugural, l'essayiste Raphael Enthoven a affirmé que « défendre Sansal, ce n’est pas défendre une personne mais le droit universel de dire ce que l’on pense, même quand cela dérange ». S'en est suivie une table ronde modérée par Rachel Binhas, réunissant l'avocate Galina Elbaz et les journalistes Brice Couturier, Philippe Val et Ève Szeftel sur le thème de la "Liberté d'expression : entre urgence et courage". Pour conclure la soirée, l'acteur Stéphane Freiss a rendu hommage à Boualem Sansal, par la lecture de quelques lignes de son roman Le Village de l'Allemand, évoquant l'Algérie. On en parle dans la presse BERNIER Martin. "«L’Algérie doit cesser de martyriser mon père avant qu’il ne soit trop tard» : la fille de Boualem Sansal se confie au Figaro". Le Figaro. 29/09/2025. XERRI Ambre. "Philippe Val : "Dans l’affaire Boualem Sansal, l’Algérie s’est placée au même niveau que l’Iran"". L'Express. 02/09/2025 MALO Antoine. "Sabeha Sansal, fille de Boualem Sansal : « Mon père n’est plus une priorité pour la France »." La Tribune Dimanche. 31/08/2025 https://youtu.be/lJXzy4QfezA?feature=shared

Duo A. Pannier-Runacher et E. Hazan : « Pour une écologie populaire au service de la revitalisation des territoires » – Université 2025

par Agnès Pannier-Runacher , Eric Hazan le 3 septembre 2025 UE_Laboratoire_Republique_2025_12
L’échange entre Agnès Pannier-Runacher, Ministre de la Transition écologique et Eric Hazan, co-fondateur d'Ardabelle Capital, professeur à HEC et à Sciences-Po, s’est inscrit dans une série de tables rondes thématiques consacrées aux grands enjeux politiques et républicains Laboratoire de la République. Il visait à explorer comment faire de l’écologie un outil de transformation concrète au service des territoires.
Agnès Pannier-Runacher a souligné la nécessité de rendre les enjeux écologiques accessibles à tous les citoyens, en particulier dans les zones rurales et périurbaines. Elle a rappelé que « l’écologie doit être populaire », c’est-à-dire compréhensible et tangible sur le terrain, pour devenir un levier de revitalisation des territoires. Éric Hazan, de son côté, a mobilisé son regard académique et entrepreneurial pour souligner l’importance de penser l’écologie à l’aune des réalités économiques locales, indiquant que « le développement écologique doit générer des dynamiques économiques nouvelles sur les territoires ». Selon lui, l’écologie populaire trouve sa force dans les initiatives qui associent innovation institutionnelle, entreprises, et activités locales. On en parle dans la presse « Agnès Pannier Runacher : «Le mouvement politique écologique a été un des pires ennemis des politiques écologiques que l'on mène» ». Autun Infos. 29/08/2025 https://youtu.be/AcMBgrPalxg?feature=shared

Duo J. Méadel et C. Cibert : « Ville et ruralité : deux regards sur notre territoire » – Université 2025

par Cyril Cibert , Juliette Méadel le 3 septembre 2025 UE_Laboratoire_Republique_2025_11
Le débat s’est tenu à Autun dans le cadre de la deuxième édition de l’Université d’été du Laboratoire de la République. Il réunissait Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la Ville et Cyril Cibert, président de l'association des Maires Ruraux de la Vienne, autour du thème « Ville et ruralité : deux regards sur notre territoire ». Les échanges ont exploré les complémentarités et les divergences entre les réalités urbaines et rurales. L’approche visait à faire émerger une vision commune du territoire en tenant compte de ses spécificités.
Juliette Méadel, en charge de la politique de la ville, a ouvert le dialogue en soulignant l’importance des quartiers sensibles comme points d’appui des dynamiques urbaines. Elle a évoqué les défis spécifiques liés au logement, à la cohésion sociale et aux infrastructures dans les zones urbaines. Elle a insisté sur la nécessité de renforcer les services publics de proximité dans les quartiers populaires. Selon elle, la politique de la ville doit être pensée comme un espace d’innovation sociale et d’expérimentation territoriale. Cyril Cibert, représentant les maires ruraux de la Vienne, a mis en avant les atouts des zones rurales. Il a souligné les enjeux auxquels sont confrontées les communes rurales, comme la désertification des services publics, le vieillissement de la population et la difficulté d’accès aux soins et aux transports. Il a plaidé pour une reconnaissance politique plus forte de la ruralité, fondée sur des dispositifs adaptés et une politique de soutien ciblé. https://youtu.be/VL-JE5Jzmh8?feature=shared

Quel modèle social pour la France ? – Université 2025

par Astrid Panosyan-Bouvet , Aurore Bergé , Thierry Beaudet , [...] le 3 septembre 2025 UE_Laboratoire_Republique_2025_8
Dans le cadre de la deuxième édition de l’Université d’été du Laboratoire de la République, organisée à Autun, le débat intitulé « Quel modèle social pour la France ? » réunissait Thierry Beaudet, président du CESE ; Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes ; Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France et Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du Travail et de l'Emploi autour d’une réflexion sur les instances et valeurs fondamentales d’un modèle social renouvelé pour la France. L'enjeu central était d'interroger la place de la fraternité au sein des principes républicains, notamment dans le contexte des inégalités contemporaines.
Thierry Beaudet, président du CESE (Conseil économique, social et environnemental), a ouvert le débat en soulignant une lacune dans les valeurs républicaines actuelles. Selon lui, « La fraternité est la partie oubliée de notre devise républicaine… ». Son intervention a posé les bases d’un dialogue fondé sur la solidarité comme pilier du modèle social, invitant à redonner sens et place à ce principe dans les politiques sociales et économiques. Aurore Bergé, ministre déléguée à l’égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les discriminations, a prolongé cette réflexion en interrogeant la capacité du modèle social français à promouvoir une égalité réelle. Elle a rappelé que l’égalité n’est pas seulement juridique, mais doit se traduire dans l’accès aux droits, aux opportunités et à la reconnaissance sociale, en particulier pour les femmes et les populations vulnérables. Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France, a quant à lui mis l’accent sur les réalités territoriales. Sa participation en tant qu’ancien ministre et président de région a souligné le rôle des collectivités dans la mise en œuvre d’un modèle social adapté aux spécificités régionales. Il a évoqué la nécessité d’un soutien actif à l’emploi, à la formation, pour répondre aux défis des territoires. Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du Travail et de l’Emploi, a conclu en abordant les mécanismes du marché de l’emploi, soulignant la nécessité d’un modèle social qui protège les travailleurs face aux mutations économiques. Elle a évoqué l’importance de sécuriser les parcours professionnels tout en favorisant l’adaptabilité, notamment via la formation continue et une régulation du travail à la hauteur des évolutions technologiques et structurelles. https://youtu.be/pgAaUgRHAIM?feature=shared

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