C’est dans le cadre feutré et intellectuellement stimulant de la Maison de l’Amérique latine qu’a eu lieu, le 12 mai, une nouvelle édition des "Conversations éclairées", autour de Renée Fregosi, philosophe et politologue, ancienne maître de conférences à la Sorbonne Nouvelle. Elle y présentait son dernier essai "Le Sud global à la dérive. Entre décolonialisme et antisémitisme", paru aux éditions Intervalles.
Un concept flou, une réalité préoccupante
Animée par Brice Couturier, journaliste et essayiste, et Chloé Morin, politologue, la discussion a permis d’éclairer un terme désormais omniprésent dans les discours politiques et militants : le "Sud global". Loin d’un simple substitut post-colonial aux "pays du tiers-monde", ce concept agrège aujourd’hui des pays aux trajectoires historiques, politiques et culturelles très différentes — de l’Amérique latine à l’Afrique subsaharienne, du Proche-Orient à l’Asie du Sud-Est — autour d’un discours de ressentiment à l’égard de l’Occident.
Mais que recouvre réellement cette notion ? Pour Renée Fregosi, le Sud global n’est pas tant une réalité géopolitique qu’une fiction idéologique, forgée sur des bases émotionnelles et identitaires, où s’opèrent des glissements sémantiques dangereux. Ce conglomérat mouvant, en apparence uni dans la dénonciation des puissances occidentales, masque en réalité des allégeances autoritaires et des contradictions profondes, notamment autour de la liberté, de la démocratie, des droits humains ou de l’universalisme.
Une dérive politique et morale
Au cœur de l’ouvrage et de la discussion, la critique du discours décolonial, qui tend à essentialiser les peuples et à opposer systématiquement l’"opprimé" du Sud au "colonisateur" du Nord. Ce renversement moral, explique R. Fregosi, conduit parfois à réhabiliter des régimes autoritaires ou à excuser l’intolérable, au nom d’un anti-occidentalisme radical. Elle pointe ainsi les convergences de certains États du Sud global avec l’axe Moscou-Ankara-Téhéran, qui se présente aujourd’hui comme une alternative à l’ordre libéral international.
Plus troublant encore, selon R. Fregosi : la manière dont certains segments du Sud global et de ses soutiens dans les sociétés occidentales reprennent ou tolèrent des discours antisémites, dissimulés sous des postures "antisionistes". Une confusion lourde de conséquences, où l’hostilité envers Israël sert souvent de paravent à une haine plus ancienne et plus profonde.
Un appel à la vigilance et à la lucidité
Renée Fregosi a plaidé pour une lecture lucide et critique des nouvelles alliances géopolitiques, des discours idéologiques qui les accompagnent, et des effets délétères de l’importation dans les sociétés démocratiques de conflits et de logiques identitaires exogènes. Elle appelle à ne pas céder à l’illusion d’un Sud global uni et progressiste, là où dominent parfois autoritarisme, cléricalisme et rejet des valeurs universalistes.
https://youtu.be/zKWhBYmT8_s
Sous le signe de l’échange avec le format table ronde et de l’engagement citoyen, l’évènement de l’antenne lyonnaise du Laboratoire de la République a exploré une notion souvent délaissée ou mal comprise du triptyque républicain : la fraternité. Jean-Michel Blanquer, Président du Laboratoire, a ouvert les débats en interrogeant la place réelle de la fraternité dans une société française de plus en plus fragmentée.
Trois regards sur la fraternité : économique, générationnelle, éducation :
Notre table ronde composé de 3 intervenants riches de leurs diversité a permis de saisir les contours de la fraternité et de comment celle-ci peut se vivre concrètement dans notre société.
Cathy Simon (Centaure, sécurité routière – élue locale) a illustré la fraternité en entreprise par des initiatives concrètes : entraide entre collaborateurs, soutien aux publics fragiles et partenariats territoriaux. Pour elle, la fraternité économique passe par l’inclusion active : emploi des personnes handicapées, l’insertion des jeunes, la reconversion des seniors.
Philippe Albanel (Chez Daddy) par son intervention a mis en lumière la dimension intergénérationnelle de la fraternité. Ses cafés, conçus comme des « secondes familles », créent des espaces d’accueil et de lien social. Il appelle à un modèle hybride pour promouvoir la fraternité : un soutien public mais toujours fondé sur l’engagement citoyen local.
Olivier Dugrip (ancien recteur) a défendu une fraternité passant par l’éducation pour la rendre aussi concrète que les autres piliers républicains. De son enseignement théorique à sa promotion en dehors des temps de classe, l’école doit jouer un rôle majeur chez les jeunes à ce sujet.
Des grands défis pour la fraternité :
La fraternité dans le numérique : Le numérique peut-il rapprocher plutôt que diviser ? Les intervenants ont débattu de la fracture générationnelle et de la nécessité de former à la citoyenneté numérique dès l’école.
La fraternité dans les territoires : Comment tisser du lien dans une France marquée par des déséquilibres géographiques ? Les zones rurales ont leurs propres défis et la solution passe par des initiatives locales ancrées.
Tous ont souligné que la fraternité n’est pas qu’une vertu morale : elle doit être une obligation structurelle dans la République comme le sont la liberté et l’égalité.
Le Laboratoire de la République et plus particulièrement son antenne lyonnaise a rappelé son ambition : travailler précisément sur la fraternité dans toutes ses acceptions pour permettre d’en faire une réalité tangible à l’école, en entreprise et au cœur des politiques publiques en général. Les prochains travaux de l’antenne lyonnaise iront dans ce sens : faire vivre cet idéal républicain qu’est la fraternité.
Le jeudi 24 avril 2025, dans le cadre des Conversations éclairées organisées par le Laboratoire de la République, Brice Couturier a reçu Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’université Panthéon-Assas. L’échange portait sur son dernier ouvrage, Le nouveau régime ou l’impossible parlementarisme, dans lequel il analyse les évolutions récentes de la vie politique française. À partir du constat des fractures traversant le pays, des déséquilibres politiques accentués depuis 2022 (montée des populismes, tripolarisation...), Benjamin Morel s’interroge sur l’effectivité des institutions actuelles. Plusieurs pistes ont été évoquées : la parlementarisation du régime, l’établissement d’un mode de scrutin proportionnel…
Benjamin Morel propose dans son livre une analyse approfondie de la situation politique française actuelle, marquée par des bouleversements institutionnels et une recomposition profonde du paysage partisan.
Au cœur de l’échange : la crise de fonctionnement des institutions de la Ve République, illustrée récemment par la dissolution engagée par Emmanuel Macron. Cette décision, selon Benjamin Morel, révèle moins une crise institutionnelle qu’une dégradation de la vie politique. L’absence de majorité claire menace la stabilité gouvernementale et favorise une montée des mouvements populistes.
L’auteur interroge la pertinence du présidentialisme tel qu’il fonctionne aujourd’hui. Il rappelle que sous la Troisième République, le président disposait paradoxalement de pouvoirs plus étendus qu’actuellement, et que la notion de "domaine réservé" n’a jamais eu d’existence juridique précise. Ce constat le conduit à formuler une question centrale : le présidentialisme est-il encore viable dans un contexte de tripolarisation du champ politique, aggravée par des conflits intrapartisans croissants ?
Selon Benjamin Morel, le maintien du rôle prépondérant du Président suppose impérativement l’existence d’une majorité parlementaire stable. À défaut, c’est l’impasse. Mais cette impasse, insiste-t-il, ne justifie pas nécessairement un changement de régime : elle appelle plutôt à une réforme du fonctionnement des institutions. Il s’agit moins de refonder que de réajuster pour éviter de retomber dans l’instabilité chronique connue sous la Quatrième République.
La discussion a également porté sur les modalités de représentation électorale. Aux yeux de Benjamin Morel, le mode de scrutin majoritaire à deux tours semble désormais inapte à produire une majorité efficace, compte tenu d’une tripartition stable de l’électorat — chacun des trois blocs politiques représentant environ un tiers des voix, avec une faible porosité entre eux. Ces réflexions sur le mode de scrutin ont fait l'objet de points de vue divergents, justifiant la nécessité d'un tel débat. Cette configuration, loin d’être spécifiquement française, est observable en Allemagne et tend à s’étendre à l’échelle de l’Europe occidentale.
Benjamin Morel a écarté plusieurs pistes de réforme (scrutin à un tour, relèvement du seuil de qualification, élargissement des circonscriptions) au profit d’une réflexion plus large sur le recours à un scrutin proportionnel. Il rappelle que celui-ci existe sous de nombreuses formes – entre 50 et 80 variantes – et pourrait permettre une représentation plus fidèle du paysage politique. Toutefois, il souligne que le mode de scrutin, en tant qu’outil, ne peut à lui seul résoudre la question de la polarisation et de la stabilité politique.
Enfin, l’auteur insiste sur le caractère systémique de la crise actuelle. Elle ne touche pas uniquement la France, mais l’ensemble du monde occidental. Il s’agit d’une crise de l’action politique, doublée d’une crise de l’espace public démocratique. Les institutions, dans cette dynamique, jouent un rôle aggravant mais ne sont pas la cause unique du malaise. Pour Benjamin Morel, l’urgence est claire : des décisions rapides et lucides doivent être prises pour éviter l’affaiblissement durable de notre capacité à gouverner.
Retrouvez sur Youtube l’intégralité de la conversation menée par Brice Couturier et Chloé Morin :
https://www.youtube.com/watch?v=GsgPeONwakk
Le mercredi 9 avril 2025, l’antenne de Sciences Po du Laboratoire de la République a organisé, à la Maison de l’Amérique Latine, une conférence afin d'évoquer un sujet particulièrement sensible et dont les médias se font trop peu l'écho : la négociation d'un accord de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Si celui-ci semble devoir se conclure, quelle en sera la teneur réelle et pourra-t-il mettre un terme définitif au conflit et à l'instabilité dans la région ? Le référent de notre antenne de Sciences Po et modérateur de cet évènement Jean Lacombe a réuni autour de lui un panel d’expert : le géopolitologue et essayiste Frédéric Encel, l’écrivain et aventurier Patrice Franceschi, le représentant du Haut-Karabagh en France Hovhannès Gevorgyan, le coprésident du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France Franck Papazian et la journaliste actualité/International au Figaro Elisabeth Pierson.
Jean Michel BLANQUER rappelait en introduction qu’en parlant de l’Arménie, de Boualem Sansal ou des risques liés à la nouvelle philosophie de Washington, nous sommes dans des valeurs communes. Il est crucial de garder des idées claires dans un monde qui semble s’engager dans des directions inquiétantes. Ces idées claires, à condition que des gens comme nous se rassemblent, réfléchissent ensemble et avancent en toute liberté d’esprit, finiront par être les plus fortes.
Jean LACOMBE : Le 13 mars dernier, l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont annoncé avoir conclu un nouvel accord de paix, qui semble résoudre la question du Haut-Karabagh. Ce traité nous amène à nous interroger sur le type de paix vers lequel ces deux nations se dirigent.Je me tourne maintenant vers vous, Monsieur Guezorkian, pour aborder le contexte historique.
Hovhannès GUEVORKIAN a choisi de répondre à cette question en effectuant un bref rappel l’Histoire de l’Artsakh, à travers quatre mots, qui résument l’Histoire de mon peuple.
Le premier mot : identité. Le Haut-Karabakh n’est pas seulement un territoire, c’est une part essentielle de l’identité arménienne, ayant traversé toutes les grandes étapes de l’Histoire du peuple arménien.
Le deuxième mot : effacement. L’Histoire arménienne dure depuis 2500 ans, et pourtant, en 2003, cette Histoire s’est arrêtée. L’adversaire ne cherche pas seulement la domination, mais l’effacement de la culture arménienne. Il s’agit d’une politique systématique et méthodique d’effacement culturel.
Le troisième mot : sécurité. Si l’on considère ce conflit uniquement sous l’angle territorial, la seule réponse semble être l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan. Cependant, la sécurité des Arméniens doit aussi être prise en compte. Après la chute des dernières forces de défense d’Artsakh en 2023, des déplacements forcés ont eu lieu.
Le quatrième mot : responsabilité. Quelle réponse pouvons-nous offrir aux minorités qui ont été, et sont encore, menacées par les États ? Si la seule réponse de notre communauté face à ces menaces est de défendre l’intégrité territoriale des États, cela conduira à la suppression de ces minorités. Nous nous trouvons dans une situation où il est possible de détruire une population, puis d’imposer un fait accompli, avec l’aval international en prime.
Jean LACOMBE : En 2020, a eu lieu la guerre des 44 jours, marquant un tournant dans le conflit du Haut-Karabakh. Elisabeth, pouvez-vous nous en rappeler les grandes lignes ?
Elisabeth PIERSON : Oui, en 2020, l’Azerbaïdjan, bien plus puissant militairement qu’en 1994, lance une offensive éclaire avec l’aide de la Turquie et d’armements israéliens. Après 44 jours, un cessez-le-feu est signé sous l’égide de la Russie, mais très vite violé par l’Azerbaïdjan. L’Arménie subit de lourdes pertes, et des mercenaires syriens sont engagés par Bakou.
Depuis, les tentatives de discussions se sont succédé, une quinzaine de rencontres ont eu lieu entre Aliyev et Pachinian. Mais en parallèle, l’Azerbaïdjan a imposé un blocus de neuf mois sur le corridor de Latchine, coupant le Haut-Karabakh de l’Arménie, dans des conditions humanitaires terribles.
Jean LACOMBE : Et ce nouvel accord de paix, annoncé en mars dernier, comment s’est-il construit ?
Elisabeth PIERSON : Il s’agit d’un accord bilatéral, sans médiation internationale, ce qui montre que l’Arménie ne compte plus sur la Russie ni sur l’Europe. L’annonce a été faite unilatéralement par l’Azerbaïdjan, qui affirme l’existence de 17 articles, non divulgués. L’accord n’est pas signé ni ratifié, et depuis, Bakou continue d’accuser Erevan presque quotidiennement.
Jean LACOMBE : A-t-on une idée du contenu de ces 17 articles ?
Elisabeth PIERSON : Ce que l’on sait, c’est qu’ils contiennent uniquement des points de coopération bilatérale, sans évoquer les sujets sensibles comme les frontières, le retour des déplacés Artsakhiotes ou le sort des prisonniers politiques. Ces points doivent être abordés dans un processus ultérieur. Donc, c’est un texte très incomplet.
Jean LACOMBE : Franck Papazian, quelle est la position de la diaspora arménienne face à cet accord ?
Franck PAPAZIAN : Cet accord n’est pas un véritable traité de paix, mais un texte imposé par l’Azerbaïdjan. L’Arménie n’avait pas de choix, dans un monde où les rapports de force sont déséquilibrés. L’Azerbaïdjan a utilisé des armes interdites, mené une guerre atroce avec le soutien de la Turquie et des djihadistes syriens. Le blocus du Haut-Karabakh a été condamné par la Cour Internationale de Justice (CIJ), mais aucune action concrète n’a été prise. En septembre 2023, une « épuration ethnique » a eu lieu, qualifiée de « génocide » par Luis Moreno Ocampo, l’ancien procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI). Et maintenant, on parle d’un accord de paix qui entérine la disparition de l’Artsakh, sans aucune garantie de retour pour ses habitants, ni reconnaissance de leurs droits. L’Arménie est forcée d’accepter la dissolution du groupe de Minsk et de négocier seule, dans une position de faiblesse.
Il n'est plus possible de discuter de l'autodétermination des Arméniens ni du droit au retour, un droit pourtant reconnu internationalement, comme l’a souligné Mme Colonna. Ce texte impose la dissolution du groupe de Minsk, ce qui a été accepté par l’Arménie, qui doit désormais négocier bilatéralement, sous la pression du rapport de force.
Il y a aussi la demande de retrait des observateurs de l'Union européenne et l’abandon des poursuites pénales contre l’Azerbaïdjan, une requête émise par ce dernier. L’Azerbaïdjan exige également que l’Arménie modifie sa Constitution, qui considère le Haut-Karabakh comme faisant partie de l'Arménie. Un point crucial reste la présence militaire azerbaïdjanaise sur le territoire arménien, qui n’est pas abordé. Enfin, l’Azerbaïdjan n’a pas respecté l’accord de libération des prisonniers de guerre de 2020, capturant de nouveaux prisonniers, dont 8 dirigeants du Karabakh en 2023.
Jean LACOMBE : Nous allons maintenant évoquer les conséquences spécifiques pour le Haut-Karabagh, notamment la question du patrimoine, en particulier des églises.Le Haut-Karabagh va changer. Monsieur Guevorkian, quelles sont vos inquiétudes concernant ces transformations ?
Hovhannès GUEZORKIAN : Sans une Arménie forte, il n’y a pas de Karabakh. Si l'Arménie n'est pas renforcée, le Haut-Karabakh n'aura aucun avenir. Les destins des deux entités sont liés. Ce n’est pas seulement une question de patrimoine ou de population déracinée, mais d’un avenir commun.
L’Azerbaïdjan revendique des territoires depuis 1918 : le Haut-Karabakh, le Nakhitchevan et la région de Zhangzhou. Au Nakhitchevan, il n’y a plus d’Arméniens, au Karabakh, ils sont très peu. Si cet accord de paix est signé, la question n’est pas de savoir si une guerre aura lieu, mais quand. Ce conflit est lié à une revendication centenaire…
Patrice FRANCESCHI : Les mots ont un sens. Bien que j’aie de la sympathie pour les Arméniens, je ne peux pas accepter l’usage du terme « génocide ». Si un véritable génocide a lieu en Arménie, que fera-t-on ? Il y a une différence entre guerre et génocide. Quant à la situation, en 24-48 heures, les conséquences militaires et géopolitiques se feront ressentir, avec des déplacements massifs et des impacts sur la région dans les 10-20 ans à venir.
Jean LACOMBE : A ce sujet, Monsieur Encel, pourriez vous développer sur les conséquences régionales déjà mentionnées par Monsieur Franceschi ?
Frédéric ENCEL : Si l’on regarde l’histoire, on constate que, depuis la fin de l’Empire ottoman, la Turquie n’a cessé de persécuter ses minorités, et cela de façon particulièrement violente envers les Arméniens. Je crois, et peut-être à tort, que cette dynamique perdure depuis 150 ans. La Turquie, et avec elle son allié historique, l’Azerbaïdjan, continue d'agir dans cette logique d’agression. Les persécutions contre les Arméniens se sont transformées au fil des décennies, mais elles ne se sont jamais arrêtées.
À cela s’ajoute l’Iran, qui, bien que déclinant, reste un acteur majeur de la région. L’Iran, contrairement à ce que l’on pourrait penser, s’oppose fermement à une domination turque dans la région. C’est un rival de l’Azerbaïdjan, mais dans cette rivalité, l'Iran parvient à préserver une certaine influence, notamment à travers sa relation avec la Russie. Il faut comprendre que la position géographique de l’Arménie, notamment le corridor du Zanguézour, joue un rôle stratégique essentiel en reliant l’Iran à la Russie. Cela permet à ces deux puissances de maintenir une forme d’influence dans la région, et cela freine, à mon sens, l’expansionnisme azerbaïdjanais.
L’Arménie, cette petite nation, se trouve donc dans une position extrêmement stratégique. C’est un État de passage, une clé de voûte géopolitique qui facilite les échanges entre la Russie et l’Iran. Et si l’on regarde les choses de près, on comprend bien que l’Arménie, malgré sa situation difficile, a encore des cartes à jouer.
Parlons maintenant des États-Unis. Ce pays, sous la présidence de Donald Trump, est une grande inconnue. L’imprévisibilité de son président fait qu’il est impossible de savoir dans quelle direction il va aller. Bien que je doute qu’il s’engage militairement pour défendre l’Arménie, il n’est pas totalement impossible que, par une étrange logique de circonstances, l’Arménie puisse recevoir un soutien américain. Mais là encore, tout cela reste hautement incertain.
Eh bien, l’Europe, dans sa configuration actuelle, est une puissance essentiellement économique. Il n'y a pas de politique de défense commune, et cela limite énormément son influence stratégique et militaire. Mais je pense qu’il y a une petite chance que les choses changent. Si l’Europe se réorganise et commence à prendre la question de sa puissance politique et stratégique à bras-le-corps, alors cela pourrait avoir un impact important dans cette région. Une Europe qui s’affirmerait en tant que puissance militaire, ce serait un vrai tournant pour la région, et cela pourrait bien changer les rapports de force en faveur de l’Arménie.
Enfin, la France joue un rôle non négligeable. Ces derniers mois, des accords ont été signés entre la France et l’Arménie, notamment des accords militaires. Bien sûr, rien n’est encore joué, et la situation reste fragile. Mais ces accords marquent un soutien de plus en plus visible à l’Arménie, et je pense que cela pourrait avoir des conséquences stratégiques importantes.
La cause arménienne, elle, ne date pas d’hier. Elle existe depuis des siècles. Et dans toute crise, celui qui l’emporte à la fin, c’est celui qui est le plus résilient, celui qui a la capacité d’endurer. C’est là que l’Arménie, malgré toutes les adversités, pourrait bien finir par l’emporter.
Jean LACOMBE : Monsieur Franceschi, pourriez vous nous parler davantage du rôle de la France dans le conflit ?
Patrice FRANCESCHI : Tout à l'heure, j’ai eu l’occasion de discuter avec la commission militaire. C’est maintenant qu’il faut agir, car la situation devient critique. L’Europe, dans son ensemble, manque de personnel militaire. Les marins manquent, les bateaux sont inutilisables, et l’armée souffre d’un énorme manque de moyens. On vit dans une Europe qui ne veut pas se battre, qui est endormie. Ce n’est pas l’Arménie, ce n’est pas le Haut-Karabakh, mais c’est la réalité. On peut mettre des milliards, mais ça ne résout rien à court terme.
Les attaques politiques sont inévitables. Les armées de l’Iran sont en faiblesse, mais ce qui se passe au Karabakh est une leçon. La situation est ouverte et dangereuse. En France, on se débat avec des politiques qui ne changent rien. Les "17 articles" de paix sont des illusions, rien ne bouge réellement. J’ai passé des mois dans les tranchées en Arménie, et l’écart avec l’ennemi est énorme. Les Arméniens se battent avec des moyens dérisoires, mais leur moral est exceptionnel.
Mais tout est une question de politique du fait accompli. La Turquie attaque, et que fera-t-on ? Rien, à part des protestations. Le problème, c’est que la politique française et européenne ne prend pas au sérieux cette situation de guerre imminente. La défense de l’Arménie n’est pas assurée, et il est grand temps de prendre des mesures concrètes avant qu’il ne soit trop tard.
Retrouvez l'intégralité de la captation vidéo ici :
https://youtu.be/3bp-NN4rD8o
Le 27 mars 2025, l’antenne niçoise du Laboratoire de la République a été officiellement lancée lors d’une soirée accueillie au Centre Universitaire Méditerranéen. Un lieu symbolique pour une étape importante : l’ancrage local d’une dynamique nationale initiée en 2021, ouverte à toutes les forces vives du territoire.
Plus de 150 personnes ont répondu présentes à cet événement : des citoyens engagés, des jeunes, des enseignants, des élus, des acteurs associatifs, mais aussi quelques représentants du monde économique. Ce large rassemblement témoigne de l’attente, du besoin, et de la volonté de s’impliquer concrètement pour faire vivre la République, ici et maintenant.
Une initiative née au cœur des défis contemporains
Créé en 2021 par Jean-Michel Blanquer, le Laboratoire de la République se donne pour mission de défendre les principes républicains face aux tensions identitaires, à la montée des extrêmes et au recul du débat démocratique. Son action repose sur trois piliers : transmettre, agir, expérimenter.
Avec le lancement de l’antenne niçoise, c’est une nouvelle page qui s’ouvre, fondée sur la co-construction et la participation. Il s’agit d’ancrer la République dans la réalité locale, en s’appuyant sur les énergies du territoire notamment celles de la jeunesse et du monde économique.
Une soirée d’engagement et de prise de conscience
Les interventions croisées de Jean-Michel Blanquer et de Christian Estrosi, maire de Nice et président de la Métropole, ont donné le ton. Ensemble, ils ont souligné l’urgence de se mobiliser pour réaffirmer les valeurs universalistes des Lumières et redonner corps à un idéal républicain commun.
Jean-Michel Blanquer a mis en garde contre la fragmentation du débat public et les menaces qui pèsent sur l’unité républicaine. Christian Estrosi a rappelé que la République ne se décrète pas : elle se vit au quotidien, dans les écoles, les associations, les institutions, et à travers chaque engagement civique.
La Fresque de la République : un outil concret pour les jeunes
À l’occasion de ce lancement, les missions locales du département ont découvert la Fresque de la République, premier outil pédagogique développé par le Laboratoire. Il s’agit d’un support innovant, interactif et accessible, conçu pour permettre aux jeunes de s’approprier les valeurs républicaines de manière participative.La fresque favorise le débat, l’expérimentation et l’intelligence collective. Elle incarne l’approche du Laboratoire : faire vivre la République non par l’abstraction, mais par l’expérience et l’échange.
Le monde économique invité à s’impliquer
La présence des représentants du monde économiques local (UPE, CCI) a permis d’amorcer des discussions prometteuses afin de créer des liens avec le monde de la jeunesse. Le Laboratoire souhaite associer pleinement les entreprises et les réseaux professionnels à la dynamique républicaine : inclusion, responsabilité sociétale, éthique, formation civique… autant de sujets sur lesquels leur rôle est central.
Une antenne à construire ensemble
Ce lancement est avant tout un point de départ. L’antenne niçoise du Laboratoire de la République est un espace à imaginer collectivement, ouvert à toutes les contributions. Chacun, selon son parcours et ses convictions républicaines peut y trouver sa place.
Le Laboratoire est une plateforme vivante, ouverte à celles et ceux qui veulent s’engager pour une République concrète, inclusive, et tournée vers l’avenir.
La jeunesse, moteur de la République vivante
Si la République est un héritage, elle est surtout une promesse à tenir et à renouveler. Et cette promesse ne peut être portée sans l’engagement des jeunes générations. Le lancement de l’antenne niçoise a donné une place centrale à cette conviction : la République ne se transmet pas uniquement par des discours, elle se vit, se questionne et se transforme par celles et ceux qui s’en emparent.
Lycéens, étudiants, jeunes en formation, en service civique, en recherche d’emploi, militants associatifs ou citoyens en devenir : vous êtes au cœur des enjeux républicains. Vous êtes confrontés aux défis contemporains — inégalités, discriminations, crises démocratiques, écologiques ou sociales — et vous êtes aussi porteurs de réponses, d’élans, d’innovations.
Le Laboratoire de la République vous appelle non pas à adhérer à un dogme, mais à prendre part à une aventure collective, ouverte, exigeante. Ici, vous avez la possibilité d’imaginer des outils d’éducation citoyenne, de créer des événements, de faire entendre vos voix dans les débats, de tisser des ponts entre générations, entre quartiers, entre mondes parfois trop cloisonnés.
Rejoindre l’antenne du Laboratoire, c’est accéder à un espace d’expression, de construction et d’action. C’est aussi faire l’expérience concrète d’une République qui écoute, qui soutient, qui grandit avec ceux qui la font vivre.
À Nice comme ailleurs, la jeunesse n’est pas la République de demain : elle en est déjà la force active, le souffle critique, l’espoir engagé. À vous maintenant de la faire vibrer, de la porter haut, de la transmettre à votre tour.
https://www.youtube.com/watch?v=ut2NQlbTZ-I
Mercredi 3 avril, l’antenne d’Orléans a eu le plaisir d’organiser une conférence autour du thème des énergies du futur, en présence de deux intervenantes de haut niveau : Annick Noble, directrice régionale de Total Énergie pour le Centre-Val de Loire, et Christine Rousselle, professeure à Polytech Orléans et spécialiste des questions liées à l’hydrogène.
Les échanges ont débuté par un constat lucide sur la situation énergétique mondiale. Aujourd’hui, 4,5 milliards d’êtres humains n’atteignent pas le niveau minimal de consommation énergétique estimé à 70 GJ par habitant, tandis que certains pays dépassent les 240 GJ/hab. D’ici 2050, la demande énergétique sera multipliée par quatre, la demande d’électricité croissant au même rythme que le PIB mondial. Si la croissance des énergies renouvelables s’est accélérée depuis 2015, 74 % de la production mondiale d’électricité repose encore sur le charbon ou le gaz naturel. Le transport constitue le deuxième poste d’émission de gaz à effet de serre.
Dans ce contexte, plusieurs technologies déjà matures permettent de réduire les émissions : remplacer le charbon par du gaz et des renouvelables pourrait éviter jusqu’à 8 milliards de tonnes de CO₂, et l’électrification du transport routier jusqu’à 6 milliards. Toutefois, les scénarios prospectifs (Trends, Momentum, Rupture) montrent que seule une véritable rupture permettrait de rester sous le seuil de +2°C, alors que le scénario actuel (« Trends ») conduit à une hausse de +2,7°C.
La conférence a permis de discuter des leviers techniques nécessaires : électrification, décarbonation du réseau, mobilité durable, biogaz, circularité des plastiques, ou encore CCS (Carbon Capture and Storage). Mme Rousselle a mis en garde contre une vision idéalisée de la transition énergétique, qui génère paradoxalement du CO₂ (fabrication d’éoliennes, infrastructures) et dépend d’investissements lourds.
Elle a également souligné les difficultés structurelles : inertie des systèmes, acceptabilité sociale limitée (rejets locaux d’éoliennes ou de champs photovoltaïques), retards d’infrastructures et manque d’investissement privé. La transition électrique de la France est estimée à 80 milliards d’euros par an, soit environ 1200 € par habitant. À cela s’ajoute le besoin d’environ 150 réacteurs nucléaires, avec un délai moyen de 10 ans pour leur construction.
Le débat a mis en lumière la complexité du développement de l’hydrogène : aujourd’hui, la France en consomme 1 million de tonnes par an à usage industriel, mais l’hydrogène vert reste marginal. Plusieurs types existent :
• Gris / Noir : issu des énergies fossiles ;
• Bleu : identique mais avec captation du CO₂ ;
• Vert : produit via électrolyse de l’eau ;
• Orange, Jaune, Blanc : selon l’origine (nucléaire, catalyseurs, sources naturelles souterraines).
Toutefois, l’hydrogène est explosif, coûteux, difficile à stocker, et ne peut être généralisé sans coordination de la demande. D’autres options comme l’ammoniac, liquide mais toxique, sont aussi à l’étude.
Enfin, les intervenantes ont insisté sur la nécessité d’un mix énergétique adapté à chaque territoire. Il n’existe pas de solution unique : la Norvège a presque entièrement électrifié ses transports, quand Singapour dépend de l’électricité importée de Malaisie. Les camions longue distance pourraient fonctionner à l’hydrogène (malgré un coût 6x supérieur), ceux de courte distance à l’électricité, tandis que l’aviation reste le secteur le plus difficile à décarboner, malgré les biocarburants.
À l’échelle européenne, bien que l’UE ne représente que 8 % des émissions mondiales, son rôle normatif reste essentiel. Mais sans pérennité des politiques publiques ni connaissance fine des enjeux par les décideurs, les efforts restent limités. Le nucléaire, bien qu’en croissance (avec 450 centrales dans le monde, dont 60 en construction), ne peut à lui seul porter la transition.
Les deux intervenantes ont conclu en soulignant que cette transition nécessite des choix politiques stables, un engagement collectif et un changement de mentalité. Il ne s’agit plus de savoir si nous devons agir, mais comment le faire, avec réalisme, ambition et justice.
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