
Depuis plusieurs mois, la taxe Zucman suscite le débat aussi bien dans l’hémicycle que dans les médias. Adoptée en février dernier puis rejetée par le Sénat en juin, cette proposition de loi interroge autant qu’elle divise.
Les origines de la taxe Zucman
Présenté par le groupe Écologiste et Social, cet impôt s’appliquerait sur la fortune des 0,01% des contribuables qui détiennent un patrimoine de plus de 100 millions d’euros. Ces derniers devraient alors s’acquitter d’un impôt équivalent à au moins 2% de leur fortune. Dans le cas où les impôts normalement dus seraient inférieurs à ce taux, les redevables devraient s’acquitter de la différence.
Les travaux de l’économiste Gabriel Zucman, président de l’Observatoire fiscal de l’Union européenne, défendent que cette imposition différentielle permettrait de générer 15 à 25 milliards de recettes supplémentaires et ainsi d’augmenter le budget de l’État. Selon lui, en exprimant le taux d’imposition effectif comme une fraction du revenu et en prenant en compte l’ensemble des impôts acquittés par un contribuable, au-delà de l’impôt sur le revenu, les Français paieraient en moyenne 45% à 50% d’impôts tandis que ceux appartenant à la catégorie des « ultras-riches » ne contribueraient qu’à hauteur de 26% environ.
Le rapport de l’Observatoire fiscal de l’Union européenne de 2024 démontre que les milliardaires s’acquitteraient en France d’un impôt effectif moyen presque nul. Ils paieraient environ 2% de leur revenu en impôt à titre personnel, ce qui correspond à 0,1% de leur fortune. Bien que leur patrimoine soit plus élevé, leur imposition serait nettement inférieure aux autres catégories de contribuables. La principale raison pointée par cette analyse est le recours à des montages en holdings qui les placeraient dans une « zone grise » sur le plan fiscal.
Dans un sens plus large, ce phénomène s’explique principalement par le fait que la fortune de ces individus repose sur des actifs financiers et professionnels dont la valeur, bien que croissante, n’est imposée que lorsque des gains sont réalisés, comme lors d’une vente. En ce sens, les partisans de la taxe Zucman soutiennent que ce dispositif permettrait d’affirmer le principe d’égalité devant l’impôt et de faciliter le financement des services publics.
Il convient de préciser que, selon les statistiques livrées par la Direction générale des finances publiques (DGFiP), les 0,1% de foyers fiscaux redevables d’un taux marginal d’imposition de 45%, le plus élevé du barème, contribuaient à hauteur de 13,6% du montant total de l’impôt sur le revenu en 2023. Les foyers concernés par le taux marginal de 30% représentaient le principal contributeur avec 53% du montant total de l’impôt au barème progressif, pour seulement 16,7% des foyers fiscaux. Le rapport de la DGFiP présente également que les 10% des foyers fiscaux les plus aisés se sont acquittés d’un impôt d’en moyenne 15,2% de leur revenu fiscal de référence en 2023. Leur contribution représentait alors les trois quarts des recettes d’impôt sur le revenu.
L’identification des redevables à partir d’une fortune plancher
La taxe Zucman s’appliquerait à tout contribuable dont l’ensemble des actifs a une valeur supérieure à 100 millions d’euros. L’assiette de cet impôt plancher sur la fortune se basera sur la valeur nette au 1er janvier de l’année de l’ensemble des biens, droits et valeurs imposables des contribuables visés. Elle prendra également en compte l’administration légale de ces biens par leurs enfants mineurs. Les montages patrimoniaux, les contrats d’assurances-vie et les fruits qui en sont issus seront aussi pris en compte, empêchant la mise en place de stratégies d’évitement fiscal. Toutefois, il convient de préciser qu’un abattement d’un million d’euros est prévu sur la valeur de la résidence principale des redevables.
Les contribuables ayant leur domicile fiscal en France ainsi que les non-résidents possédant des biens situés en France devront s’acquitter de cet impôt dès lors qu’ils atteindront ce niveau de patrimoine. Les redevables ont été estimés à 1 800 foyers en France.
Le risque d’un frein au développement
Considérée comme indispensable par une partie de la classe politique, cette mesure représente toutefois un alourdissement non négligeable de la fiscalité qui peut devenir un frein pour le développement des entreprises françaises et en particulier celui des licornes comme Mistral IA, Quonto ou encore Verkor. Cependant, une adaptation sera nécessaire pour éviter que ces entreprises bien valorisées mais difficilement lucratives sur le court terme ne soient contraintes de vendre une partie de leurs actifs voire de s’exiler fiscalement afin de poursuivre leur développement. En effet, comptabiliser les actifs professionnels dans la base de cette imposition nécessiterait l’application d’un taux bien plus faible.
Bien que le texte ait été rejeté par le Sénat, la dynamique actuelle en faveur d’une taxation plus forte des grandes fortunes tend à ce que l’on retrouve une proposition similaire avec une base plus restreinte, ou une proposition alternative visant la contribution différentielle sur le patrimoine ou la taxation des holdings, dans le projet de loi de finances (PLF) 2026 qui sera présenté cet automne.
Sources :
https://www.taxobservatory.eu/www–site/uploads/2023/10/global_tax_evasion_report_24.pdf https://www.senat.fr/leg/ppl24–380.html
https://www.impots.gouv.fr/sites/default/files/media/9_statistiques/0_etudes_et_stats/0_publications/d gfip_statistiques/2025/num32_04/dgfip_stat_32_2025.pdf