Lettre d’Amérique (2) : quelle vérité aux Etats-Unis ?

par Thomas Clay le 21 octobre 2024 élections américaines
Alors que les États-Unis se préparent à une nouvelle échéance électorale décisive, l'ombre du doute et de la désinformation plane sur le processus démocratique. Dans cette deuxième "Lettre d’Amérique", nos laborantins sur place partagent leurs observations sur un climat politique où la vérité semble devenir un enjeu secondaire, reléguée derrière des stratégies de communication agressives et des mensonges répétés. Ce phénomène, déjà aperçu lors des élections de 2016, semble aujourd’hui s'intensifier à l'intérieur même du pays, mettant à rude épreuve la démocratie américaine.
Chers Laborantins, À mesure que l’échéance approche la fébrilité gagne partout. Sur la côte est, le pessimisme gagne chez les libéraux qui ne comprennent pas cette Amérique capable de voter pour ce Donald Trump, aussi caricatural. Lui-même n’en cure et il a même trouvé cette semaine de nouveaux caps à franchir dans l’ignominie et le mensonge. Rien ne l’arrête. Et il a raison puisque ça marche. On reproche même désormais à Kamala Harris d’être trop lisse… C’est sûr que, par comparaison avec les fantasmes agités, celle qui dit la vérité pourrait paraître ennuyeuse par rapport à celui qui la traite de déficiente mentale. Faut-il insulter pour être entendu ? Faut-il mentir pour être compris ? Tel est le sujet de cette deuxième lettre d’Amérique : la vérité. La vérité des propos, mais aussi la vérité des résultats, dont on annonce déjà qu’ils seront contestés par Donald Trump s’il perd. En somme, soit il gagne, et les résultats sont exacts, soit il perd et ils sont faux. La vérité n’est clairement ici ni une préoccupation ni une finalité. Lors de la campagne de 2016, la désinformation semblait venir de l’extérieur, notamment de Russie. Pour ce nouveau scrutin, elle semble nourrie de l’intérieur. Véritable cheval de Troie contre la démocratie, la désinformation ou mésinformation semble avoir pénétré la société américaine. La Constitution américaine accorde une place proéminente à la liberté d’expression, les tentatives de modération de contenu sont presque automatiquement considérées comme de la censure. Il faut faire la distinction entre l’expression sur les réseaux sociaux qui bénéficie d’une protection quasi-absolue, et la liberté de la presse. Les réseaux sociaux ont permis de faire émerger un nouveau mode d’expression permettant d’échanger globalement et d’avoir une audience plus large que par les médias traditionnels. Il est très compliqué pour le gouvernement américain de réguler les réseaux sociaux. Même les tentatives de modérations par les plateformes elles-mêmes peuvent être très critiquées. Il s’agit d’un nouvel espace de discussion mais aussi de campagne. Les personnalités politiques profitent de ce nouveau moyen de communication, protégé par la Constitution, pour faire une campagne plus agressive, choc, agrémenté de formules chocs et d’informations erronées. La digitalisation généralisée de la campagne actuelle renforce la pratique de désinformation. Théâtres des dérives antidémocratiques, les réseaux sociaux pullulent de fausses informations sur les candidats. Dans ce déluge de mensonges, difficile pour l’électeur de faire un choix éclairé. Plus difficile encore d’avoir un espace de débat politique neutre et analytique alors que la plupart des médias prennent parti. Donald Trump est bien connu pour son utilisation compulsive de son propre réseau social, malicieusement nommé « Truth Social », ce qui n’est pas le moindre des paradoxes pour celui qui a érigé le mensonge en mantra. Singulier retournement de l’histoire que ce réseau social créé après avoir été évincé de Tweeter, alors que celui-ci, devenu X, est désormais la propriété d’Elon Musk, lequel fait campagne pour Trump en épousant totalement les excès et les mensonges. Mais où est la vérité si elle n’est ni sur X ni sur Truth Social ? Les médias traditionnels sont eux aussi de plus en plus traversés par des postures politiques revendiquées. C’est la « Foxnewsisation » des médias. CNN fait office de contrepoids, même si elle ne transige pas, elle, avec la vérité. Ainsi la première interview de Kamala Harris sur Fox News fut édifiante : on a assisté à une réelle passe d’armes avec Bret Baier, le plus politique des présentateurs de la chaine d’extrême droite. Parfait exemple de framing, la façon de formuler les questions influait sur ce que le spectateur allait retirer de l’interview. Demander à la candidate Harris “ how many illegal immigrants [the Biden administration had] released into the country” (se traduisant par : combien d’immigrants illégaux l’administration Biden a libéré dans le pays) sous-entend directement, peu importe la réponse, que l’administration actuelle aurait délibérément “lâché” dans la société américaine des immigrants illégaux. La collusion entre les médias et la campagne est particulièrement délétère pour la démocratie. La presse, qui devrait jouer un rôle de supervision des politiques, semble malléable et partisane. Avec ces vérités plurielles, difficile d’imaginer comment les électeurs de la city upon the hill peuvent faire un choix éclairé et libre de toute influence dans deux semaines. L’ironie de telles pratiques dans la plus vielle démocratie du monde devrait nous inquiéter. L'exercice démocratique semble entaché de mensonges qui brouillent la capacité de réflexion, et de choix. Les jours qui nous séparent de l’élection risquent de voir une course à la surenchère de fausses informations pour discréditer la partie adverse. Espérons que mensonges et demi-vérités ne triompheront pas car c’est bien la démocratie qui est en jeu. Et, malheureusement, on le sait, les Etats-Unis sont souvent à l’avant-garde de ce qu’on trouve ensuite en Europe. Thomas Clay

Lettre d’Amérique

par Alexandre Alecse , Elise Torché , Thomas Clay le 14 octobre 2024 Maison blanche
Cette Lettre des Etats-Unis hebdomadaire a pour objectif de profiter de la présence de certains membres du Laboratoire aux États-Unis pendant cette période politique exceptionnelle que constitue l’actuelle campagne électorale pour l’élection du 5 novembre. Chacun sait que ce qui se joue ici n’est pas seulement l’élection du prochain président des Etats-Unis, mais une part de l’avenir du monde, en même temps qu’une pratique de la démocratie, qui correspond au cœur de métier du Laboratoire de la République.
Chers Laborantins de la République, Cette Lettre des Etats-Unis hebdomadaire a pour objectif de profiter de la présence de certains membres du Laboratoire aux États-Unis pendant cette période politique exceptionnelle que constitue l’actuelle campagne électorale pour l’élection du 5 novembre. Chacun sait que ce qui se joue ici n’est pas seulement l’élection du prochain président des Etats-Unis, mais une part de l’avenir du monde, en même temps qu’une pratique de la démocratie, qui correspond au cœur de métier du Laboratoire de la République. Vu d’ici, la perspective n’est pas exactement la même que de France, et ce qu’on observe au contact, comme disent les militaires, mérite d’être rapporté aux membres de notre Laboratoire. Car c’est bien aussi une forme d’expérimentation, non pas de la République, mais de la démocratie qu’on observe ici, tels des laborantins avec leurs paillasses et leurs éprouvettes. Le scrutin qui désignera le prochain occupant de la Maison Blanche se tiendra dans un peu moins d’un mois. Les votes par correspondance ont déjà ouvert, en témoignent les boîtes postales couvertes de signes “Official Ballot Drop Box”. Suite au résultat du 5 novembre prochain, Donald Trump (Républicain) reprendra ses quartiers à la Maison Blanche ou bien Kamala Harris (Démocrate) déménagera de l’Observatory Circle à Pennsylvania Avenue pour le bureau Ovale. Le scrutin de novembre voit se disputer deux candidats aux parcours et aux personnalités très différentes : Donald Trump, Président de 2016 à 2020, Républicain, prétendument milliardaire, ancien animateur de télé-réalité et Kamala Harris, Vice-Présidente des Etats-Unis (2020-2024), ancienne procureure générale de Californie, fille d’un immigrant jamaïcain et indien. Les élécteurs américains vont-ils élire pour la première fois une femme à la Maison Blanche ou bien réélire pour un second mandat leur Président le plus clivant sur la scène internationale, par ailleurs pénalement poursuivi et condamné ? Mais vu d’ici, il y a match et c’est très serré. Les derniers sondages, conduits du 4 au 7 octobre, indiquent 50% des voix pour Kamala Harris, 48% pour Trump (sondages conduit sur les électeurs inscrits sur les listes). Mais le système de scrutin indirect avec les Grands électeurs par État, au scrutin parfois majoritaire parfois proportionnel, rend l’examen des projections nationales inutiles, puisque tout se joue dans les sept fameux Swing States. C’est là que la bataille se mène et que les électeurs sont sur-sollicités, voire harcelés, pour voter pour lui ou elle. Parmi ces sept Swing States, le plus important est la Pennsylvanie (19 grands électeurs) et la plupart des cantons de cet État sont déjà figés. Résultat : le vote de deux cantons fera pencher la balance vers un candidat ou l’autre et tranchera l’élection du chef de la première puissance mondiale. Sans parler des débats politiques qui sont d’un niveau extrêmement faible et dans lesquels clairement la recherche de la vérité n’est un objectif. La punchline sert de viatique. Le sujet principal est le montant des fonds de soutien qui auront été levés, et le soutien supposé de certaines catégories de la population, qui se trouve saucissonnée. Le vote est recherché en fonction de ce qu’on est et non pas de ce qu’on pense. Il faut convaincre la femme noire de plus de 50 ans habitant dans le canton sud de Pittsburg. C’est là que ça se joue ! Est-ce vraiment cela la démocratie ? Quels enseignements en tirer pour nous, pour la République, pour le Laboratoire de la République ? Les histoires mutuelles de la France et des Etats-Unis n’ont-elles pas des influences communes ou réciproques, dans lesquelles ils font à nouveau se plonger pour en tirer le meilleur des deux côtés de l’Atlantique ? Tel est l’objet de cette lettre des Etats-Unis. Suite au prochain numéro. Thomas Clay Alexandre Alecse Elise Torché Laborantins actuellement aux Etats-Unis

À la recherche de l’identité perdue

par Marie-Victoire Chopin , Thierry Taboy le 10 octobre 2024 Santé_mentale_T_Taboy-M_V_Chopin_LAB
En cette Journée mondiale de la santé mentale, Thierry Taboy et Marie-Victoire Chopin abordent les défis psychologiques auxquels sont confrontés les jeunes aujourd'hui. Depuis deux ans, Marie-Victoire Chopin, docteur en psychologie, DMU Neurosciences, APHP Sorbonne Université, et Thierry Taboy, coordinateur de la commission technologique du Laboratoire de la République, mènent un combat contre les troubles identitaires exacerbés par le numérique.
Devant le miroir du matin, nous nous dévisageons, scrutant celui ou celle que nous sommes. Et nous choisissons celui ou celle que nous allons être. De la tenue que nous allons enfiler aux rôles que nous allons jouer en privé ou en public, tout relève d’un jeu paradoxal entre notre besoin de singularité et notre désir de reconnaissance. La sortie du paradoxe semble impossible: il faut que chacun de nos gestes traduise notre individualité, tout en la faisant accepter par les autres. Dans ces conditions, un avatar devient une version épurée de nous, répondant à ce paradoxe. Le concept de singularité, comme présenté par le sociologue Andreas Reckwitz, met en lumière la quête moderne de l'originalité et de l'unicité. Cette recherche de singularité affecte de nombreux aspects de la vie quotidienne, de la nourriture que nous mangeons à nos choix personnels. Reckwitz souligne que cette logique de particularité peut entraîner une crise de l'universalité. Qui apparaît dans ce reflet du miroir – l'explorateur des mondes virtuels, le professionnel impeccable, le séducteur des réseaux de rencontre ? Aujourd'hui, notre soi authentique semble fragmenté, dilué dans une marée d'avatars et de profils. Chaque compte social est une image déformée de nous ; mais comment ces reflets numériques façonnent-ils notre sentiment d'identité profonde ? La construction de l'identité personnelle, le jeu comme constante. Notre identité se façonne dès la tendre enfance, à travers les jeux et les rôles que nous incarnons en imitant le monde des adultes. Selon Winnicott, c'est dans le jeu que nous sommes véritablement libres de nous manifester. Erikson, lui, identifie l'identité comme un sentier parsemé de crises, chaque étape étant essentielle dans notre développement. Alors que nous grandissons, ces jeux évoluent, s'entrelacent avec les outils digitaux pour former de nouveaux masques, de nouvelles identités. L'identité est un concept complexe qui englobe à la fois des aspects objectifs et subjectifs. Objectivement, chaque individu est unique sur le plan génétique. Subjectivement, l'identité renvoie à la conscience de son individualité, de sa singularité et à une continuité dans le temps. Cet aspect est important non seulement pour le sujet lui-même mais aussi pour son entourage, qui attend cohérence et constance dans les comportements de l'individu.L'identité comprend diverses composantes telles que l'identité perçue par soi-même et par autrui, le sentiment de soi, l'image et la représentation de soi, l'estime de soi, la continuité personnelle, le soi intime versus le soi social, et le soi idéal versus le soi réel. Ces différents aspects contribuent à former une notion complexe d'identité. Ainsi, l‘identité subjective est profondément sociale. Le besoin de reconnaissance est souvent lié à des personnes ou des groupes de référence importants pour nous, où être reconnu signifie être apprécié et aimé. Cette reconnaissance est un facteur clé dans l'estime de soi et l'existence perçue. Le perfectionnisme est parfois une conséquence de ce besoin de reconnaissance et de validation par ces figures significatives. Comment rester soi au milieu de cette métamorphose ? Rogers interrogeait déjà l'influence terrifiante de voir nos multiples facettes se projeter dans un monde où la perception de soi s'en trouve fragmentée. Identités et numérique Sur les scènes des réseaux sociaux, nos existences se déclinent en multiples versions. Instagram immortalise nos moments les plus photogéniques, LinkedIn expose nos ambitions, et les sites de rencontre esquissent des séducteurs idéalisés. Les jeux multijoueurs nous permettent de devenir de vrais transformistes en relation avec nos projections de notre moi profond (genre, culture, langue..). La simplicité enfantine qui nous offre de créer nos propres « deepfakes» personnels élève cette curation de soi à un niveau vertigineux, brouillant la ligne entre réalité et représentation, authenticité et artifice. Sherry Turkle nous rappelait déjà en 2011 que ces technologies ne se limitent pas à être des moyens d'expression – elles modèlent notre identité même. Une vulnérabilité augmentée Pour celles et ceux déjà aux prises avec des troubles psychologiques, les espaces numériques et sociaux ne sont pas de simples distractions. Ils peuvent agir comme des révélateurs, intensifiant les symptômes de mal-être. John Suler a discuté de l'effet d'anonymat en ligne et comment le manque de repères tangibles peut mener à une altération de l'identité. Dans un univers où l’enveloppe physique s’efface au profit de l’avatar, il est essentiel d'offrir un accompagnement adapté, en particulier aux plus jeunes d’entre-nous.L'éducation numérique, la sensibilisation aux risques et un dialogue ouvert sur la santé mentale doivent être des priorités pour protéger et fortifier notre jeunesse face à ces défis modernes. Fragmentation de l'identité et risques psychologiques La diversité de nos "mois" numériques peut être source de confusion et de conflit interne. Elias Aboujaoude souligne la dangerosité de nos identités virtuelles séparées de notre réalité, qui peuvent mener à des affections psychologiques graves. Jean Twenge va plus loin en indiquant l'impact délétère de ce phénomène sur les adolescents, traduit par une augmentation de la dépression et de l'anxiété. Brené Brown, quant à elle, nous oriente vers l'authenticité et le courage d'être nous-mêmes, dans un monde qui met souvent l'accent sur la perfection. Et face à la dissonance entre le réel et le virtuel, Katherine Hayles questionnait dès 1999 la formation d'une schizophrénie posthumaine, où l'intégrité de l'individu est mise à rude épreuve). Dans le mirage numérique, nous sommes invités à renouer avec l'individu qui se dissimule derrière les avatars – celui qui respire, rêve, et aime réellement. Il est temps de se poser des questions essentielles sur notre identité et de la cultiver avec sincérité.Sommes-nous les auteurs de notre existence ou les acteurs d'un rôle scripté par d'autres ? Plaidoyer pour l'intégrité, nous lançons un appel à vivre authentiquement. Cherchons à établir notre identité sur des bases solides, stables, et véritablement nôtres. Résistons à la co-modification de soi et embrassons notre vraie nature dans ce théâtre d'avatars. Au fond, la personne que nous rencontrons dans le miroir sans fard, sans artifices, mérite notre attention la plus authentique et notre affection la plus vraie. Puissions nous tous vivre en concordance avec notre âme, dans un univers constamment remis en question par la technologie et les apparences.

Travaux “FORCES MORALES, QUELS FACTEURS DE MOBILISATION DE LA JEUNESSE POUR LA DÉFENSE DE LA NATION”

le 19 juillet 2024 Visuel de l'ouvrage de l'Ecole de Guerre et du Laboratoire de la République
Le comité de l’École de guerre, en partenariat avec le Laboratoire de la République, a choisi de se tourner vers ceux qui incarnent l'avenir de notre pays : la jeunesse de France, particulièrement celle née après la suspension du service national. Cette initiative vise à explorer les perceptions et les motivations des jeunes vis-à-vis de la défense nationale. Quels sont leurs sentiments envers la défense de la nation ? Sont-ils prêts à s'engager pour cette cause ? En ont-ils la volonté ? Ces questions complexes nécessitent une analyse approfondie, qui ne peut être menée uniquement par les militaires. Huit étudiants du Laboratoire de la République ont été mobilisés pour examiner les facteurs influençant la mobilisation des jeunes. Leurs travaux, déclinés en cinq thèmes principaux, offrent une perspective éclairée sur la manière dont la jeunesse de France appréhende les enjeux de défense.
Forces morales de la jeunesse_Ecoledeguerre_LaboratoiredelaRépubliqueTélécharger Les perceptions de la Jeunesse Les analyses des étudiants révèlent que la perception de la défense nationale par la jeunesse est variée et complexe. Nombre d'entre eux voient la défense nationale non seulement sous l'angle militaire, mais aussi comme un engagement civique et citoyen. Cependant, certains stéréotypes persistent, notamment l'idée que la défense est l'apanage des militaires et que les civils, surtout les jeunes, n'ont pas de rôle direct à y jouer. L'engagement et la volonté L'étude montre que la volonté d'engagement existe, mais qu'elle est souvent conditionnée par une meilleure compréhension des enjeux et des opportunités offertes par la défense nationale. La suspension du service national a créé une distance entre les jeunes et les institutions militaires, distance qu'il est crucial de réduire par des initiatives de sensibilisation et d'information. Les thèmes d'analyse Les travaux des étudiants se concentrent sur cinq chapitres : Savoir, comprendre, agir : triptyque élémentaire comme gage de préparation à la défense du pays Le rapport à la solidarité et à l’adversité en période de conflit Le danger, l’ennemi, la mort : perceptions civiles et témoignages militaires Étude quantitative du rapport des jeunes à l’engagement Nation, Mémoire et Jeunesse : entre idylle et désamour Propositions et perspectives Parmi les propositions formulées, on trouve des recommandations pour intégrer davantage la défense nationale dans les programmes scolaires, des initiatives pour valoriser les engagements civiques liés à la défense, et des campagnes de communication visant à déconstruire les stéréotypes sur le rôle des jeunes dans la défense du pays. Un lien renforcé entre armées et nation Cette collaboration entre l’École de guerre et le Laboratoire de la République démontre la valeur du lien Armées-Nation. Elle montre également que les questions de défense nationale ne sont pas l'apanage des militaires, mais concernent l'ensemble des citoyens. Ce travail n'aurait pas été possible sans l'implication des jeunes auteurs : Roméo Chauvel, Xavier Chaumonot, Edgar Cherrier, Antoine Couteaux, Pierre Craddock, Valentine Gelpi, Anna Paszek et Nicolas Poussin. Un remerciement particulier est adressé au comité Ardant du Picq de l’École de guerre et à Erévan Rebeyrotte, chargé de mission au sein du Laboratoire de la République, pour leur soutien et leur engagement dans ce projet. En somme, cette réflexion conjointe ouvre la voie à une meilleure intégration de la jeunesse dans les enjeux de défense nationale, rappelant que chaque citoyen, quel que soit son âge, a un rôle à jouer dans la protection et la sécurité de notre nation.

Jean-Michel Blanquer : « Jamais l’offre politique n’a été autant en inadéquation avec la demande »

le 27 juin 2024 Jean-Michel Blanquer_Le_Point
EXCLUSIF. L’ex-ministre de l’Éducation nationale regrette que le « en même temps » soit apparu, à partir de 2022, comme une « série de zigzags ». Et juge la tripolarité « mortifère ».
Propos recueillis par Jérôme Cordelier Publié le 26/06/2024 à 06h20, mis à jour le 26/06/2024 à 08h07 Jean-Michel Blanquer sort du silence. Celui qui fut un des piliers du premier quinquennat d'Emmanuel Macron, au poste stratégique de ministre de l'Éducation qu'il a occupé de bout en bout durant cinq ans (longévité record), ne s'était pas exprimé depuis l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale par le président de la République. En exclusivité pour Le Point, le professeur de droit public à l'université Paris 2 Panthéon-Assas et fondateur du cercle de réflexion et d'action Laboratoire de la République tire les premiers enseignements politiques et institutionnels du séisme politique que nous vivons. Jean-Michel Blanquer sort du silence. Celui qui fut un des piliers du premier quinquennat d'Emmanuel Macron, au poste stratégique de ministre de l'Éducation qu'il a occupé de bout en bout durant cinq ans (longévité record), ne s'était pas exprimé depuis l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale par le président de la République. En exclusivité pour Le Point, le professeur de droit public à l'université Paris 2 Panthéon-Assas et fondateur du cercle de réflexion et d'action Laboratoire de la République tire les premiers enseignements politiques et institutionnels du séisme politique que nous vivons. Le Point : On ne vous a pas entendu depuis le choc de la dissolution. Pourquoi ? Vous avez été sidéré par cette décision comme nombre de Français ? Jean-Michel Blanquer : Il faut prendre le temps de la réflexion avant de s'exprimer. Les circonstances sont graves. Elles exigent de parler avec parcimonie et justesse si l'on veut être entendu et si l'on cherche ce qui permettra à la France de sortir par le haut de cette crise. Vous qui avez été l'un des piliers des gouvernements Macron pendant cinq ans, quelle lecture faites-vous de la confusion politique actuelle ? Jamais l'offre politique n'a été autant en inadéquation avec la demande politique. J'ai le sentiment que trois Français sur quatre veulent pour l'essentiel la même chose : une société avec plus d'ordre et de justice, un pays qui saurait mieux maîtriser son destin par une ligne claire et équilibrée. Or, ils n'ont pas les canaux politiques pour réaliser cette attente. C'était la promesse de 2017. À mes yeux, elle garde toute sa valeur mais elle a été perdue en chemin. En premier lieu, il y a eu une déstructuration de l'offre politique à partir du moment où le « en même temps » est apparu, en 2022, comme une série de zigzags au lieu d'être un dépassement des clivages par le haut. Cela supposait en particulier une ligne républicaine claire, simple et constante. J'ai été l'un des inspirateurs et des fermes soutiens du discours des Mureaux d'octobre 2020. Si cette ligne d'autorité républicaine avait été tenue jusqu'à aujourd'hui, il y aurait eu en 2022 une majorité absolue et nous serions actuellement dans une situation stable et sereine. « Le face-à-face macronisme-lepénisme ne peut rien porter de bon. Et la tripolarité avec une gauche inféodée à LFI est plus mortifère encore. On doit rétablir de la biodiversité politique. » En second lieu, l'offre politique est confuse parce qu'on a laissé monter les extrêmes, ce qui a d'abord détruit la gauche et la droite républicaines et menace maintenant le centre. Le face-à-face macronisme-lepénisme ne peut rien porter de bon. Et la tripolarité avec une gauche inféodée à LFI est plus mortifère encore. On doit rétablir de la biodiversité politique. Cela signifie que l'on doit appeler l'électorat, non pas à un front républicain, mais à un vote pour les partis républicains. Ce n'est pas la même chose. Il faut desserrer l'étau. Il faudra ensuite des coalitions saines permettant de gouverner le pays. Aujourd'hui, chaque circonscription est un cas particulier. Et la seule certitude est qu'il faut empêcher à tout prix les duels de deuxième tour entre le soi-disant « Nouveau Front populaire » et le soi-disant « Rassemblement national ». Au passage, notons que jamais deux noms n'ont été si mal portés. Édouard Philippe, François Bayrou, Bruno Le Maire et même Gabriel Attal ont pris leur distance avec le chef de l'État. Et vous ? J'ai une âme de mousquetaire. Je ne lâche jamais une cause ou un être que je sers. Mais, dans mon cas, c'est le président qui a pris ses distances parce que ma ligne agaçait par son républicanisme intransigeant. Édouard Philippe a pour la première fois acté sa rupture avec Emmanuel Macron en lui reprochant d'avoir « tué (sa) majorité ». Il a raison ? Ces questions devront être traitées et approfondies après les élections législatives. Ce qui compte maintenant, c'est que les forces républicaines l'emportent dans un maximum de circonscriptions. Gabriel Attal joue-t-il pour son camp ou pour lui-même ? Gabriel Attal a des talents de communication que personne ne conteste. Ils n'ont pas servi à empêcher la montée du RN, dont l'écart avec Renaissance a triplé de janvier à juin. Espérons que son implication actuelle sera plus efficace pour son camp. Peut-on éviter que ces élections se réduisent à un affrontement RN LFI ? Oui ! C'est une question de volonté. Encore une fois, c'est un enjeu d'offre politique. La proposition du camp républicain ne peut pas n'être que défensive. Ce ne doit pas être seulement d'empêcher les extrêmes d'arriver au pouvoir. Elle doit correspondre à un projet de société. L'environnement, l'éducation, la santé, la sécurité sont les piliers de cette définition d'un bon avenir pour nos enfants. Il y a tant de choses à proposer. Les idées ne manquent pas. Nous sortirons de cette nasse par un nouveau projet de société, pas en nous enfermant uniquement dans la lutte contre les extrêmes. Le retour à l'équilibre des comptes passera par un changement complet d'approche de la dépense publique. Nous dépensons beaucoup trop pour réparer et pas assez pour investir. La prise en compte des grandes révolutions de notre temps, je pense surtout à l'intelligence artificielle, et des grands défis présents – environnementaux et géopolitiques en particulier – appellent à une nouvelle créativité politique. C'est pourquoi la recomposition politique devra être totale. Pensez-vous qu'une coalition de modérés soit encore possible ? Qui pourrait l'incarner ? Oui, une coalition de modérés est possible. Mais aujourd'hui, il faut surtout avoir le sens du collectif. L'incarnation ne doit pas précéder le projet. Il y a plus le trop-plein que le vide en la matière. N'excluons pas l'hypothèse d'une personnalité neuve en mesure de fédérer des forces différentes. Bernard Cazeneuve, Manuel Valls et Jérôme Guedj sont les trois seuls à avoir dénoncé l'accord du Nouveau Front populaire avec LFI. Pourquoi sont-ils si isolés à gauche ? Ces trois hommes sont très estimables. Ils ont sauvé l'honneur de la gauche. C'est certainement avec eux qu'il faudra compter pour qu'elle se reconstruise sur des bases saines. Le Nouveau Front populaire est un déshonneur pour ceux qui viennent de s'y adonner. Ils usurpent un nom glorieux pour une cause honteuse. Comment au XXI siècle peut-on s'associer à un parti dont l'antisémitisme est malheureusement avéré ? ! Qu'auraient dit les mêmes si des personnalités de droite avaient fait le même calcul ? On peut paraphraser la formule utilisée envers les munichois : « Ils ont perdu et leur honneur et la guerre. » Car s'asseoir sur ses valeurs est non seulement une faute morale mais aussi une erreur stratégique. Former un cartel purement électoral pourrait ne pas être productif pour la gauche. Et totalement contre-productif pour vaincre l'extrême droite, cela, c'est certain. Trop souvent, nous aurons le cas d'un candidat « Front populaire » se qualifiant pour le second tour qui s'effondrera face au RN alors qu'un candidat des forces républicaines l'aurait emporté. On est donc en présence d'un cynisme au carré. Voter Nouveau Front populaire, c'est, premièrement, cautionner l'alliance avec des antisémites, et, deuxièmement, favoriser le Rassemblement national. Cela devrait faire réfléchir nombre d'électeurs de gauche. Le leadership doit complètement changer de ce côté-là. Il est inouï de voir des « chefs » transformer l'or de 14 % à l'élection européenne en plomb de la soumission aux Insoumis. Vous qui venez de la société civile, croyez-vous encore à la politique ? Oui, bien sûr. Affirmer le contraire n'aurait aucun sens. Qu'est-ce que la politique sinon la réunion des citoyens pour définir ensemble un destin commun. Notre société est travaillée par l'individualisme, le communautarisme et le matérialisme. Elle se détériore à cause de cela et cela laisse la place aux extrêmes qui bénéficient de l'angoisse ainsi créée. Il faut plus que jamais retrouver le sens du contrat social. « Parmi d’autres idées, je finis par me demander s’il ne faudrait pas introduire dans la Constitution l’exigence d’avoir exercé une activité professionnelle pendant au moins dix ans pour accéder à une fonction gouvernementale. » De nombreux Français sont affligés par le spectacle que donnent les responsables politiques, toutes tendances confondues. Et vous ? On ne retient que ce qui est affligeant. Le bien ne fait pas de bruit. Il y a pourtant de nombreux responsables politiques qui agissent pour le bien commun. Cela se voit à l'échelle locale. À l'échelle nationale, il n'y a pas moins de vertus. Mais elles sont plus attaquées. Tout tire vers le bas par l'excitation des passions, l'esprit de dérision, la critique caricaturale. La dévalorisation de la fonction politique risque d'éloigner les profils les plus valables. Parmi d'autres idées, je finis par me demander s'il ne faudrait pas introduire dans la Constitution l'exigence d'avoir exercé une activité professionnelle pendant au moins dix ans pour accéder à une fonction gouvernementale. La domination de la logique de communication est délétère. Vous qui êtes professeur de droit public et constitutionnaliste percevez-vous une crise de régime ? Il y a la lettre et l'esprit des institutions. Les deux doivent être respectés. L'article 12 – qui permet la dissolution – fait partie des « pouvoirs propres » du président, de ces prérogatives qu'il peut exercer sans contreseing des ministres. Mais pouvoir propre ne veut pas dire pouvoir discrétionnaire. Dissoudre un soir d'élection est un contresens. Cette décision ouvre une cicatrice d'un siècle et demi. En 1877, l'usage de la dissolution par le président Mac Mahon avait abouti à une crise de la III République naissante et à une éclipse de la fonction présidentielle jusqu'à 1958. Les dissolutions ont été très rares depuis 1955 et un recours exceptionnel à l'initiative d'Edgar Faure. Elles ont servi à résoudre des désaccords entre l'exécutif et le Parlement, à aligner une majorité parlementaire sur une nouvelle majorité présidentielle ou à faire trancher par les urnes des troubles dans la société. Déjà, la dissolution de 1997 avait été mal fondée et aurait dû servir de cuti de rappel. Le président aurait pu dissoudre à la rentrée pour tenir compte d'une éventuelle impasse parlementaire. Cela aurait été naturel et compréhensible. Mais on ne fait pas arbitrer une élection – dont on a dit en plus à l'avance qu'elle ne concernait que l'Europe – par une autre élection. La dissolution n'est pas faite pour cela. Cela peut ouvrir une crise de régime. Cela dépend de nous. Prenons garde de ne pas perdre au passage ce que les institutions de la V République gardent de très précieux pour nous dès Mais on ne fait pas arbitrer une élection – dont on a dit en plus à l'avance qu'elle ne concernait que l'Europe – par une autre élection. La dissolution n'est pas faite pour cela. Cela peut ouvrir une crise de régime. Cela dépend de nous. Prenons garde de ne pas perdre au passage ce que les institutions de la V République gardent de très précieux pour nous dès lors que l'on en fait bon usage. Lire : EXCLUSIF. Jean-Michel Blanquer : « Jamais l’offre politique n’a été autant en inadéquation avec la demande » (lepoint.fr) Crédit photo : © Gregoire Elodie / BLANQUER-Gregoire Elodie/ABACA

Les élections européennes du 9 juin sont-elles si importantes ?

par L'antenne de Lille le 4 juin 2024 election_européennes_9_juin
Ce 9 juin, les citoyens français et européens sont appelés aux urnes afin de renouveler les députés siégeant au Parlement européen. Le Parlement européen sera composé ce dimanche soir de 720 eurodéputés représentants la population des 27 pays membres de l’Union européenne. Dans l’hémicycle, les eurodéputés sont rassemblés au sein de sept principaux groupes composés des forces politiques des pays respectifs. Aujourd’hui, le groupe majoritaire au Parlement européen est le Parti Populaire Européen (PPE), représenté par le parti Les Républicains (LR) en France. Même si ce dernier n’est qu’en majorité relative, il a pour mission d’élire le Président de la Commission européenne, chef de « l’exécutif européen ». Parmi les 720 eurodéputés, 81 sont français. Et cette année, ce ne sont pas moins de 38 listes déclarées candidates qui s’affronteront pour obtenir le plus de sièges possibles. Néanmoins, les Français accordent à ces élections un intérêt mesuré, pour ne pas dire maigre. C’est pourtant l’élection qui change sûrement le plus leur vie quotidienne… Explication
Un vote à l’importance capitale En dépit de ce que la plupart des personnes pensent, les élections européennes sont peut-être les élections les plus importantes après l’élection présidentielle en France. En effet, les lois européennes prévalent sur les lois françaises : c’est ce que l’on appelle la primauté du droit européen. Cela signifie que les traités, les lois et les règlements votés au Parlement européen ou les décisions de la Cour de justice de l’UE s’appliquent à l’ensemble des pays membres. Et cela a un impact majeur sur la vie des Français puisque de nombreux textes sont votés à l’échelle européenne. Pour donner quelques exemples, on peut évoquer le règlement général sur la protection des données (RGPD) qui est une réglementation européenne qui restreint considérablement l’exploitation des données numériques et donc l’expérience des utilisateurs européens sur Internet. On peut également parler du Pacte Vert (Green Deal) qui contient une série de proposition visant à atteindre la neutralité carbone au sein de l’UE en 2050. Ce pacte exerce une influence considérable sur les entreprises, lescollectivités et les États membres. Mais l’Union européenne se démarque aussi à travers des actions en faveur de la santé. Que ce soit à travers la commande groupée de vaccins pour protéger les citoyens européens lors de la crise de la COVID-19, la recherche européenne ou le plan « l’UE pour la santé », l’Europe agit aussi sur ce sujet qui concerne et touche fortement la population. L’impact sur la vie quotidienne des Français est donc importante, et ce sans parler des nombreuses lois touchant à l’agriculture, l’alimentation, la monnaie, le commerce international… De même, l’Union européenne possède un rôle géopolitique en prenantposition dans des conflits internationaux, comme récemment la guerre Russo-Ukrainienne, en sanctionnant économiquement la Russie et en soutenant militairement et financièrement l’Ukraine. Les enjeux des 5 prochaines années La prochaine mandature se verra enchaîner de nombreux sujets cruciaux et déterminants pour le futur de l’Europe. Parmi eux, la défense européenne fait figure de priorité dans un contexte géopolitique explosif comme celui-là. Dans le même registre, on retrouve également la lutte contre les ingérences étrangères qui fragilisent les démocraties occidentales et polarisent les débats. Ces mesures s’associeront à des réformes encourageant la croissance économique et industrielle pour permettre à l’Europe de peser face aux puissances américaines et chinoises. Cependant, les défis de notre monde ne se concentrent pas uniquement sur cette dimension internationale. L’encadrement et le développement de l’intelligence artificielle et des nouvelles technologies viseront à faire de l’Union européenne un précurseur en la matière. Au-delà des traditionnelles questions liées à l’agriculture et à la pêche, les enjeux migratoires aux frontières de l’Europe seront abordés. Enfin, de nouvelles mesures visant à lutter contre le réchauffement climatique à l’échelle européenne et internationale seront proposées, de la même manière que des législations de protections de la biodiversité. En réalité, aucun de ces sujets n’est inscrit dans le marbre. Des visions fondamentalement opposées s’affrontent lors de ces élections pour faire basculer les débats sur certains sujets, au détriment des autres. Se forger une opinion est donc essentiel pour envoyer des eurodéputés qui correspondent à notre propre vision de l’Europe. Pour défendre ses convictions sur ces enjeux majeurs et porter la voix de la France au Parlement européen : rendez-vous ce dimanche 9 juin. Killian HOURDEL, pour Le Laboratoire de la République (Antenne de Lille)

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