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Regards croisés sur le Service National Universel : « une expérience enrichissante, permettant le dépassement de soi »

par L'équipe du Lab' le 6 avril 2023
Dans cette série consacrée au Service National Universel, Le Laboratoire de la République donne la parole à ceux qui font vivre ce programme dans toute la France depuis sa création en 2019. Aujourd’hui, deux jeunes qui ont effectué leur SNU nous répondent. Albin est étudiant à l’université catholique de Lille en Droit et Science Politique. Maé est lycéenne, en première HLP (Humanités, Littérature et Philosophie).
Le Laboratoire de la République : Racontez-nous votre expérience. Où avez-vous fait votre SNU, dans quelles conditions ? Qu’avez-vous appris de façon générale ? Avez-vous-eu auparavant une expérience d’engagement républicain ou de formation républicaine ? Albin : J’ai réalisé le séjour de cohésion de deux semaines à Die, dans un centre tout proche de la forêt et des montagnes. J’étais logé dans un « marabout », une espèce de grande tente avec 8 couchages. C’était au début des grandes vacances de la fin de mon année de 4e, j’ai donc dû passer mes épreuves de français en avance pour pouvoir y participer. Etant engagé dans le cadre associatif et de représentation lycéenne notamment au Conseil National de la Vie Lycéenne, j’avais beaucoup entendu parler de la mise en place du SNU. Je voulais comprendre concrètement, au travers de l’expérience ce que j’allais vivre, ce qu’était vraiment ce fameux Service National Universel. Maé : Mon expérience au SNU fût vraiment intéressante. Tout d'abord, la vie en communauté était vraiment enrichissante, notamment avec la vie quotidienne dans le foyer, qui m'a permis d'être plus autonome, mais également avec les diverses activités physiques qui nous ont permis de renforcer notre cohésion,  nous en ressortions toujours plus unis et plus solidaires. S'ajoute à ça les nombreuses interventions sur des thèmes tel que le patrimoine et la culture française, ou encore la défense et la sécurité, des interventions qui m'ont vraiment plu, elles m'ont permis d'élargir mes connaissances sur la France, mais également sur l'Union Européenne, des connaissances que je n'avais pas acquises auparavant car ce n'est pas un sujet qui m'attirait plus que ça, mais aujourd'hui je suis contente d'avoir pu en apprendre plus. Le Laboratoire de la République : La première phase du SNU constitue l’aboutissement du parcours citoyen. Avez-vous été satisfait des modules proposés et de votre expérience en général ? Que changeriez-vous ou non au sein de cette première phase ? Albin : La première phase du SNU restera pour moi une expérience profondément enrichissante, permettant le dépassement de soi au travers d’activités comme la via ferrata ou bien même l’escalade, l’accrobranche et les activités physiques comme le canoë que je n’aurais probablement pas faites par moi-même. De plus, le fait que nous ayons été réunis avec des jeunes qui venaient d’horizons complètements différents, que nous ne connaissions pas, nous a permis de nouer de forts liens en seulement deux semaines passées ensemble. Nous n’avions accès à nos téléphones portables qu’une heure par jour, et cette restriction nous a probablement permis de plus nous tourner vers les autres. Au-delà des amitiés et des expériences vécues, nos journées ont été rythmées par des activités ludiques et des rencontres avec de nombreux acteurs de la République et d’autres organes liés. En effet, nous avons passé la formation aux premiers secours, rencontré des représentants de l’armée, de la banque de France et des secours. Pour nombreux de mes camarades volontaires au SNU, l’objectif était de comprendre et matérialiser leur nationalité et avoir une première expérience du service. Au sens général, j’ai apprécié ce séjour de cohésion qui m’a permis de sortir de ma zone de confort et, grâce à ça, de me découvrir. Il y a eu, c’est sûr, des moments durs, des moments où je me suis dit « mais pourquoi je suis venu ? », et où j’ai remis en question ma participation, notamment dans des moments particulièrement difficiles comme quand, pendant plusieurs nuits, nous avons dû nous réfugier avec des lits de camps dans une salle des fêtes à cause de forts orages, quand nous devions nous laver à l’eau froide (heureusement pendant l’été) ou bien quand nous étions tout en haut d’une falaise et qu’il fallait descendre en rappel. Je crois bien que je n’aurais pas pu aller au bout de cette expérience si le groupe n’avait pas été là, si ces volontaires comme moi ne m’avais pas aidé. Je crois vraiment que c’est dans ces situations que la solidarité a pu gommer les difficultés que nous pouvions tous avoir. Alors, non, je ne changerai rien de tout ce que j’ai vécu. Aujourd’hui, je suis heureux de ce que j’ai vécu et je crois que c’est à la fin de ce séjour particulièrement fort que l’on se rend compte à quel point cela nous a permis de nous construire. Maé : Cette expérience au SNU m'a inculqué de nouveaux enseignements. Elle m'a donné le courage de poursuivre mes objectifs et de les atteindre, et j'ai donc appris à ne jamais abandonner quelle que soit la raison. C'est avec des interventions sur les handicaps que j'ai pris conscience de l'importance de devoir toujours rester motivé pour affronter les obstacles de la vie ! Le Laboratoire de la République : Recommanderiez-vous à tous les jeunes de faire leur service ? Pensez-vous qu’il serait nécessaire d'imposer le SNU ? Albin : Je recommande évidemment le SNU à ceux qui souhaitent vivre une expérience hors du commun de faire le SNU. Mais je ne crois pas qu’il faille le rendre obligatoire car ce qui fait que le SNU est une expérience incroyable repose sur l’envie des jeunes et leur motivation à y participer. Encourager les jeunes à s’y intéresser et ensuite à participer est important.  Maé : Je recommande le SNU car il est enrichissant, mais également marquant. Que l'on soit sociable ou réservé, petit ou grand, sportif ou non, on y trouve toujours sa place !

Regards croisés sur le Service National Universel : « Sur le plan humain, une expérience unique »

par Arthur Gadenne le 16 mars 2023
Dans cette série consacrée au Service National Universel, Le Laboratoire de la République donne la parole à ceux qui font vivre ce programme dans toute la France depuis sa création en 2019. Aujourd'hui, Arthur Gadenne, bénévole au sein du Laboratoire, recruté comme tuteur durant le séjour de cohésion du SNU du Val-de-Marne, nous fait part de son expérience.
Le Laboratoire de la République : Pouvez-vous nous raconter votre expérience du SNU ? Arthur Gadenne : Entre deux emplois et sans réelle expérience d'encadrement de jeunes, j'ai eu la chance d'être recruté comme tuteur durant le séjour de cohésion du SNU du Val-de-Marne, du 19 février au 4 mars 2023. En tant que tuteur, notre rôle est d'encadrer et d'accompagner les jeunes volontaires durant leur SNU, de les encourageant à participer aux activités et de veiller à ce qu'ils se sentent à l'aise tout au long du séjour. Cela passe certes par un maintien de la discipline et des règles de vie, nécessaires à la vie en collectivité, mais également par une disponibilité permanente et une écoute bienveillante des jeunes. Bien que présent pour tous les jeunes, chaque tuteur a la responsabilité d'une maisonnée (mixte) d'une dizaine de jeunes. Quatre maisonnées forment une compagnie, coordonnée par un capitaine. Durant ce séjour, nous étions 16 encadrants : 10 tuteurs et 2 capitaines, une référente sport et cohésion, une infirmière et le chef de centre et son adjoint. Sur la centaine de jeunes inscrits, un peu moins de 80 ont finalement participé à ce séjour. Mon expérience SNU a commencé par une semaine de formation, durant laquelle j'ai rencontré l'équipe encadrante et où nous avons pu nous approprier le contenu des deux semaines à venir. Ensuite, nous sommes allés chercher les jeunes dans leur gare de départ (en Occitanie et à Versailles), et nous les avons accompagnés jusque Cachan (idem à l'issue du séjour : nous les avons raccompagnés jusqu'à leurs parents). Le séjour a donc réellement commencé le dimanche 19 février au soir, lorsque tous les jeunes furent arrivés. Les jeunes ont été installés à 2 ou 3 par chambre non-mixtes, ont récupéré leurs uniformes, rendus leurs téléphones et sont venus dîner au réfectoire, par maisonnée. Le rythme du séjour était intense : réveil des jeunes par les tuteurs à 6h30, petit déjeuner à 7h15, lever des couleurs et marseillaise à 8h puis activité du matin, déjeuner, activité de l'après-midi, et ensuite se succédaient les temps de démocratie interne, d'hygiène & de douche, de téléphone (moins d'une heure par jour, variable), entrecoupés par un dîner tous ensemble à 19h et la journée se terminait par le coucher à 22h, et l’extinction des feux à 22h30. A cela s'ajoutaient également des moments de préparation de la cérémonie de clôture (prévue le dernier jour), ainsi que des moments de détente dans les espaces communs (foyer, cour, …), sous la surveillance des tuteurs. Concernant les activités, elles étaient nombreuses et variées : séances de percussions (tambours, djembés, …), de cécifoot (football pour aveugles), de capoeira, journée sport et cohésion au parc de Choisy (curling d'intérieur, biathlon en gymnase, joelette, course d'orientation, spéléobox, …), de Taekwondo et de Hapkimudo, … Ainsi que des rencontres avec de nombreuses associations, venues leur parler d'économie circulaire, leur raconter l'Europe au quotidien dans Cachan, les faire devenir des élus de la Nation pour une journée (proposition et vote de loi, travail en commission, amendements, négociations et vote final). A ces activités se sont ajoutées la venue de la Police Nationale (prévention routière, sensibilisation au cyberharcèlement et intervention sur les drogues et les addictions) et de la Banque de France (Escape Game ludique autour de la finance, pour apprendre à mieux gérer son argent). Ils ont également réalisé leur Journée Défense et Citoyenneté (JDC) et passé leur diplôme de Prévention et Secours Civiques 1 (PSC1) Le Laboratoire de la République : Quels enseignements en avez-vous retiré ? Arthur Gadenne : Ce séjour fut riche en découvertes et en enseignements pour moi. D'une part, parce que j'ai eu la chance de participer à toutes les activités avec les jeunes : j'ai appris énormément auprès des intervenants, découvert des sports et des associations nouvelles. D'autre part, sur le plan humain, ce fut une expérience unique, et formidable. Je connaissais la vie en collectivité, mais je n'avais jamais encadré de mineurs, qui plus est de 15 à 17 ans. C'est un âge transitoire où l'on voit les futurs adultes qu'ils seront se dessiner, jusqu'à en oublier parfois qu'ils sont encore adolescents. Souvent, au cours du séjour, leur maturité et leur réflexion sur certains sujets m'ont surpris. Plus souvent encore, j'oubliais que j'avais affaire à des ados. En leur fournissant un cadre d'échange et des règles de vie, j'ai pu m'effacer partiellement et les laisser prendre le contrôle de leurs temps de démocratie interne, voir les désaccords naître entre eux et, au fil des échanges, des terrains d'entente se dessiner. L'impossibilité de se réfugier dans sa chambre, derrière son téléphone ou avec d'autres personnes qui pensent comme soi, les obligeait à parler, à s'écouter, à chercher à se comprendre, et aucun désaccord n'a dégénéré en conflit durant ces temps d'échange, bien au contraire : c'est rapidement devenu un jeu pour eux, de chercher à se convaincre mutuellement de leurs idées, et un prétexte au rire. Personnellement, j'ai également réalisé la grande exigence nécessaire pour accompagner des jeunes. Chez les encadrants, nous avions deux mots d'ordre : l'exemplarité et la neutralité. L'exemplarité d'abord : nous ne pouvons pas exiger des jeunes qu'ils respectent des règles que nous, adultes, ne respecterions pas. Nous étions donc astreints aux mêmes règles, aux mêmes horaires, à la même discipline, dormions dans des chambres identiques aux leurs et aux mêmes étages qu'eux. La neutralité ensuite : à un âge où ils ont mille questions, et sont encore malgré tout influençables, notre responsabilité de tuteur est de ne jamais partager nos opinions ou nos convictions, qu'elles soient philosophiques, politiques ou religieuses. Face aux nombreux sujets qu'ils abordaient d'eux-mêmes, j'ai réalisé combien il aurait été simple de juste leur donner mon avis, au risque de fermer le débat. Les laisser cheminer par eux-mêmes, leur poser des questions supplémentaires, les amener à considérer une réalité puis son contraire puis encore une autre, les faire atteindre des contradictions dans leur réflexion et les voir résoudre ces contradictions en formant leurs propres hypothèses et postulats : voilà qui était bien plus édifiant, et pour moi et pour eux. Et rien de tout cela ne nécessitait que je donne mon opinion personnelle. Un autre aspect du séjour m'a fortement séduit : les rencontres improbables de jeunes profondément différents, facilitée par la grande mixité sociale qui régnait au SNU. Les répartitions par chambre se sont faites aléatoirement, et mélangeait indistinctement les origines sociales, géographiques, économiques et culturelles. De ce brassage, certaines amitiés magnifiques se sont forgées, et plusieurs jeunes ont déjà prévu de se revoir, de passer leurs prochaines vacances ensemble. Alors que l'école de la République ne parvient plus à favoriser la mixité sociale dans notre pays, le SNU m'a prouvé non seulement que c'était encore possible, mais en plus qu'elle était bénéfique pour tous les jeunes. Je garderais un dernier souvenir gravé dans ma mémoire : durant le cours de Hapkimudo (art martial de self défense), j'ai vu deux jeunes filles, l'une après l'autre, réussir une prise de neutralisation sur deux jeunes garçons plus grands, plus lourds et plus musclés qu'elles. Après le mouvement, elles ont littéralement sauté de joie et l'une d'elles a éclaté d'un rire libérateur. A ce moment-là, j'ai eu la distincte impression qu'elles venaient de découvrir leur propre force, de comprendre qu'elles n'étaient pas vouées à perdre face aux garçons. Grâce au travail et à la technique apprise, elles ont pu surmonter leur handicap de taille et de force. Ce déclic est, à mes yeux, fondamental et j'espère que de nombreuses autres jeunes femmes auront la chance de le vivre un jour (pour celles qui en ont besoin évidemment). Le Laboratoire de la République : Recommanderiez-vous le SNU et si oui, pour qui et à quel moment ? Arthur Gadenne : Le SNU est une expérience que tous les jeunes commencent avec une certaine appréhension. La timidité des premiers jours laisse rapidement place à l'aisance et au plaisir de la découverte du séjour et, lors du dernier jour, près d'un tiers des jeunes pleuraient à chaudes larmes en disant au revoir à leurs amis. Si la plupart des jeunes sont venus de leur plein gré, certains n'avaient pas choisi d'être là. Pourtant, tous sont repartis le cœur lourd, et tous ont adoré leur expérience au SNU, pour des raisons parfois très différentes. Je recommande donc le SNU pour tous les jeunes, qu'importe leur maturité, leur niveau scolaire ou leurs engagements extra-scolaires. Qu'ils y aillent en courant ou à reculons, ils y apprendront beaucoup, et en ressortiront grandis !

Regards croisés sur le Service National Universel : « Rendre le SNU obligatoire apporterait enfin une vraie mixité sociale »

par Bruno Thomas le 16 février 2023
Dans cette série consacrée au Service National Universel, Le Laboratoire de la République donne la parole à ceux qui font vivre ce programme dans toute la France depuis sa création en 2019. Aujourd’hui, Bruno Thomas, directeur adjoint en charge de l’encadrement et de la pédagogie du centre SNU de la Creuse, nous partage son expérience d’encadrement dans un des tous premiers centre SNU de France, un témoignage inspirant d’engagement pour la jeunesse.
Le Laboratoire de la République : Le centre SNU de la Creuse est un des tout premiers centres créés en France en 2019. Comment l’expérience a-t-elle évolué depuis la première édition ? Bruno Thomas : Lors de la première édition en 2019, nous faisions partie des départements pilotes du SNU. Si le programme pédagogique et les objectifs étaient très clairs, l’organisation concrète et le déroulement du séjour sur le terrain ont été construits pas à pas. Notre équipe de base était composée d’un chef de centre, d’un adjoint aux finances et d’un adjoint encadrement pédagogique, moi-même. Sous le pilotage précieux des services de l’état (Education Nationale, Jeunesse et Sport, et représentants locaux du ministère de la défense) nous avons ensemble commencé par recruter une trentaine d’encadrants, et identifié des acteurs du territoire pour animer les nombreux modules de formation qui rythment le séjour de cohésion (éducation à la santé, activités sportives, valeurs de la République, lutte contre les fake news, …). Le séjour de cohésion dure deux semaines et alterne entre modules de formation et temps dédiés à d’autres activités. Durant le séjour, des règles de vie commune sont posées et partagées avec tous les jeunes volontaires, et tous les suivent avec beaucoup de rigueur. Plusieurs rituels quotidiens rythment le séjour et deux journées phares sont au programme : une journée défense et une journée protection et sécurité intérieure, avec des intervenants de la défense, de la Police Nationale, de la Gendarmerie et des brigades de sapeurs-pompiers volontaires. Les séjours de cohésion sont très intenses : durant deux semaines, les jeunes sont levés à 6h00, l’extinction des feux est à 22h30 et de chaque journée est très dense. C’est une expérience inédite pour la grande majorité des jeunes, qui n’ont jamais vécu de séjour collectif, qui ne connaissent pas d’autre vie en collectivité que l’école, voire qui ne sont jamais sortis de chez eux. Nous avons pris soin, depuis le début du SNU, de prendre en compte les retours des jeunes concernant les séjours de cohésion. Par exemple, la première session ne prévoyait pas de goûter, mais les jeunes se sont réunis et organisés pour venir nous demander, de manière argumentée et collective, de les instaurer, alors nous l’avons fait. Un autre groupe de jeunes a mis en avant le besoin de faire ses devoirs pendant le SNU : nous avons donc mis en place un temps optionnel d’aide au devoir. Pour le séjour de printemps de 2023, l’accompagnement scolaire sera intégré dans les plannings. Un dernier exemple concerne les téléphones portables : les jeunes n’y ont accès que 30 minutes par jour dans nos séjours de cohésion, après le dîner. Un seul groupe a exprimé le besoin de prolonger l’accès au téléphone et, après discussion avec eux, nous nous sommes adaptés. Les premières années nous ont permis d’adapter notre fonctionnement et nos plannings aux besoins et aux envies des jeunes, et aujourd’hui, nous avons un taux de satisfaction des jeunes de plus de 90% en fin de séjour. Quand nous composons nos équipes, j’apporte un grand soin à la diversité des profils qui encadreront les jeunes : nos encadrants sont des militaires réservistes ou retraités, des enseignants de l’Education Nationale, des animateurs, des professeurs de sport, des Elus, des sapeurs-pompiers volontaires… âgés de 19 à 68 ans, et cette grande diversité de profils et de parcours est une richesse pour les jeunes volontaires du SNU, qui échangent librement et en continu tout au long du séjour avec les encadrants. Souvent, quand on parle de SNU, les gens ont en tête le service militaire, c’est-à-dire des jeunes au service de la Nation. Le SNU, c’est l’inverse : c’est la Nation au service de sa jeunesse ! Les jeunes encadrants des premières éditions demandent aujourd’hui plus de responsabilités et souhaitent devenir tuteurs ou commandants de compagnie. Cette année, nous avons même reçu pour la première fois des candidatures de jeunes ayant fait leur SNU à 16 ans et, ayant gardé un excellent souvenir du SNU et énormément appris durant ce séjour de cohésion, souhaitant eux-mêmes devenir tuteurs et s’engager auprès des jeunes. Pour tous ces jeunes volontaires, le SNU a créé une belle dynamique, conforme à l’ambition du projet d’origine. Le Laboratoire de la République : Quels enseignements tirez-vous de votre expérience dans l’encadrement ? Bruno Thomas : Notre équipe d’encadrement est composée de personnes très différentes, dans leurs origines sociales, leurs parcours de vie et leurs motivations à participer au SNU. Ces différences ne facilitent pas toujours la collaboration au sein de l’équipe, cela crée des discussions importantes. Pourtant, nous parvenons toujours à trouver un compromis, parce que tous sont mobilisés pour offrir le meilleur séjour de cohésion aux jeunes. Les encadrants réussissent très bien à travailler ensemble, et leurs différences de point de vue viennent justement enrichir la qualité de l’accueil des jeunes. Personnellement, je trouve ça très encourageant de voir que toute la société civile se mobilise au service de la jeunesse. La plus grande difficulté, pour les encadrants, c’est le devoir d’exemplarité. Durant les deux semaines du séjour de cohésion, ils sont tenus de montrer l’exemple, d’être irréprochables. C’est loin d’être facile, mais ils réussissent à l’être au maximum, et c’est une expérience très enrichissante pour eux. D’ailleurs, les encadrants sont très heureux d’avoir la possibilité de s’inscrire dans ce processus de transmission avec les jeunes, dans les moments formels durant les modules obligatoires comme dans les moments plus informels, dans des temps dédiés. Durant tout le séjour, les encadrants peuvent partager leur expérience et répondre aux questions des jeunes, et ces échanges en direct sont très appréciés par tous. En effet, certains jeunes du SNU postulent aujourd’hui pour rejoindre les équipes d’encadrement, et chaque année nous fidélisons plus de 50% de l’équipe, qui renouvellent leur candidature pour continuer de participer au SNU. Certains jeunes gardent contact avec leurs encadrants à l’issue du séjour, surtout lorsqu’ils ont travaillé sur leur orientation professionnelle ensemble, et les jeunes d’une même maisonnée gardent le contact entre eux via les réseaux sociaux, longtemps après la fin du séjour de cohésion. A l’issue du séjour de cohésion, les jeunes poursuivent leur engagement en rejoignant une mission d’intérêt général (MIG). Lors de la première édition, en 2019, près de la moitié des jeunes choisissait des corps en uniforme, souvent parce qu’ils étaient eux-mêmes enfants de militaires, pompiers ou policiers. Progressivement, cela a évolué et aujourd’hui, plus de 80% des jeunes choisissent des missions culturelles ou des missions de solidarité, dans des associations de protection animale, de protection de l’environnement ou auprès du Secours Populaire ou du Secours Catholique par exemple. La plupart du temps, ils n’ont aucune idée de MIG lors de leur arrivée au SNU. Le travail des compagnies consiste justement à travailler avec les jeunes, sur les temps libres, afin de les accompagner dans leur réflexion. Un forum de l’engagement est organisé durant le séjour, avec de nombreuses personnes engagées présentes pour répondre aux questions des jeunes. A l’issue du séjour, tous les jeunes réalisent une MIG en rentrant chez eux. A titre personnel, ma fille a fait son SNU l’an dernier et elle a choisi de faire sa MIG au Secours Populaire tous les mercredis après-midi, alors que cela n’a rien à voir avec son orientation professionnelle. Elle souhaiterait devenir ingénieure météorologue. Sans le SNU, elle n’aurait peut-être jamais entendu parler du Secours Populaire, elle n’aurait jamais pensé par elle-même à s’engager dans une mission d’intérêt général. Le Laboratoire de la République : Qu’avez-vous envie de dire à un jeune qui aimerait participer au SNU ? Bruno Thomas : Je pense que le SNU ouvre des portes à tous les jeunes qui y participent. Je recommanderais donc à tous les jeunes de participer au séjours de cohésion du SNU. Le meilleur moment pour y participer, à mon avis, c’est la Seconde, autour de 16 ans. Après, il y a le baccalauréat. Aujourd’hui, la grande majorité des jeunes qui participent au SNU sont en Seconde. La notion de SNU obligatoire peut permettre d’atteindre l’objectif de mixité sociale Mais il faudrait pour cela qu’il expérimenté, réfléchi nationalement, peut être intégré aux programmes scolaires. Mais sa mise en œuvre ne peut se faire sans un maximum de pédagogie. Aujourd’hui, le SNU est un bon outil pour travailler la cohésion nationale, mais ce n’est pas le seul. Ce serait une erreur de penser que c’est le seul outil pour retravailler la cohésion nationale. Les séjours de vacances, les classes découvertes, les services civiques, les centres aérés… toutes ces expériences collectives sont autant de dispositifs qui contribuent à la cohésion nationale et mériteraient, tous, d’être renforcés. Une mise en place homogène sur tous les départements me semble très compliquée. Je pense qu’il vaut mieux tourner dans le sens où il est important d’avoir un cadre national mais avec des possibilités d’adaptation pour répondre au mieux aux attentes des jeunes volontaires. Pour le SNU, on a trouvé une osmose départementale efficace, construite par les services de l’Etat, Jeunesse et Sport, préfète, défense, santé… Il ne faut pas être trop rigide, au risque de faire perdre une partie de l’âme, de la spontanéité et la réactivité qui font partie du succès du dispositif. Propos recueillis le 19 janvier 2023.

Le Laboratoire
de la République

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