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Mensonge et politique : l’œil de Hannah Arendt sur l’actualité internationale

par Michelle-Irène Brudny le 17 novembre 2023
Michelle-Irène Brudny, professeur et philosophe, explore le thème complexe du mensonge en politique à travers le prisme analytique de Hannah Arendt. Arendt considère le mensonge, l'illusion et l'erreur comme des éléments intrinsèquement liés à l'action politique. Une réflexion contemporaine sur la communication politique et la guerre de l'information prend racine dans son analyse de la guerre du Vietnam, où l'objectif était de "gagner la bataille dans l’esprit des gens". Cette perspective trouve un écho frappant dans les événements comme le Covid ou le conflit Israël-Hamas, faisant émerger des questions cruciales sur la confiance envers la politique.
L'analyse part de l'affaire des Pentagon Papers pour comprendre la relation entre le mensonge ou la tromperie et la politique. Hannah Arendt soutient que le mensonge est un outil indispensable dans la sphère politique, utilisé pour influencer l'opinion publique et justifier des actions contestables. L'exemple de la guerre du Vietnam illustre la manière dont la manipulation de l'information peut devenir une arme politique puissante. Arendt met en lumière l'objectif de cette guerre, non seulement militaire, mais aussi idéologique et psychologique - "gagner la bataille dans l’esprit des gens". Cette notion fait signe vers la communication politique contemporaine, où la perception façonne la réalité autant que les faits eux-mêmes. Le conflit Israël-Hamas fait apparaître des similitudes avec les dynamiques identifiées par Arendt. Les médias, les discours politiques, idéologiques et les récits officiels sont des instruments qui façonnent la perception, influençant ainsi le soutien public et international. La question cruciale émerge : comment préserver la foi en la politique alors que le mensonge semble être un compagnon constant de l'action politique ? Arendt invite à une réflexion profonde sur la nature de la vérité et de la confiance dans le domaine politique. En fin de compte, son essai souligne la nécessité d'une transparence accrue et pose la question essentielle : le gouvernement a-t-il une mission d'information, et comment peut-il l'accomplir en conservant la confiance du public ? Ces questions demeurent centrales pour une démocratie digne de ce nom. https://youtu.be/CyT5jYR3LFs

Gauche camembert et gauche quinoa : peuvent-elles encore se mettre autour de la table ?

par Jacques Julliard le 20 janvier 2022 photo de fromages
Le candidat PCF à l’élection présidentielle, Fabien Roussel, a déclaré, le 9 janvier dernier sur France 3, qu’il ambitionnait de défendre l’accès pour tous à des produits de qualité : « Un bon vin, une bonne viande, un bon fromage : pour moi, c'est la gastronomie française », propos qui ont déclenché une vive polémique au sein de la gauche. Le symbole d’une division historique, estime Jacques Julliard.
« La vie à base de quinoa et de tofu est fade. Ce n’est pas ma France », dit Fabien Roussel, le candidat du PCF aux élections présidentielles. « Le couscous est le plat préféré des Français », lui rétorque Sandrine Rousseau d’EELV. Une illustration de la théorie des « deux gauches » ? Jacques Julliard : Oui, c’est une illustration, certes un peu marginale, mais attendue, de l’idée, lancée il y a quelques années, par Manuel Valls et d’autres avant lui qui avaient fait le même constat. Parce qu’il y a toujours eu une gauche proche des valeurs traditionnelles de la République, c’est-à-dire patriotique et laïque. De ce point de vue, le rôle décisif, dans la constitution de la nation française, a été l’école. Cette même gauche est celle qui a compris également la valeur fondamentale de la sécurité ; c’est Gambetta qui, à partir de 1875, a convaincu ses amis que la gauche devait s’atteler à rétablir la sécurité dans les villes et dans les campagnes. Ce programme, bien rapidement esquissé, c’est celui d’une partie de la gauche, celle qui a été populaire. L’autre gauche, dont je dirais qu’elle est plutôt intellectuelle et qu’elle s’est développée moins dans les partis de gauche, que dans l’Université et dans la presse, donc chez des intellectuels plutôt que des élus, insiste sur l’idée de diversité. Et le clivage fondamental entre les deux gauches porte sur l’idée qu’elles se font de la nation : d’un côté, vous avez une insistance sur l’unicité de la République, de l’autre, sur la diversité des composantes du peuple. Cette gauche-ci a pris la place de la « gauche américaine ». Elle s’inspire de ce qui se pense dans la gauche américaine. C’est ce qui explique, d’après vous, la coupure de l’électorat de gauche ? Jacques Julliard : Mais non : l’électorat de gauche, il est presque tout entier du premier côté, du côté républicain. Enfin, voyons, la gauche, dans notre pays, a perdu la moitié de son électorat en quelques années et elle ne se demande pas pourquoi… Il y aurait pourtant urgence à chercher les raisons de cette hémorragie électorale !  Mais pour en revenir à cette querelle culinaire au sein de la gauche, il faudrait rappeler aux deux partis en présence qu’un bon casse-croûte n’exclut pas le couscous. Pourquoi vouloir les opposer ? Vous savez, je suis fils de vigneron, et de marchand de vin, du côté de ma mère. Alors, le vin joue un rôle important dans ma vie et cet élément a aussi joué un rôle dans l’éducation que j’ai voulu donner à mes enfants. Je leur ai transmis cette culture, afin de les prémunir contre l’alcoolisme. Et je pense qu’à travers le goût du vin, qu’ils ont conservé, ils ont manifesté une fidélité à leur pays. Pensez-vous qu’il y a, derrière, un clivage générationnel : la gauche âgée serait républicaine et les nouvelles générations peu ou prou gagnée par les thèmes woke (identités, minorités, frugalité…) ? Jacques Julliard : C’est bien possible, en effet. Parce que ce qui est décisif, c’est la nature de la formation reçue. Nous sommes les fils et les filles de l’école républicaine. Aussi, si beaucoup de jeunes se sont éloignés des idéaux de la gauche traditionnelle, c’est que l’école n’a pas fait son travail. L’échec le plus dramatique de la République, depuis trente ans, c’est celui de notre école.  Elle a cessé de leur enseigner que la France, si elle n’existe pas en dehors des Français bien sûr, doit être conçue comme une idée en surplomb des Français, et pas seulement comme une espèce de résultante d’un composite de tendances et de singularités. Et puis, je crois, moi, à l’existence de la culture française. Contrairement à Emmanuel Macron… Comment peut-on prétendre qu’il n’y a « pas de culture française » ? Pour moi, avoir dire cette ânerie a constitué un motif de rupture. 

Le Laboratoire
de la République

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