Rubrique : Défi géopolitique

Superposition des conflits

par Jean-François Cervel le 25 octobre 2023
La nouvelle phase du conflit entre les Palestiniens et les Israéliens, déclenchée par l'attaque du territoire israélien par le Hamas le 7 octobre 2023, met en évidence de manière particulièrement brutale la complexité, les points communs et la superposition des conflits qui caractérisent l'actuel paysage mondial. Jean-François Cervel, ancien inspecteur général de l'Éducation nationale, ancien directeur du Cnous (Centre national des oeuvres universitaires et scolaires) et membre de la commission Défi géopolitique, met en lumière les niveaux de conflictualité qui assombrissent le monde.
La nouvelle phase de la guerre entre Palestiniens et Israéliens ouverte par l’attaque du territoire israélien par le Hamas, le 7 octobre 2023, donne un éclairage particulièrement brutal sur la superposition de conflits qui caractérise le paysage mondial actuel.La situation sur ce théâtre particulier d’opérations est, en effet, tout à fait révélatrice des quatre niveaux de conflictualité qui se manifestent un peu partout à travers le monde.Le premier niveau est celui de l’affrontement territorial local. En l’occurrence il s’agit de la bataille pour le territoire de cette région comprise entre la Méditerranée et l’axe Tibériade-Jourdain-Mer Morte.Le deuxième niveau est celui de la guerre de religion lancée par les islamistes radicaux contre les juifs et les occidentaux considérés globalement comme « chrétiens ».Le troisième niveau est celui de l’affrontement, plus traditionnel, des puissances qui soutiennent, respectivement, les différents protagonistes des conflits territoriaux et qui essaient de profiter de toutes les circonstances pour répondre à leurs propres intérêts et se développer.Le quatrième niveau est celui de l’affrontement de systèmes qui est clairement affiché par le bloc des pays totalitaires contre le « modèle » occidental et ses valeurs.Ces quatre niveaux de conflictualité se conjuguent ou se mêlent, selon les lieux, de manière complexe, mais génèrent une extrême montée en tension des relations internationales.Le premier niveau est, effectivement, celui des conflits de territoires. Le conflit territorial c’est le conflit traditionnel, celui qui a alimenté les guerres tout au long de l’histoire de l’humanité, sur tous les théâtres géographiques. On le trouve évidemment à l’origine du conflit israélo-palestinien. Comment se partager ce territoire de la Palestine ? L’absence de réponse définitive à cette question, posée dès l’origine, continue à alimenter le conflit plus de 75 ans après la création de l’état d’Israël.Le territoire est, évidemment, un élément de la nationalité et de l’identité. Et c’est cette logique de l’affrontement des nationalismes que l’on retrouve dans une série d’autres conflits, celui entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, celui entre la Serbie et la Bosnie et entre la Serbie et le Kosovo, celui entre la Russie et l’Ukraine et ceux qui perdurent en différents autres lieux de la planète. C’est l’affrontement entre l’Inde et le Pakistan au sujet du Cachemire. C’est aussi la présence coloniale de la Chine au Tibet et au Xin Jiang….Le conflit de territoire concrétise l’affirmation de l’identité, de la différence, l’opposition avec l’autre qui ne partage pas ma culture et donc ma vision du monde. Il s’agit de vaincre l’autre, de le dominer voire de le détruire. Et, dans cette logique là, tout est permis, épuration ethnique et massacre de masse. L’actualité ukrainienne, arménienne et israélienne en porte à nouveau tragiquement témoignage, après bien d’autres.Et ces différentes affirmations identitaires sont, le plus souvent, marquées par une appartenance religieuse ou une position politique vis-à-vis de la religion.Ainsi, la défense de la cause palestinienne, la volonté d’établir un territoire pour les palestiniens, est devenue, très vite, la lutte de l’islam contre le judaïsme. Ce ne sont plus les Israéliens que l’on combat mais ce sont les juifs.Le deuxième niveau de conflictualité est donc celui de la guerre de religion.C’est une guerre que les islamistes ont lancée contre les juifs et ceux qu’ils appellent les chrétiens, voire les croisés. Elle a été marquée par la révolution de 1979 mettant en place une théocratie chiite à la tête de l’Iran en renversant le régime du shah favorable à une modernisation à l’occidentale. Elle a été ensuite marquée par le développement d’organisations de combat ayant explicitement pur but de conduire le djihad, la guerre sainte. Al-Qaïda d’abord puis l’Etat Islamique ont pour objectif de frapper les « mécréants » partout où ils se trouvent et d’abord de faire disparaître les chrétiens et les juifs du Proche-Orient en recréant un grand califat. Elle a été marquée par la création du Hamas et du Hezbollah, respectivement à Gaza et au Liban, qui ont islamisé la guerre des Palestiniens contre Israël. De même, la guerre des serbes contre les bosniaques est devenue une guerre des chrétiens orthodoxes contre les musulmans. Et il en est de même pour la guerre des Azerbaïdjanais, soutenus par la Turquie, contre les Arméniens.Cette guerre religieuse est menée par les islamistes radicaux contre tous ceux qui ne professent pas la religion musulmane. Elle a pris la forme d’attentats terroristes multiples dans les pays occidentaux. Celui lancé contre les Twin Towers de New York et d’autres objectifs aux Etats-Unis, le 11 septembre, a généré des guerres de représailles américaines, en Irak et en Afghanistan, qui ont déstabilisé ces pays et renforcé l’affichage de cette dimension d’affrontement religieux. Cette guerre là se poursuit avec de multiples actes terroristes répétés dans la plupart des pays occidentaux. La France en a été plus particulièrement la victime depuis des décennies, jusqu’aux assassinats symboliques de professeurs en 2020 et 2023. Cette guerre se développe aussi sur d’autres théâtre d’opérations et notamment en Afrique, tant à l’Est que dans l’ensemble de la zone sahélienne. Elle utilise de multiples réseaux et relais et sait mobiliser des foules manipulées et fanatisées, dans tous les pays musulmans.Le troisième niveau est l’affrontement de puissance entre les Etats-nations du monde. Tous les Etats-nations du monde essaient, chaque fois qu’ils en ont l’occasion, d’augmenter leur puissance. C’est vrai pour les « grandes puissances » et c’est vrai aussi pour des puissances moins importantes qui utilisent toutes les circonstances pour développer leur influence et leur pouvoir, notamment dans leur environnement régional.En ce qui concerne les « grandes puissances » c’est aujourd’hui l’affrontement entre la Chine et les Etats-Unis qui est central, même si la Russie continue à vouloir être un acteur majeur dans ce registre.La Russie et la Chine essaient de développer au maximum leurs capacités pour s’opposer à la puissance dominante américaine. Elles le font en étendant leur réseau sur toute la planète, réseau économique et financier pour la Chine, symbolisé par le grand programme des « routes de la soie », réseau militaire et politique pour la Russie. Elles le font en exploitant toutes les situations de crises internationales, en soutenant systématiquement tous les pays et mouvements susceptibles d’être hostiles aux intérêts occidentaux. L’exemple de la Syrie et de nombreux états africains ou sud-américains en témoigne. Elles exploitent systématiquement la mémoire de la colonisation.Quant aux puissances moyennes ou en émergence, elles profitent des situations de tension pour développer leur influence et répondre à leurs intérêts. Elles n’hésitent pas à jouer sur tous les tableaux chaque fois qu’il s’agit d’en tirer avantage. Ainsi la Turquie, l’Iran, l’Arabie Saoudite, l’Egypte utilisent elles le conflit israélo-palestinien pour défendre leurs intérêts propres dans la région proche orientale. L’Inde, le Brésil, la Turquie ou l’Arabie Saoudite font de même à l’occasion de la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine.Le quatrième niveau d’affrontement fait, en quelque sorte, la synthèse des trois précédents. C’est l’affrontement de système, quelque fois qualifié, par les acteurs eux-mêmes, de conflit de civilisation. Le président russe affirme que, dans sa guerre contre l’Ukraine, il défend un certain modèle de civilisation, contre la civilisation occidentale décadente. Les dirigeants du parti communiste chinois font la liste de tous les défauts du système occidental pour démontrer combien celui qu’il propose est meilleur. Quant aux dirigeants islamistes, ils estiment que seule la loi de l’Islam doit s’imposer partout et qu’il faut faire disparaître le « modèle » occidental impie.Ces régimes veulent à la fois faire disparaître la domination occidentale dont ils ont historiquement souffert et le système libéral et démocratique que les Européens et les Américains ont mis en place au cours des deux derniers siècles.Le discours du président chinois au récent forum des routes de la soie ( 18 octobre 2023 publié par Grand Continent 19/10/2023 ) qui fait l’apologie de cette initiative chinoise ( Belt and road initiative ) lancée en 2013, est particulièrement révélateur de la démarche engagée, à long terme, par le régime communiste. Il se présente comme un plaidoyer vibrant pour l’ouverture mondiale, les échanges et la coopération au service de la paix et de la prospérité pour tous, vers un avenir radieux de tous les pays du monde, devenus amis et partenaires. Pas un mot d’aucune des guerres en cours, sinon pour dénoncer ceux qui sont pour les sanctions, la confrontation idéologique et la politique des blocs…..Ce discours d’ « impérialisme bienveillant » occulte totalement toute dimension politique et militaire. Il a été prononcé en présence des représentants de 140 états dont Vladimir Poutine, sans que la guerre contre l’Ukraine soit évoquée et devant deux dirigeants de pays européens ( Hongrie et Serbie ) qui accueillent à bras ouverts les investissements chinois…..Le bloc des régimes qui veulent détruire le modèle occidental – et notamment l’axe Pékin-Moscou-Téhéran - utilise les trois autres niveaux de conflits pour conquérir des espaces nouveaux et pour affaiblir au maximum les pays occidentaux. La présence militaire russe en Syrie, au Sahel ou en République centre-africaine, la présence chinoise dans tous les pays, sur tous les continents, en témoignent. En dépit du discours chinois d’ouverture universelle, ces pays anti-occidentaux renforcent tous les jours leur alliance de manière à constituer un bloc autonome, capable de contourner sans difficulté toutes les sanctions occidentales et d’attirer à lui un maximum d’autres pays se prétendant non-engagés. Les « BRICS » comme l’Organisation de coopération de Shangaï sont autant de modalités d’organisation visant à lutter contre l’occident. Ils n’hésitent pas à soutenir les dictatures les plus totalitaires comme la Corée du Nord de la dynastie des Kim et ses menaces militaires permanentes.Cette superposition des niveaux de conflictualité permet le libre cours de tous les rapports de forces et des formes de violences les plus extrêmes telles qu’on les voit se manifester sur un grand nombre de théâtre d’affrontements pour la plus grande souffrance des populations victimes de la barbarie.Un tel panorama ne peut que forcer à des conclusions claires pour ce qui concerne la France et l’Europe.Plus que jamais, il faudrait, une gouvernance mondiale pour affronter les problèmes globaux qui se posent à l’humanité. Or, malgré les discours lénifiants du dirigeant chinois, nul aujourd’hui ne veut faire fonctionner efficacement le dispositif des nations unies. Le conseil de sécurité est constamment bloqué par les vetos antagonistes des grandes puissances opposées, directement engagées dans tous les niveaux de conflits.Face à cette situation, il faut clairement se placer dans une perspective de préparation à la guerre.Nous sommes en guerre contre un ensemble de forces et de pays qui veulent nous dominer et imposer leur vision totalitaire du monde même si leurs modèles totalitaires sont différents et parfois antagonistes.Pour pouvoir mener cette guerre, il faut renforcer l’alliance de tous les pays de démocratie libérale. Unité européenne d’abord, union avec les autres démocraties libérales dans le monde et au premier chef les Etats-Unis d’Amérique dans le cadre de l’OTAN ensuite. Aucun pays européen, seul, n’est en capacité de peser sur la marche du monde. Seule une Europe exerçant les moyens de souveraineté pourrait le faire. C’est tout l’enjeu des prochaines élections européennes que de décider de cette montée en puissance.Pour pouvoir mener cette guerre, il faut donner la priorité absolue au développement scientifique et technologique seul en capacité de fournir les moyens de la gagner. C’est sur ce terrain que se placent nos ennemis et sur lequel il est vital de ne pas se laisser dépasser.C’est seulement si l’Europe est puissante et capable& de résister aux attaques des régimes qui veulent détruire le modèle occidental que nous pourrons peser sur le traitement des problèmes du monde, qu’il s’agisse des différents niveaux de conflictualité ou qu’il s’agisse de la réponse à la crise environnementale par la mise en œuvre d’un programme de développement durable déterminant pour l’avenir de l’humanité.

« La France est ma seule communauté, mon pays et mon exil »

par Omar Youssef Souleimane le 9 octobre 2023
A l'occasion de la sortie de son dernier ouvrage "Être Français" aux éditions Flammarion, Omar Youssef Souleimane, journaliste, auteur et poète syrien, témoigne de son amour pour la France, pays qui l'a accueilli en lui donnant la nationalité française l'année dernière. Il dénonce la dictature de Bachar al-Assad en Syrie et rend hommage aux Syriens restés sur place qui résistent face au régime violent et assassin.
Omar Youssef Souleimane a quitté la Syrie à cause de sa participation dans la révolution syrienne et de son opposition au régime dictatorial de Bachar-al-Assad. Il nous fait part de son sentiment sur la situation actuelle et sur sa position en tant que réfugié politique. Il nous décrypte le terme de dictature et nous dit qu'il ne faut pas utiliser ce qualificatif pour tout et n'importe quoi. Par exemple, utiliser ce terme pour la France est lourd de sens et innocente en quelque sorte le dictateur syrien. Entretien complet sur notre chaîne YouTube : https://youtu.be/2EOPljSZ4wA

Chili : 50 ans d’un coup d’Etat qui divise toujours la société

par Carlos Quenan le 13 septembre 2023
Le 11 septembre 2023, le Chili a commémoré les cinquante ans du coup d'Etat militaire du général Pinochet, qui fut suivi d'une longue et sanglante dictature, un événement qui continue de diviser les Chiliens. Sans avoir jamais été jugé, Augusto Pinochet est mort d'une crise cardiaque en 2006 à l'âge de 91 ans. Les heurts apparus dimanche montrent un Chili divisé entre les défenseurs et les détracteurs de la dictature. Perspectives sociétales et historiques avec Carlos Quenan, professeur à l'Institut des Hautes Etudes de l’Amérique latine (IHEAL), à la Sorbonne Nouvelle et vice-président de l'Institut des Amériques.
Le Laboratoire de la République : Comment le coup d'Etat de 1973 est aujourd'hui perçu par la société chilienne ? Quelle influence sur la politique nationale ? Carlos Quenan : Le coup d’Etat de 1973 était une rupture du point de vue de l’évolution démocratique de ce pays, dans une société chilienne très polarisée et dans un contexte international également polarisé à cause de la Guerre froide et de la rivalité entre les Etats-Unis et l’URSS. La perception des Chiliens sur le coup d’Etat est passée par différentes étapes. A l’heure actuelle, la société chilienne est encore polarisée avec un climat politique très volatil. A la fin de la dictature de Pinochet en 1990, le pays était davantage prospère qu’en 1973 à la suite des réformes économiques libérales mises en place par un groupe d’économistes connus comme les « Chicago boys ». Le Chili était dynamique du point de vue économique et caractérisé par une diminution de la pauvreté mais beaucoup plus inégalitaire que par le passé.  Le retour à la démocratie s’est produit grâce à un référendum gagné par l’opposition à la fin des années 1980. Dès lors, le pays a connu une transition démocratique sous contrôle militaire (ex : la présence de représentants des Forces Armées au Sénat). On assiste entre 1991 et 2008 à une longue période de gouvernements dite de la « Concertation », un groupement des forces de centre-gauche, où, toujours dans le cadre de la constitution de 1980 héritée de la dictature militaire, l’économie continue à être très dynamique mais toujours fort dépendante des exportations primaires. Entre la fin des années 2000 et le début des années 2020, on assiste à une double alternance où se succèdent à deux reprises les gouvernements dites de la « Concertation » de la Présidente Bachelet (centre gauche) et du Président Piñera (droite). L'année 2019 marque un point d’inflexion avec l’émergence de manifestations massives exprimant un rejet de la hausse du coût de la vie et en faveur de reformes démocratiques. Ce mouvement a débouché sur la proposition d’une réforme de la constitution qui semblait s’orienter vers la prise en compte, notamment, de la préservation de l’environnement et la réduction des inégalités. La prospérité connue par le pays pendant plusieurs décennies a eu des effets tangibles : alors qu’au milieu des années 1970, le PIB par habitant du Chili représentait 15% du PIB par habitant des Etats-Unis, au début des années 2020, le PIB par habitant du Chili constituait presque 50% de celui des Etats-Unis. Toutefois, les manifestations de 2019 ont exprimé une considérable insatisfaction à l’égard de la répartition des fruits de la croissance économique. Ainsi, en 2020, par une consultation populaire, près de 80 % de la population ont souhaité la formation d’une assemblée constituante. Cependant, deux ans après, 62 % des Chiliens n’ont pas soutenu le texte qui devait remplacer celui hérité de la dictature de Pinochet. En outre, la dernière élection présidentielle a vu le candidat de gauche gagner – Gabriel Boric, très jeune, ex-dirigeant étudiant très actif dans les mouvements de contestation évoqués précédemment- mais 45% des voix sont allées vers le candidat d’extrême droite, José Antonio Kast, qui exprime une nostalgie de la période de Pinochet. En somme, le coup d’Etat de 1973 est critiqué par une partie importante de la société, néanmoins, une autre partie reste nostalgique de cette période qui avait marqué le début d’une période d’« ordre » et de prospérité économique. Dans le cadre de la post-pandémie et d’un affaiblissement de la croissance économique, cette nostalgie est renouvelée et nourrie par un courant qui gagne du terrain dans les opinions publiques et qui exprime une perspective de droite extrême dans la région latino-américaine voire dans le monde occidental. Dans ce sens, le cas le plus paradigmatique a été celui au Brésil avec l’arrivée au gouvernement de Bolsonaro. La démocratie n’est pas en danger au Chili. Depuis la fin de la dictature de Pinochet, il y a un rejet des violences pour résoudre les conflits politiques. Cependant, les mesures de l’opinion publique dans ce pays et dans l’ensemble de la région latino-américaine montrent un recul de l’adhésion de la démocratie, ce qui est inquiétant. Le Laboratoire de la République : Le Chili a-t-il marqué un changement dans la politique interventionniste américaine ? Quel héritage aujourd'hui dans la politique des Etats-Unis ? Carlos Quenan : A la différence d’autres cas que nous avons connu au XXème siècle, notamment en Amérique centrale, où les Etats-Unis étaient impliqués directement dans les coups d’Etat et le renversement de gouvernements en place, dans le cas du Chili il n’y a pas eu de participation directe des Etats-Unis. Certes, dans le contexte de la Guerre froide, les Etats-Unis ont soutenu les Forces Armées chiliennes lors du coup d’Etat de 1973. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, une ingérence directe « à l’ancienne » des Etats-Unis semble révolue même si ce pays exerce, toujours, une influence très importante dans la région latino-américaine et caribéenne dans laquelle on constate, comme dans d’autres continents, une présence croissante de la Chine. Mais, même dans le cas de gouvernements se montrant clairement hostiles aux Etats-Unis – par exemple, le Nicaragua ou le Venezuela –, le recours à la force semble exclu. Le Laboratoire de la République : Le peuple chilien a relevé pacifiquement sa démocratie après la période Pinochet. Quel enseignement peut-on tirer de l'exemple chilien alors que des coups d'Etat se multiplient en Afrique ? Carlos Quenan : Les situations de ces deux continents sont difficilement comparables. La région latino-américaine, constituée majoritairement par des pays à revenu intermédiaire, est bien plus développée que l’Afrique. Les sociétés civiles y sont assez actives même si la polarisation s’installant dans des nombreux pays dégrade le débat public. En Afrique, il y a une grande instabilité politique dont on a la preuve avec les évènements récents et une intensification ouverte des rivalités hégémoniques sur le plan géopolitique avec une présence croissante de la Russie et de la Chine. En revanche, en Amérique latine, le cycle des coups d’Etat militaires semble révolu même s’il y a une certaine désaffection vis-à-vis de la démocratie. L’apparition de mouvements et forces prenant appui sur cette situation constituent des menaces qu’il faut prendre au sérieux. Les expériences du passé au Chili et dans d’autres pays latino-américains qui ont subi des dictatures militaires entre les années 1960 et 1980 ont conduit à un considérable degré de maturité démocratique. Cinquante ans après le coup d’Etat au Chili, l’émotion des exilés politiques installés en France (lemonde.fr)

Rébellion du groupe Wagner contre Moscou, un semblant de coup d’état ?

par Christian Lequesne le 29 juin 2023
Vendredi dernier, Evguéni Prigojine et son groupe paramilitaire russe Wagner sont entrés en rébellion armée contre Moscou après avoir accusé l'armée russe d'avoir mené des frappes meurtrières sur des camps de ses combattants. Christian Lequesne, ancien directeur du CERI, professeur de sciences politiques à Sciences Po Paris et membre du comité scientifique du Laboratoire de la République, analyse ce soudain revirement de situation qui n'a duré que vingt-quatre heures mais qui a remis en cause l'invulnérabilité de Vladimir Poutine.
Le Laboratoire de la République : Complot intérieur, machination des services secrets, diversion militaire…Près d’une semaine après les faits, quel sens donner à l’évènement ? Christian Lequesne : Il est difficile de lui donner un sens définitif. On s’interroge encore. Mais il semblerait que l’enjeu fut pour le chef des Wagner, Prirogine, de résister à l’absorption de ses mercenaires dans les troupes du ministère de l’Intérieur. D’où les mots très durs pour le ministre de la Défense, Choïgou, et pour le chef d’état major, le Général Guerassimov. Certains officiers n’aimant pas ces deux derniers, comme le Général Sourovikine, en ont profité pour appuyer Wagner. Ils reculent aujourd’hui, car Poutine est en train de reprendre la situation en mains. Le Laboratoire de la République : C’est la première fois depuis son arrivée au Kremlin que le pouvoir de Vladimir Poutine vacille. L’échec de Wagner va-t-il selon vous l’affaiblir ou au contraire le renforcer ? Christian Lequesne : Il est évident que c’est un affaiblissement. Dans un pays qui continue d’entretenir le culte du chef à la tête de la nation, toute contestation du chef se transforme en diminution de pouvoir. D’où la forte présence médiatique de Poutine depuis quelques jours sur le front de la guerre. Il commente les avancées russes, les pertes militaires etc. avec un sens du détail nouveau. Tout ceci pour bien montrer à l’opinion russe qu’il contrôle la situation. Il ne serait pas étonnant qu’il décide de faire monter la pression en termes de terreur. L’attaque du restaurant à Kamarotsk, qui a fait 10 morts et 61 blessés, peut être lu ainsi. Le Laboratoire de la République : Evgueni Prigojine pourrait-il jouer un rôle dans les mois ou années à venir en Russie ?  Christian Lequesne : Difficile à dire avec précision. Il est semble-t-il réfugié à Minsk où le président biélorusse l’aurait accueilli avec l’idée de jouer un rôle de médiateur avec Poutine. Les Wagner sont retournés au combat. Poutine, après avoir fustigé les traitres, a dit qu’il n’y aurait pas de poursuite. Prirogine à mon avis n’aura pas de rôle dans l’appareil d’Etat mais continuera à monayer ses services en faisant monter un peu les enchères. N’oublions jamais que derrière Wagner, il n’y a pas que des sentiments nationalistes. Il y aussi des intérêts financiers qui se traduisent en espèces sonnantes et trébuchantes pour leur chef. L’accès accru aux ressources minières en Afrique peut être une compensation. Le Laboratoire de la République : Comment pourrait finir le règne de Poutine ? Le scénario du putsch militaire est-il le plus probable ? Christian Lequesne : Je n’y crois pas de la part des militaires de l’armée régulière, mais de la part d’un groupe mercenaire comme Wagner, personne ne peut l’exclure. C’est dans le fond ce que Prirogine a tenté, sans que nous sachions s’il était décidé à aller au bout ou s’il voulait simplement faire monter la pression pour négocier son indépendance. Je pense que dans un pays comme la Russie, une « révolution de palais » n’est jamais à exclure, mais je verrai cela plutôt comme le fait de certains politiciens qui considèreraient Poutine « épuisé » en association avec des officines de renseignement. Mais une fois encore, je ne crois pas que nous en soyons là, comme la reprise en mains par Poutine l’a montré. Ce scénario serait plus probable si l’offensive ukrainienne réussissait à reprendre de grandes parts de territoire, donnant l’impression au peuple russe que le pays perd vraiment la face. Pour l’instant, une bonne partie de l’opinion russe, abreuvée par la seule télévision d’Etat, continue de croire que la Russie va gagner contre les fascistes ou les néonazis.

Turquie : une victoire d’Erdogan et un pays divisé

par Tarik Yildiz le 30 mai 2023
Recep Tayyip Erdoğan a été réélu, ce dimanche 28 mai, à la présidence de la république de Turquie. Cette victoire cache un pays profondément fracturé, selon Tarik Yildiz, sociologue, notamment auteur de « De la fatigue d’être soi au prêt à croire » (Editions du Puits de Roulle).
Le second tour de l’élection présidentielle en Turquie vient d’avoir lieu avec la victoire d’Erdogan qui se dessine autour d’un score de 52% contre 48% pour son opposant. Quels enseignements pouvons-nous tirer de ce scrutin ?Pour la première fois de son histoire, la Turquie a connu un second tour lors de l’élection de son président. Deux Turquie se sont affrontées dans les urnes dans ce qui s’est apparenté à une sorte de référendum.D’une part, le camp du président actuel qui représente celui d’un mouvement conservateur et religieux. Il est hérité d’une longue tradition que l’on pourrait faire remonter à l’empire Ottoman, qui veut concilier religion et pouvoir politique fort. Cette tendance s’est souvent imposée dès lors que le peuple avait librement la parole. Après la période de laïcisation pour partie forcée d’Atatürk, les élections ont généralement mis en évidence cette sensibilité politique qui a été canalisée voire empêchée par ce que l’on a pu appeler « l’Etat profond », les militaires ou les institutions judiciaires du pays.D’autre part, Kemal Kiliçdaroglu à la tête du CHP (parti républicain du peuple, parti fondé par Atatürk), mouvement kémaliste qui, s’il reste plébiscité par une partie non négligeable de la population, est toujours confronté à une sorte de « plafond de verre ». Les soutiens du CHP ont rarement dépassés les 25 à 30% au sein du pays : populations attachées à une forme de laïcité, minorités religieuses… C’est pourquoi le CHP a tenté d’incarner le « tout sauf Erdogan » en constituant une large coalition iconoclaste, allant de ce que l’on pourrait qualifier de partis « ultra nationalistes » à d’anciens proches d’Erdogan.Les Turcs ont décidé de poursuivre avec Erdogan mais les résultats illustrent une polarisation extrêmement forte. Dans votre dernier article publié dans le journal Le Monde, vous prédisiez un second tour tout en n’excluant pas une victoire de l’opposition. Quels sont les ressorts du vote en Turquie ?Je prédisais en effet un second tour, ce qui constitue déjà un évènement historique à l’échelle de la vie politique turque. J’indiquais que, contrairement à ce beaucoup prétendaient, une alternance est possible en Turquie comme cela a été démontré lors des élections municipales qui ont vu Istanbul ou Ankara basculé dans le camp de l’opposition. La transformation du régime ainsi que l’élection du président de la République au suffrage universel à 2 tours rendaient en effet une alternance possible, contrairement aux précédentes élections (le régime parlementaire prévoyait une prime pour le premier parti).Cependant, étant donné le score lors du premier tour et surtout le ralliement à Erdogan de l’un des candidats malheureux (Sinan Ogan qui avait obtenu plus de 5%), la probabilité d’une victoire du président sortant était plus importante. Le report de voix n’a par ailleurs pas été purement « mathématiques », les résultats sont relativement serrés au regard de l’histoire politique turque.En Turquie, la population vote d’abord pour ce que les candidats sont, ce qu’ils incarnent plus que pour ce qu’ils proposent. Kiliçdaroglu a pâti de cela, lui qui est issu d’une minorité religieuse et qui porte l’héritage du parti kémaliste. Les autres facteurs ne sont évidemment pas neutres : Erdogan représente la stabilité, le mouvement de libéralisation et de démocratisation des années 2000, le prestige retrouvé de « l’homme malade de l’Europe » sur la scène internationale et un développement économique sans précédent. Le président actuel a par ailleurs bénéficie d’une visibilité médiatique très déséquilibrée. Désormais, à quoi faut-il s’attendre en Turquie ?Le pays est profondément fracturé et l’on ne peut pas le résumer à une sorte de clivage « droite-gauche ». Le candidat de l’opposition apparaissait par exemple comme bien plus virulent concernant le sort des réfugiés en Turquie : ce dernier souhaitait les renvoyer dès que possible alors que le président actuel se montrait plus conciliant au nom d’une fraternité religieuse. Il existe cependant de véritables clivages concernant la pratique du pouvoir et les libertés individuelles.Désormais, l’enjeu principal réside dans l’évolution de l’exercice du pouvoir : l’exécutif sera-t-il en mesure de prendre en considération cette « deuxième Turquie » et ses requêtes qui représente presque la moitié de la population ? La stratégie autoritaire sera-telle remise en cause ?Rien n’est moins sûr. Le contexte géopolitique, économique avec une inflation importante et une devise pas toujours stable ainsi que l’« effet de cour » peuvent fortement influencer les prochains mois. En dehors d’un évènement exceptionnel (qui est souvent arrivé dans la vie politique turque comme un fait politique majeur ou la dégradation de l’état de santé du dirigeant), la prochaine élection présidentielle est prévue en 2028 : il faudra composer avec celui qui est à la tête du pays depuis plus de 20 ans et qu’une bonne moitié de la Turquie continue de plébisciter.

Elections en Turquie : enjeux, rapports de force et conséquences géopolitiques

par Aurélien Denizeau le 12 mai 2023
Dimanche 14 mai, auront lieu les élections présidentielles et législatives turques. Alors que Recep Tayyip Erdoğan est au pouvoir depuis 20 ans, un changement d’administration est envisageable. Le pays est confronté à un pouvoir autoritaire s’islamisant, une crise démocratique, économique et sociale sans précédent causée par les récents tremblements de terre ayant fait plus de 50 000 morts. Sur le plan géopolitique, il est au carrefour entre l’Occident et l’Orient et en équilibre diplomatique permanent dans la guerre en Ukraine. Aurélien Denizeau, docteur en sciences politiques et relations internationales et chercheur indépendant spécialisé sur la Turquie, analyse les enjeux, rapports de force et conséquences géopolitiques dans le cas où le président sortant reste au pouvoir ou si l’opposition l’emporte.
Le Laboratoire de la République : Pouvez-vous nous présenter les principaux enjeux des élections en Turquie ?  Aurélien Denizeau : Le principal enjeu de l'élection présidentielle en Turquie est relatif à la poursuite - ou non - du modèle ultra-présidentialiste dominé par Recep Tayyip Erdoğan. En personnalisant sans cesse davantage le régime, le président turc a concentré tous les débats sur sa personne et sur les pouvoirs qu'il s'est fait attribuer. Une victoire lui permettrait de poursuivre dans cette voie et de consolider son pouvoir personnel ; à l'inverse, sa défaite signerait un désaveu, et mettrait un coup d'arrêt à cette personnalisation du régime. Il est important de noter que, pour autant, le retour au régime parlementaire, voulu par l'opposition, ne se réaliserait sûrement pas dans un court terme : en effet, une nouvelle réforme constitutionnelle nécessiterait soit l'obtention d'une large majorité à l'Assemblée (qui semble hors d'atteinte pour le moment), soit la tenue d'un référendum, à haut risque politique. De ce fait, une défaite de Recep Tayyip Erdoğan ne se traduirait pas un changement de régime immédiat, mais davantage par l'ouverture d'une période de transition marquée par des négociations entre les partis politiques représentés à l'Assemblée.  Un autre enjeu relatif à ces élections est la redéfinition des rapports de force entre les différentes tendances politiques. Les coalitions qui se sont construites, soit pour soutenir, soit pour combattre le président Erdoğan résisteront-elles aux résultats du scrutin ? Quel poids peut espérer jouer la mouvance pro-Kurde, qui cherche à jouer le rôle d'arbitre au Parlement ? Les nationalistes, fracturés en divers partis aux allégeances variées, peuvent-il entamer un rapprochement ? Il faudra scruter non seulement les scores des candidats à l'élection présidentielle et des coalitions qui les soutiennent mais, également, à l'intérieur même de ces coalitions, les résultats obtenus par chaque parti.  Le Laboratoire de la République : Quelles sont les forces en présence ? Une alternance semble-t-elle possible ?  Aurélien Denizeau : Le président Recep Tayyip Erdoğan est soutenu par l’Alliance du Peuple, une coalition construite autour de son parti, l’AKP, de tendance islamo-conservatrice, et le parti nationaliste MHP. Cette coalition possède une cohérence idéologique relative, de type national-conservatrice, et s’appuie sur un socle électoral de plus de 40% des voix. Face à lui, son principal adversaire Kemal Kılıçdaroğlu, est le candidat de l’Alliance de la Nation. Cette coalition repose sur six partis très divers : le CHP, le parti kémaliste historique, dont Kılıçdaroğlu assure la présidence ; le İYİ, un parti nationaliste dissident du MHP ; le Saadet, le parti islamiste historique ; le Demokrat Parti, libéral-conservateur ; et deux partis fondés par d’anciens ministres de Recep Tayyip Erdoğan, le DEVA d’Ali Babacan (ancien ministre de l’Économie) et le Gelecek d’Ahmet Davutoğlu (ancien ministre des Affaires étrangères et Premier ministre). Cette coalition d’opposition est créditée de plus de 45% des voix ; elle peut arriver au pouvoir et permettre une alternance. Le problème est qu’elle est très hétéroclite en termes idéologiques ; un scénario à l’israélienne n’est donc pas à exclure : les partis alliés risquent de se déchirer en raison de leurs divergences idéologiques, permettant à terme le retour du dirigeant qu’ils avaient voulu renverser. En d’autres termes, même en cas de victoire, le succès de l’opposition n'est pas garanti. Ajoutons enfin que des forces alternatives vont également chercher à peser sur le scrutin. Le parti pro-Kurde et progressiste HDP soutient Kemal Kılıçdaroğlu pour la présidentielle, mais va jouer sa propre stratégie aux législatives et tâchera d’obtenir un groupe parlementaire pour devenir une force d’appoint indispensable. Le candidat nationaliste Sinan Oğan et le kémaliste Muharrem İnce, issu du CHP, vont se disputer le rôle de « troisième homme » du scrutin. La complexité de ce paysage politique rend toute prédiction difficile pour l’avenir. Le Laboratoire de la République : Quelles conséquences géopolitiques possibles ? Aurélien Denizeau : Même si les partenaires de la Turquie scrutent ce vote avec intérêt, en réalité, la politique étrangère n’est pas un enjeu fondamental cette fois-ci. Les grandes décisions prises par Recep Tayyip Erdoğan au cours des dernières années (neutralité dans le conflit russo-ukrainien ; soutien à l’Azerbaïdjan face aux Arméniens du Haut-Karabagh ; modernisation du matériel militaire…) font globalement consensus au sein de la société turque, car elles sont perçues comme répondant aux intérêts nationaux de la Turquie. Il est probable que sur la forme, l’opposition voudra marquer sa différence, et que quelques changements à la marge sont à prévoir : rapprochement avec les partenaires occidentaux ; réconciliation accélérée avec la Syrie de Bachar al-Assad ; retrait relatif des forces turques de Libye. Surtout, le ton devrait changer : plus de diplomatie, moins de provocations.Toutefois, plusieurs annonces de Kemal Kılıçdaroğlu, par exemple au sujet de projets communs avec la Chine, laissent à penser que la Turquie ne retournera pas dans une logique de bloc occidental. L’idée de diplomatie d’équilibre, multidirectionnelle, sans alliance contraignante, fait aujourd’hui consensus dans le pays. Passer les premiers signaux envoyés à l’Occident (notamment dans l’espoir d’une aide économique conséquente, au vu de la situation difficile du pays), il est probable que la dure logique des intérêts nationaux reprendra le dessus.  Le Laboratoire de la République : Plus particulièrement, les liens avec la France pourraient-ils être modifiés ? Aurélien Denizeau : Kemal Kılıçdaroğlu est réputé francophile, il a vécu en France et parle un peu le français. Il n’entretient pas avec Emmanuel Macron la relation de rivalité réciproque que l’on observe chez le président Erdoğan. On peut donc escompter une période de réchauffement des relations diplomatiques. Un changement possible en cas d’alternance serait l’arrêt du soutien turc à des groupes islamistes et/ou communautaristes présents sur notre sol ; ce permettrait indéniablement l’amélioration des relations bilatérales. Toutefois, il ne faut pas être naïf : en Afrique aussi bien que dans le Caucase, en passant par la Méditerranée orientale, la Turquie continuera de défendre ce qu’elle perçoit comme ses intérêts nationaux. Des désaccords peuvent donc persister, même s’ils seront peut-être gérés de manière plus discrète et moins brutale.

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