Et si l’on repensait enfin la prévention comme un véritable pilier de notre système de santé ? Trop longtemps marginalisée, reléguée derrière le curatif, la politique de santé publique en France manque d’ambition et de moyens. Dans cette note, deux experts – David Smadja, professeur d’hématologie à l’Université Paris Cité, praticien hospitalier à l’hôpital européen Georges Pompidou et responsable de la commission Santé du Laboratoire de la République, et Jean-Paul Thonier, président fondateur du cabinet de conseil santé CHEERS! – appellent à une refonte profonde de notre stratégie préventive. Leur proposition : faire converger santé scolaire et santé au travail pour créer un véritable continuum de prévention, de l’enfance à l’âge adulte. Une "union sacrée" au service d’une meilleure espérance de vie en bonne santé.
En France, la prévention en santé est largement sous-financée et négligée : moins de 2 % des dépenses y sont consacrées, contre 8 % au Danemark. Trop souvent centrée sur le soin curatif, notre politique ignore la nécessité d’agir en amont pour préserver la santé tout au long de la vie. Résultat : une espérance de vie en bonne santé qui stagne à seulement 67 ans pour les femmes et 65,6 ans pour les hommes. La santé scolaire et la santé au travail représentent deux leviers majeurs pour inverser cette tendance. La santé scolaire, pilier oublié, doit devenir un véritable filet de sécurité pour nos enfants : protéger, écouter, dépister précocement les troubles et lutter efficacement contre le harcèlement. Son intégration au Ministère de la Santé, un renforcement massif des moyens et une meilleure coordination territoriale sont essentiels pour transformer l’école en un lieu sûr et bienveillant. La santé au travail, quant à elle, couvre la population active durant plus de 40 ans : elle possède un réseau dense, un financement majoritairement privé et un potentiel énorme pour promouvoir une santé préventive, prédictive et connectée. Pour réussir, nous devons décloisonner ces deux sphères et construire un continuum préventif cohérent : accompagner chaque enfant pour qu’il devienne un adulte en bonne santé, et protéger l’adulte pour qu’il reste actif et épanoui.
Il est temps de dépasser les discours : misons sur cette « Union sacrée » pour la prévention, et transformons enfin les constats en actes.
Comment faire face à désinformation alors que l’abandon de X par les scientifiques devient de plus en plus courante ?
Alors que le mouvement Stand Up for Science a rassemblé une mobilisation significative la semaine dernière en réaction aux coupes budgétaires dans la recherche et aux politiques anti-science mises en place sous l’administration Trump, David Smadja et Nathalie Sonnac, responsables des commissions Santé et Espace public du Laboratoire de la république, publient un éditorial dans la revue scientifique américaine Stem Cell Reviews and Reports.
Dans ce texte, Nathalie Sonnac et David Smadja analysent le retrait progressif des scientifiques de X (anciennement Twitter) et son impact sur la propagation de la désinformation, notamment en matière de santé (vaccins, cancer, etc.). L’absence d’experts sur ces plateformes laisse le terrain libre aux complotistes et aux pseudo-spécialistes, facilitant ainsi la diffusion de fausses informations.
Les deux auteurs alertent surtout sur le fait que quitter X constitue une erreur fondamentale. Pour combattre efficacement la désinformation, il est essentiel que les scientifiques restent actifs sur plusieurs canaux, notamment Blue sky, Mastodon, TikTok et LinkedIn, et s'engagent dans un combat pour la rationnalité.
Enfin, ils insistent sur la nécessité de mieux réguler les réseaux sociaux, en particulier à travers le Digital Services Act (DSA), afin de limiter la diffusion des fake news et de protéger l’intégrité scientifique et démocratique.
Pour retrouver l'article en intégralité et en anglais (payant) cliquez sur le lien
https://link.springer.com/article/10.1007/s12015-025-10864-1
Alors qu’un médecin scolaire couvre en moyenne 13 000 élèves, il y a urgence à repenser la santé en milieu scolaire, défend David Smadja, responsable de la commission Santé du Laboratoire. L’école doit devenir un pilier de la politique de prévention en santé.
Lire la note : Réinventer la prévention : l'union sacrée de la santé scolaire et de la santé au travail au service de la santé publique - Laboratoire de la République
David Smadja est professeur d’hématologie à l’Université Paris Cité, praticien hospitalier à l’hôpital européen Georges Pompidou et responsable de la commission Santé du Laboratoire de la République.
La France est malade de sa prévention ! Tandis que le Danemark consacre près de 8 % de ses dépenses de santé à cette priorité, la France lui en alloue à peine 2 %. La prévention est le seul levier capable de redresser une réalité inquiétante : si l’espérance de vie atteint 85,4 ans pour les femmes et 79,4 pour les hommes, l’espérance de vie en bonne santé chute respectivement à 67 et 65,6 ans. Si la France échoue à prévenir, c’est aussi parce qu’elle a trop longtemps laissé la prévention hors du champ d’action direct du ministère de la Santé.
Avant 1994, trois domaines majeurs de la santé échappaient à la responsabilité du ministère : la santé au travail, la santé scolaire et la santé pénitentiaire. C’est précisément cette dernière qui, la première, a été réorganisée à travers une réforme de rupture. En effet, en 1994, la France a su faire preuve d’audace en plaçant la santé des personnes détenues sous une co-tutelle partagée entre le ministère de la Santé et celui de la Justice. Cette co-tutelle a permis d’améliorer les soins en prison en décloisonnant les pratiques avec efficacité et dignité. La réussite de cette réforme prouve que, pleinement mobilisé, le ministère de la Santé peut transformer en profondeur les secteurs longtemps marginalisés.
Tout le monde s’accorde à dire que tout projet de société digne de ce nom doit commencer par le renforcement de l’école : c’est en plaçant le bien-être des enfants au cœur de l’action publique que la France retrouvera une santé durable. La pandémie de Covid-19 a été un révélateur brutal. La santé mentale des enfants et des adolescents s’est dégradée à un rythme alarmant. Alors que la santé mentale a été déclarée « grande cause nationale » pour l’année 2025, repenser la santé scolaire est impératif pour renforcer sa capacité d’action préventive. Le harcèlement scolaire, qui continue de miner le bien-être de certains jeunes, en est une illustration dramatique : il révèle la nécessité urgente de dispositifs plus cohérents, intégrés et protecteurs. Dans ce contexte, comment expliquer que notre première ligne de défense, la santé scolaire, soit en ruine ? Pourquoi ne pas accorder à nos enfants ce que nous avons su offrir à nos détenus ? Pourquoi persiste-t-on à agir trop tard, plutôt qu’à investir là où tout commence : à l’école ?
Face à un système de santé encore trop centré sur le curatif, fragmenté et marqué par des logiques corporatistes, la prévention n’est ni un luxe, ni une option.
David Smadja
Aujourd’hui, l’école est le premier désert médical français. Un médecin scolaire couvre 13. 000 élèves. Un psychologue, 1. 500. Un infirmier, 1. 300. Qui accepterait de tels ratios dans un hôpital ? Ces professionnels sont dévoués, compétents mais isolés. Ils travaillent dans un angle mort institutionnel, sans lien fonctionnel avec les structures de santé, dépendants d’une hiérarchie éducative qui n’est pas formée aux enjeux médicaux. Ce cloisonnement administratif est une impasse. Il tue l’ambition préventive, empêche les suivis, aggrave les inégalités. Depuis des années, les rapports s’accumulent - Académie de médecine, Cour des comptes, IGAS, Assemblée nationale, Sénat - et tous dressent le même constat : gouvernance illisible, absence d’évaluation, décrochage des vocations, disparités territoriales. Tous appellent à une réforme de fond. Rien ne change. Ou si peu.
Il faut donc un geste fort. Le premier acte politique serait de confier la santé scolaire au ministère de la Santé. Cela permettrait enfin de bâtir des carrières attractives, de reconnaître les spécificités des professionnels de terrain, d’unifier les systèmes d’information et de connecter les établissements scolaires aux acteurs de santé publique déjà existants : hôpitaux, centres médico-psychologiques, maisons des adolescents, réseaux territoriaux, CPTS... Ce basculement ouvrirait également les écoles aux jeunes professionnels en formation. En effet, nous devons aussi ouvrir les écoles aux étudiants en santé, qui ont démontré leur engagement durant la crise sanitaire. Encadrés, ils pourraient participer à des bilans préventifs, des ateliers sur la santé mentale ou le harcèlement, et constituer une force vive au service des élèves. Aujourd’hui, aucun étudiant en médecine ou en pharmacie, mais aussi aucun interne en médecine générale, en pédiatrie, en psychiatrie ou en santé publique ne passe dans une école durant sa formation : une anomalie qu’il est urgent de corriger.
Comment attirer des nouveaux professionnels ou susciter des vocations si la santé scolaire n’est jamais enseignée ou même proposée comme terrain d’apprentissage ? La présence de jeunes étudiants ou internes en santé bénéficierait à la fois aux élèves, qui seraient mieux suivis, mieux écoutés, mieux protégés, et aux futurs professionnels de santé, qui gagneraient en culture préventive et en lien avec le réel. Enfin, à l’heure où la désinformation en santé prolifère, la présence de jeunes étudiants en santé dans les écoles pourrait, par des échanges privilégiés, transmettre aux élèves une véritable culture de la santé et de la science, et ainsi les armer contre les fausses informations.
La prévention, c’est aussi une question d’outils. Là encore, la France est en retard. Nous devons voir l’innovation en santé comme levier de transformation. Le Danemark nous montre la voie. Avec une prévention territorialisée, pilotée par les communes, et une digitalisation complète du système de santé, ce pays a su moderniser sa politique sanitaire. Des partenariats public-privé y structurent des projets concrets, tels que la prévention de l’obésité. La France peut s’en inspirer pour créer un « Réseau d’innovation et de préventive territoriale ». Ce réseau serait copiloté par les agences régionales de santé, les collectivités locales et les services de santé scolaire. Il reposerait sur des cellules locales de prévention, capables de coordonner les actions, de suivre des indicateurs partagés, d’impliquer les étudiants en santé. Comment financer ce « Réseau d’innovation et de préventive territoriale » ? La création d’un Fonds national pour l’innovation en prévention, sur le modèle du programme « Lighthouse Life Science » danois, abondé par des financements publics et privés, pourrait soutenir les projets les plus prometteurs : outils de détection du mal-être, biobanques, applications santé, etc.
Face à un système de santé encore trop centré sur le curatif, fragmenté et marqué par des logiques corporatistes, la prévention n’est ni un luxe, ni une option. Et cela commence à l’école. Aujourd’hui, nous lançons un appel à cette « union sacrée » pour la prévention, seule capable de remettre la santé au cœur de notre contrat social. Nous avons les outils. Nous avons les rapports. Il ne manque qu’une chose : le courage d’agir.
Retrouvez la tribune de David Smadja sur le site du Figaro.
Alain Laquièze, doyen de la faculté de Droit, d'Économie et de Gestion de l'Université Paris Cité et responsable de la commission République démocratique au sein du Laboratoire de la République, propose une réflexion approfondie sur la crise politique actuelle en France. À travers une perspective historique, il questionne les dynamiques à l'œuvre : sommes-nous face à une véritable crise de régime ou existe-t-il encore des solutions pour revitaliser un système qui semble à bout de souffle ?
Il y a cent ans, le Président de la République, Alexandre Millerand, fut contraint à la démission, en raison de l’hostilité d’une large partie de la classe politique, notamment des socialistes et des radicaux, ainsi que du Parlement. La Chambre des députés, après la victoire du Cartel des gauches aux élections législatives de mai 1924, entama en effet une grève des ministères, dont le but premier était de contraindre le chef de l’État de quitter l’Élysée. Millerand, n’ayant pas obtenu du Sénat l’accord qui lui était nécessaire pour dissoudre la Chambre des députés, se résigna à quitter sa charge le 11 juin 1924.
À l’heure où les appels à la démission du président de la République, Emmanuel Macron, se multiplient, il n’est pas inutile de remettre en perspective la situation constitutionnelle que nous vivons aujourd’hui. Car l’affaiblissement du président actuel qui n’est pas sans rappeler celui de son prédécesseur de la IIIème République, s’inscrit toutefois dans un contexte diamétralement différent. Au début des années 1920, Millerand s’efforçait d’infléchir le fonctionnement du régime parlementaire, outrageusement dominé par les chambres, en affirmant la place du président dans la détermination de la politique nationale. Aujourd’hui, la problématique est quasiment opposée : il s’agit de savoir si Emmanuel Macron peut éviter l’affaiblissement durable de la fonction présidentielle, dans une Vème République qui a pourtant édifié, dès ses premières années d’application, ce que l’on a pu appeler le présidentialisme majoritaire, c’est-à-dire un régime politique dans lequel un chef de l’État élu au suffrage universel direct exerce une action politique prépondérante, à la faveur du soutien d’une majorité de députés à l’Assemblée Nationale.
La fin du présidentialisme - Laquieze Alain, Laboratoire de la RepubliqueTélécharger
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