Le mercredi 29 janvier, à la mairie d’Autun, le Laboratoire de la République organise une table ronde sur un sujet d’une importance cruciale : "Comment contrer la désinformation médicale et restaurer la confiance en la santé publique ?" Ce territoire, particulièrement touché par les problématiques liées à la santé, accueillera cette rencontre réunissant membres de commissions du Laboratoire et acteurs locaux engagés.
Depuis la crise sanitaire de 2020-2021, la confiance des Français envers les institutions, les médias et le monde médical a été sérieusement mise à mal. Ce scepticisme croissant envers les politiques sanitaires et les professionnels de santé affecte directement la gestion des enjeux de santé publique. Pourtant, la santé demeure la première préoccupation des citoyens.
Dans ce contexte, l’objectif de cette table ronde est double : analyser les causes de la défiance actuelle, proposer des pistes pour y remédier et présenter une note co-rédigée par Nathalie Sonnac et David Smadja, deux membres du Laboratoire de la République, apportant des recommandations précises pour encadrer les dérives informationnelles.
Lire la note : Santé et médias : comment lutter contre la désinformation ? - Laboratoire de la République
Nathalie Sonnac, professeure en Sciences de l’information et de la communication à l’Université Panthéon-Assas et responsable de la Commission Espace Public du Laboratoire, apportera son éclairage sur le rôle des médias et des institutions dans la lutte contre la désinformation.
David Smadja, professeur d’hématologie à l’Université Paris-Cité et praticien à l’hôpital Georges Pompidou, responsable de la Commission Santé, partagera son expertise sur les impacts de la désinformation dans le domaine médical et les solutions envisageables pour rétablir la confiance.
Des acteurs locaux, notamment des médecins, élus et représentants d’associations, viendront enrichir le débat en apportant leurs perspectives de terrain.
Le Laboratoire de la République a souhaité ancrer cette initiative au cœur des territoires, là où les besoins sont les plus criants.
L’entrée est libre et gratuite, mais l’inscription est recommandée pour garantir une place.
Quand ? Mercredi 29 janvier à 18h30
Où ? Mairie d'Autun, Salon d'honneur
Place du Champ-de-Mars
Cliquez ici pour vous inscrire
En cette Journée mondiale de la santé mentale, Thierry Taboy et Marie-Victoire Chopin abordent les défis psychologiques auxquels sont confrontés les jeunes aujourd'hui. Depuis deux ans, Marie-Victoire Chopin, docteur en psychologie, DMU Neurosciences, APHP Sorbonne Université, et Thierry Taboy, coordinateur de la commission technologique du Laboratoire de la République, mènent un combat contre les troubles identitaires exacerbés par le numérique.
Devant le miroir du matin, nous nous dévisageons, scrutant celui ou celle que nous sommes. Et nous choisissons celui ou celle que nous allons être. De la tenue que nous allons enfiler aux rôles que nous allons jouer en privé ou en public, tout relève d’un jeu paradoxal entre notre besoin de singularité et notre désir de reconnaissance. La sortie du paradoxe semble impossible: il faut que chacun de nos gestes traduise notre individualité, tout en la faisant accepter par les autres. Dans ces conditions, un avatar devient une version épurée de nous, répondant à ce paradoxe.
Le concept de singularité, comme présenté par le sociologue Andreas Reckwitz, met en lumière la quête moderne de l'originalité et de l'unicité. Cette recherche de singularité affecte de nombreux aspects de la vie quotidienne, de la nourriture que nous mangeons à nos choix personnels. Reckwitz souligne que cette logique de particularité peut entraîner une crise de l'universalité.
Qui apparaît dans ce reflet du miroir – l'explorateur des mondes virtuels, le professionnel impeccable, le séducteur des réseaux de rencontre ? Aujourd'hui, notre soi authentique semble fragmenté, dilué dans une marée d'avatars et de profils. Chaque compte social est une image déformée de nous ; mais comment ces reflets numériques façonnent-ils notre sentiment d'identité profonde ?
La construction de l'identité personnelle, le jeu comme constante.
Notre identité se façonne dès la tendre enfance, à travers les jeux et les rôles que nous incarnons en imitant le monde des adultes. Selon Winnicott, c'est dans le jeu que nous sommes véritablement libres de nous manifester. Erikson, lui, identifie l'identité comme un sentier parsemé de crises, chaque étape étant essentielle dans notre développement. Alors que nous grandissons, ces jeux évoluent, s'entrelacent avec les outils digitaux pour former de nouveaux masques, de nouvelles identités.
L'identité est un concept complexe qui englobe à la fois des aspects objectifs et subjectifs. Objectivement, chaque individu est unique sur le plan génétique. Subjectivement, l'identité renvoie à la conscience de son individualité, de sa singularité et à une continuité dans le temps. Cet aspect est important non seulement pour le sujet lui-même mais aussi pour son entourage, qui attend cohérence et constance dans les comportements de l'individu.L'identité comprend diverses composantes telles que l'identité perçue par soi-même et par autrui, le sentiment de soi, l'image et la représentation de soi, l'estime de soi, la continuité personnelle, le soi intime versus le soi social, et le soi idéal versus le soi réel. Ces différents aspects contribuent à former une notion complexe d'identité. Ainsi, l‘identité subjective est profondément sociale. Le besoin de reconnaissance est souvent lié à des personnes ou des groupes de référence importants pour nous, où être reconnu signifie être apprécié et aimé. Cette reconnaissance est un facteur clé dans l'estime de soi et l'existence perçue. Le perfectionnisme est parfois une conséquence de ce besoin de reconnaissance et de validation par ces figures significatives.
Comment rester soi au milieu de cette métamorphose ? Rogers interrogeait déjà l'influence terrifiante de voir nos multiples facettes se projeter dans un monde où la perception de soi s'en trouve fragmentée.
Identités et numérique
Sur les scènes des réseaux sociaux, nos existences se déclinent en multiples versions. Instagram immortalise nos moments les plus photogéniques, LinkedIn expose nos ambitions, et les sites de rencontre esquissent des séducteurs idéalisés. Les jeux multijoueurs nous permettent de devenir de vrais transformistes en relation avec nos projections de notre moi profond (genre, culture, langue..). La simplicité enfantine qui nous offre de créer nos propres « deepfakes» personnels élève cette curation de soi à un niveau vertigineux, brouillant la ligne entre réalité et représentation, authenticité et artifice. Sherry Turkle nous rappelait déjà en 2011 que ces technologies ne se limitent pas à être des moyens d'expression – elles modèlent notre identité même.
Une vulnérabilité augmentée
Pour celles et ceux déjà aux prises avec des troubles psychologiques, les espaces numériques et sociaux ne sont pas de simples distractions. Ils peuvent agir comme des révélateurs, intensifiant les symptômes de mal-être. John Suler a discuté de l'effet d'anonymat en ligne et comment le manque de repères tangibles peut mener à une altération de l'identité. Dans un univers où l’enveloppe physique s’efface au profit de l’avatar, il est essentiel d'offrir un accompagnement adapté, en particulier aux plus jeunes d’entre-nous.L'éducation numérique, la sensibilisation aux risques et un dialogue ouvert sur la santé mentale doivent être des priorités pour protéger et fortifier notre jeunesse face à ces défis modernes.
Fragmentation de l'identité et risques psychologiques
La diversité de nos "mois" numériques peut être source de confusion et de conflit interne. Elias Aboujaoude souligne la dangerosité de nos identités virtuelles séparées de notre réalité, qui peuvent mener à des affections psychologiques graves. Jean Twenge va plus loin en indiquant l'impact délétère de ce phénomène sur les adolescents, traduit par une augmentation de la dépression et de l'anxiété. Brené Brown, quant à elle, nous oriente vers l'authenticité et le courage d'être nous-mêmes, dans un monde qui met souvent l'accent sur la perfection. Et face à la dissonance entre le réel et le virtuel, Katherine Hayles questionnait dès 1999 la formation d'une schizophrénie posthumaine, où l'intégrité de l'individu est mise à rude épreuve).
Dans le mirage numérique, nous sommes invités à renouer avec l'individu qui se dissimule derrière les avatars – celui qui respire, rêve, et aime réellement. Il est temps de se poser des questions essentielles sur notre identité et de la cultiver avec sincérité.Sommes-nous les auteurs de notre existence ou les acteurs d'un rôle scripté par d'autres ?
Plaidoyer pour l'intégrité, nous lançons un appel à vivre authentiquement. Cherchons à établir notre identité sur des bases solides, stables, et véritablement nôtres. Résistons à la co-modification de soi et embrassons notre vraie nature dans ce théâtre d'avatars. Au fond, la personne que nous rencontrons dans le miroir sans fard, sans artifices, mérite notre attention la plus authentique et notre affection la plus vraie. Puissions nous tous vivre en concordance avec notre âme, dans un univers constamment remis en question par la technologie et les apparences.
Les initiatives qui visent à lutter contre les déserts médicaux se multiplient depuis quelques semaines : une régulation de l’installation des chirurgiens-dentistes, une mise en place des assistants médicaux, etc. Pourtant, la baisse du nombre de praticiens et la hausse de fermeture de services publics (ex : maternité) continuent et risquent de limiter l’efficacité de ces dispositifs. Louis-Charles Viossat, professeur à Sciences Po sur les politiques sociales et de santé internationales et membre du comité scientifique du Laboratoire de la République, nous dresse une vue d'ensemble des problèmes liés aux inégalités territoriales, des déserts médicaux et des solutions apportées depuis quelques années.
Le Laboratoire de la République : De nombreux rapports montrent que les inégalités territoriales de santé continuent de s’accentuer. Pourquoi ?
Louis-Charles Viossat : En effet, l’amélioration continue de l’espérance de vie à la naissance depuis les années 50 n’a pas permis de réduire les inégalités sociales ni les inégalités territoriales de santé. Le nord et le nord-est de la France ont, par exemple, une mortalité plus importante, pour l’ensemble des cancers, les maladies de l’appareil respiratoire et les maladies cardio-neurovasculaires. La proportion de personnes obèses varie d’un facteur de 1 à 3 entre les Hautes-Alpes (8%) et l’Orne (23%). L’accessibilité géographique à l’offre de soins est aussi très variable selon les territoires. Selon les dernières études, les difficultés géographiques d’accès aux soins sont particulièrement marquées dans les régions autour de l’Île-de-France (Oise, Seine-Maritime, Eure, Orne, Eure-et-Loir, Sarthe, Loir-et-Cher), dans les régions montagneuses (Alpes, Pyrénées, Vosges, Jura) et dans le Grand Est. Dans le reste de la France, les « déserts médicaux » sont plus dispersés et de taille plus réduite. Mais trouver un médecin traitant, avoir une réponse rapide à un besoin de soins immédiat, obtenir un rendez-vous avec un spécialiste dans un délai raisonnable, bénéficier d’un suivi médical à domicile ou en EHPAD quand on ne peut pas se déplacer est de plus en plus problématique. Entre 2000 et 2017, la part des femmes en âge de procréer et résidant à plus de 30 minutes d’une maternité s’est accrue de 5,7% à 7,6%. Et les inégalités sociales se cumulent aux inégalités territoriales : les difficultés affectent tout particulièrement, et de plus en plus, les plus âgés, les plus fragiles et les ruraux.
L’accroissement des inégalités territoriales de santé et d’offre de soins est lié à de nombreux facteurs. Et c’est pour cela qu’affronter ce problème est compliqué et prendra nécessairement du temps. Ce d’autant plus que la démographie des professions de santé est en berne et que la demande de soins croit rapidement. Les départs en retraite de très nombreux médecins dans les prochaines années vont aggraver la situation. Avec souvent un effet boule de neige, car quand un cabinet généraliste ferme, ce sont les autres médecins alentour qui trinquent. Les jeunes professionnels n’acceptent plus les conditions de travail et de vie de leurs prédécesseurs et ce qu’il juge être un déséquilibre inacceptable entre vie familiale et vie professionnelle. En plus, les déserts médicaux ne sont pas seulement médicaux : ils concernent aussi les services publics, l’offre culturelle, commerciale… Les spécialistes sont trois fois moins nombreux dans les quartiers prioritaires de la ville qu’ailleurs. Les élus locaux ont un rôle clé à jouer. C’est toute la politique de développement local qui est en jeu.
Le Laboratoire de la République : Peut-on régler le problème des déserts médicaux sans contraindre les jeunes médecins sur une zone d’installation ?
Louis-Charles Viossat : Dans le contexte français, imposer aux nouveaux médecins des contraintes territoriales à l’installation serait un pari risqué. Il est vrai que certains de nos voisins ont avancé dans cette direction. Mais le caractère profondément libéral de la médecine en France, son mode d’exercice toujours très individuel, l’histoire chaotique des relations des médecins avec l’assurance maladie, et la pénurie de médecins aujourd’hui sont autant de facteurs qui pourraient conduire, si on n’autorisait plus les médecins à s’installer où ils le souhaitent, à une grave crise de confiance, en ville et à l’hôpital. Prendre le risque d’une rupture en vaut-il la peine ? Je ne le crois pas.
L’amélioration de l’accès de la population aux médecins passe plutôt, dans les années qui viennent, par la mise en place d’une palette d’autres solutions : l’accroissement rapide du nombre d’étudiants en médecine, y compris en permettant aux professionnels paramédicaux de reprendre des études de médecine avec des équivalences, plus d’exercice groupé et de travail en équipe ainsi que de travail aidé comme ont su le faire les ophtalmologistes, un large recours à des assistants médicaux auprès des médecins qui auraient des missions cliniques étendues comme en Allemagne, le développement de toutes les formes de télémédecine et de télésanté, le recours à des infirmières de pratique avancée en nombre et à d’autres professions intermédiaires à créer, l’utilisation des ressources de l’intelligence artificielle… C’est un grand chantier qui est devant nous !
Le Laboratoire de la République : Quel rôle doit avoir l’hospitalisation privée dans le dispositif de prise en charge local ?
Louis-Charles Viossat : L’hospitalisation privée joue d’ores et déjà un rôle clé dans le système de santé et doit continuer à l’exercer. Il y a plus d’établissements privés, lucratifs ou non-lucratifs, que d’hôpitaux publics même s’ils emploient qu’un tiers des personnels et représentent 40% des lits. Les cliniques privées concentrent les deux-tiers de la chirurgie ambulatoire (cataracte, arthroscopie…) alors que les hôpitaux publics prennent en charge des actes plus complexes, dont la durée de réalisation est plus longue, et la majeure partie de la médecine d’urgence. Certains groupes de cliniques privés se sont toutefois engagés depuis quelques temps vers l’ouverture de centres de soins primaires. C’est une évolution intéressante à suivre.
Le Laboratoire de la République : La création des ARS (2009) et des GHT (2016) a-t-elle eu les effets escomptés en matière de coopération médicale territoriale ?
Louis-Charles Viossat : Les objectifs fixés aux ARS par la loi HPST étaient trop ambitieux : ce devait être « la clé de voûte de l’amélioration de l’efficacité et de l’efficience du système de santé ». On a voulu créer une sorte d’administration sanitaire type NHS au moment où ce dernier montrait ses limites. Les ARH, créées par Jacques Barrot, étaient, par contraste, des administrations de mission légères et dédiées à un objectif clair. Près de 15 ans, sans surprise, le bilan des ARS est mitigé, notamment mais pas seulement en ce qui concerne la coopération médicale sur les territoires. Il faut dire aussi que les outils de coordination se sont multipliés à en donner le tournis (maisons de santé pluriprofessionnelles, protocoles de coopération, CTPS, services d’accès aux soins, dispositifs d’appui à la coordination…) et que les ARS se sont bureaucratisées et éloignées du terrain. L’impact des GHT n’est pas très différent. Penser qu’on va régler les problèmes de santé, en l’occurrence hospitaliers, en fusionnant et en reconcentrant les structures publiques est une fausse bonne idée.
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